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À Niederhausbergen, le maire Jean-Luc Herzog n’écoute plus personne

À Niederhausbergen, le village se divise autour d’une nouvelle salle polyvalente et d’un important projet immobilier. Mais, après avoir été réélu en tant que seul candidat à sa succession en 2014, le maire Jean-Luc Herzog n’entend pas laisser à ses opposants ne serait-ce que l’opportunité de débattre. Et tant pis si des projets alternatifs comme une brasserie artisanale ou un festival champêtre ne cadrent pas avec sa vision du village…

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Jean-Luc Herzog devant la mairie qu'il souhaite un jour remplacer (Photo Floréal Hernandez / 20 Minutes)

Niederhausbergen, c’est ce petit village de 1 400 habitants au nord ouest de l’Eurométropole de Strasbourg. Là bas, on est plus vraiment en ville, on est plus proche des champs et il règne dans les rues proprettes une ambiance calme et rurale. En 2014, la liste menée par Jean-Luc Herzog, ancien dirigeant du Racing Club de Strasbourg de 2006 à 2010 et candidat à sa succession, était la seule disponible.

Conseillère municipale, Christiane Barbot-Schaub se souvient :

« On a rejoint Jean-Luc Herzog en 2008 car c’est quelqu’un de dynamique, il avait envie de faire bouger les choses à Niederhausbergen et c’est ce qu’on a fait durant le premier mandat. Mais après notre réélection, le dynamisme s’est mué en des dépenses excessives. L’ambiance s’est tendue et j’ai remarqué qu’il était malvenu de poser des questions sur les choix du maire. En fait, les conseillers municipaux sont seulement là pour approuver… Je l’ai appris à mes dépens. »

Car depuis, Christiane Barbot-Schaub est devenue l’opposante n°1, la seule en fait au sein de ce conseil municipal de 15 personnes. Elle se décrit comme « agressée » par les propos du maire en conseil municipal et vit désormais son mandat comme une souffrance. Les autres conseillers municipaux en tout cas ont retenu la leçon : silence.

La vie municipale à Niederhausbergen est rythmée par trois gros dossiers : l’installation probable d’une aire pour les gens du voyage, une nouvelle salle polyvalente et la construction du lotissement des « Terres du sud », qui doit apporter 130 à 160 logements nouveaux vers la rue de Bischheim. Cet aménagement fera passer au village la barre des 2 000 habitants en 2018. Il y a aussi le réaménagement du centre du village, mais ce dernier, d’un coût de 500 000€ sur deux ans, est financé à 90% par l’Eurométropole.

Jean-Luc Herzog devant la mairie qu'il souhaite un jour remplacer (Photo Floréal Hernandez / 20 Minutes)
Jean-Luc Herzog devant la mairie qu’il souhaite un jour remplacer (Photo Floréal Hernandez / 20 Minutes)

Une dette qui explose et qui inquiète

Alors qu’il y a des salles polyvalentes dans toutes les communes voisines, Niederhausbergen avait-elle vraiment besoin d’un tel équipement ? Composé de deux salles, une de 966 m² pour les sports collectifs et une autre de 300 m² pour la danse sportive et d’autres activités culturelles, sa construction doit coûter plus de 3,3 millions d’euros. Un projet jugé démesuré par certains habitants de cette commune dont le budget oscille autour de 1,5 million d’euros et dont la dette a explosé en 2014.

Encours de la dette de Niederhausbergen (doc JDN / Min Economie)
Encours de la dette de Niederhausbergen (doc JDN / Min Economie)

Jean-Luc Herzog prévoit de financer cet équipement par 1,2 million d’euros de fonds propres et le recours à l’emprunt pour le reste. Dans le bulletin municipal, Jean-Luc Herzog assure que la commune a les moyens de se payer cette salle, étant donné que lors du mandat précédent, elle a financé un nouveau groupe scolaire. Mais l’opération n’était que de 2 millions d’euros et cofinancée par l’État.

Des associations locales remontées

Deux associations portent la contradiction au maire, en l’absence de tout groupe municipal d’opposition : Nieder Authentique, qui revendique une centaine de membres, et Nieder Patrimoine, 25 membres. Les deux associations contestent vigoureusement l’aménagement des Terres du Sud et la création de la nouvelle salle polyvalente. Jean-Luc Herzog a refusé de les recevoir et n’a jamais répondu aux questions que ces associations lui ont adressé par courrier.

Président de Nieder Authentique, Françoise Prinz détaille :

« On nous cache des informations, on refuse de répondre à nos questions et on nous refuse l’accès aux réunions publiques sur le dossier des Terres du Sud. C’est quand même incroyable ! On n’est pas d’accord et on devrait avoir le droit de le dire. »

Elles ont alors porté le débat sur le plan juridique et entament des recours contre les délibérations du conseil municipal. Mais surtout, l’association Nieder Authentique s’est rendue coupable d’un acte impardonnable aux yeux du maire : elle a écrit aux conseillers municipaux. Furieux, Jean-Luc Herzog a répondu cette fois, avec un courrier comminatoire en exigeant que l’association « reste dans les limites du droit français. » Ambiance, ambiance.

Chaque année dans la cour de la ferme Wolff, c'est musique et tartes flambées (Photo Les Semailles)
Chaque année dans la cour de la ferme Wolff, c’est musique et tartes flambées (Photo Les Semailles)

« Votre fête champêtre, c’est bien, mais faites la ailleurs »

Autre association en délicatesse avec le maire, Les Semailles, qui organise tous les ans le petit festival AgriCoolTure, en juin. Françoise Wolff, l’agricultrice à l’origine de cette manifestation à base de concerts et de tartes flambées, ne comprend toujours pas en quoi elle dérange le maire :

« Chaque année, on fait venir 300 à 400 personnes dans la cour de notre ferme, rue Mercière en plein centre du village. C’est sympa, ça fait sortir les gens et ça anime le village. Eh bien l’an dernier, il m’a dit qu’il faudrait aller ailleurs, juste comme ça, sans raison. Je n’ai pas cédé et on a maintenu le festival. J’étais un peu inquiète, mais il n’a rien pu faire car on ne demande rien à la mairie, même pas un banc. Heureusement d’ailleurs, mais c’est peut-être ça qui le dérange. »

Autre activité qui donne des boutons à Jean-Luc Herzog, la brasserie Mercière de Franck Julich. Grâce à son travail acharné et à pas mal de nuits blanches, Franck Julich a réussi à transformer cette passion en entreprise artisanale naissante. Il vend 2 000 litres de bières chaque semaine dans sa petite échoppe du bout de la rue Mercière et sa production double tous les ans. À Strasbourg, sa bière est disponible au Kitsch n’bar, au Local et à la Popartiserie.

Pas de brasserie écolo non plus

Pour se développer, Franck Julich a besoin de plus d’espace. Il a un super projet : créer une brasserie artisanale au coeur du village, écologique et autonome en énergie, avec une unité de brasserie, une malterie et une petite épicerie où se vendrait de la bière, mais aussi des produits locaux, biologiques et en vrac. Franck Julich prévoit d’agrémenter tout ça avec des ateliers et des rencontres pour réapprendre à « faire soi-même », à perpétuer le savoir-faire des anciens…

Quel maire ne voudrait pas ça dans son village ? Jean-Luc Herzog à nouveau. Le maire n’entend pas permettre à Franck Julich d’utiliser un terrain, pourtant acquis par son grand-père, pour qu’il réalise ce projet. Pour justifier son refus, le maire a simplement dit à Franck Julich que cette brasserie ne correspondait pas à « sa vision du village ». Il lui propose un autre terrain, plus petit, plus cher, dans une zone commerciale à l’extérieur…

Entre deux brassins, Franck Julich, né à Niederhausbergen et attaché à sa commune, ne comprend pas non plus ce qui lui tombe sur la tête :

« J’ai le sentiment que dans n’importe quel autre village, le maire me déroulerait un tapis rouge pour faire ça ! Et je ne lui demande rien, pas une subvention, pas une aide, pas un mètre de voirie… Juste le droit d’utiliser le terrain de mon grand-père, que toute ma famille est d’accord pour me vendre d’ailleurs. Mais mon projet de brasserie écolo le gêne dans ses grands plans pour l’avenir du village, je suis en plein dans le chemin… »

D’autres terrains de sports et une nouvelle mairie

Car le terrain que Franck Julich convoite a été réservé par le maire pour en faire… des terrains de sports, quand la commune possède déjà trois terrains de foot, un multistade, deux terrains de futsal et donc bientôt une nouvelle salle de sports… Mais surtout, juste à côté, Jean-Luc Herzog prévoit de construire… une nouvelle mairie et d’y déplacer le centre du village.

Pour certains habitants, Jean-Luc Herzog est devenu intouchable depuis qu’il a été nommé vice-président de l’Eurométropole. Le maire, divers-droite, fait partie des prises de guerre emmenés par Yves Bur, autre maire divers-droite de Lingolsheim, pour consolider la majorité menée par Robert Herrmann (PS) à la présidence de l’agglomération. Il a reçu le commerce et l’artisanat en délégation, ce qui inquiète Franck Julich.

Mais les choix du maire inquiètent aussi… la Chambre des métiers. Son président, Bernard Stalter, a écrit à Jean-Luc Herzog pour lui demander de bien vouloir réexaminer la demande de Franck Ulrich, compte-tenu des emplois que le projet va générer et de ses bénéfices en termes d’attractivité pour le village. Le maire de Niederhausbergen, en charge de l’artisanat pour l’Eurométropole, n’a pas encore répondu au représentant des artisans d’Alsace…

Nous avons évidemment contacté Jean-Luc Herzog à de multiples reprises, pour recueillir sa version des faits évoqués ci-dessus. Mais il nous a répondu qu’il « n’avait pas l’intention de répondre à nos questions » avant de raccrocher.


#Niederhausbergen

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