Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

Au delà de la « loi travail », l’absence d’une « convergence des luttes »

Plusieurs mouvements sociaux luttent depuis plus de trois mois contre la « loi travail ». Officiellement, ils prônent la « convergence des luttes » et se retrouvent lors des manifestations pour des actions collectives. En réalité, ces différents groupes ne parviennent pas à se rassembler derrière une volonté commune.

Cet article est en accès libre. Pour soutenir Rue89 Strasbourg, abonnez-vous.

Manifestation contre la loi travail à Strasbourg le 28 avril (Photo Pablo Desmares / Rue89 Strasbourg / cc)

« La convergence des luttes ne se décrète pas, elle se travaille ». Pour Julien Rock, du Mouvement des jeunes communistes du Bas-Rhin (MJC 67), la « convergence des luttes » dont toutes les organisations politiques parlent depuis des mois, est fébrile :

« À notre niveau, on pense qu’elle existe. On a des intérêts communs avec les autres organisations, notamment contre la « loi travail. » En Alsace, la mobilisation est plus faible qu’ailleurs en France, mais elle est tout de même importante à Strasbourg. Le problème, ce sont les tensions entre les différentes organisations. Notamment sur les moyens d’action car on n’a pas les mêmes traditions politiques. »

La question des moyens d’action a créé une divergence entre les différentes organisations. Ce fut notamment le cas avec Nuit Debout, explique Julien :

« On était très heureux du lancement de Nuit Debout à Strasbourg, on avait de l’intérêt pour eux, un certain espoir. Mais rapidement, ils ont dû faire face à leurs propres contradictions, avant de se diriger vers la négation des autres mouvements. Au final, c’est surtout beaucoup de discussions, pour pas beaucoup de concret. La convergence n’a pas fonctionné avec eux. Avec les autres organisations, on s’entend pour lutter ensemble car on veut tous la même chose au fond, le retrait de la « loi travail ». Les actions coup de poing, pourquoi pas. On a juste du mal avec l’esthétisme révolutionnaire car on ne voit pas en quoi casser des carreaux et jeter de la peinture sur des murs, peut servir le mouvement. »

Des « assemblées générales unitaires » ont eu lieu au Molodoï. Elles devaient étudier les possibilités pour une variété de mouvements allant des syndicats aux autonomes d’unir leurs forces, mais elles ont surtout servi à faire le point sur leurs divergences. Plusieurs représentants de Nuit Debout Strasbourg en sont revenus choqués, après avoir été traités de « traîtres » par une partie de l’assemblée…

Y a-t-il seulement plusieurs luttes ?

Pour parler de convergence des luttes, ne faudrait-il pas déjà qu’il y ait plusieurs luttes pour lesquelles se battre, se demande Arnaud, d’Alternative libertaire Alsace :

« Aujourd’hui, il n’y a qu’un seul mouvement en cours, celui contre la « loi travail ». Il y a eu un début de convergence avec les intermittents lors de l’occupation du TNS, des actions communes, les manifestations… Les cheminots ont des revendications propres à leur secteur mais ils se battent aussi contre la « loi travail ». Finalement, c’est un mouvement interprofessionnel classique. »

Les intermittents, engagées dans des négociations notamment avec le Medef quant à la pérennisation de leur régime indemnitaire, ont un temps joué la carte de la « convergence des luttes. » Mais aujourd’hui, ils sont revenus à des actions plus ciblés.

Pour Arnaud, la mobilisation vit un moment important actuellement :

« Certes, la mobilisation étudiante diminue avec les vacances et ça va continuer en ce sens, mais les plus motivés continueront à se rassembler. La CGT commence à intensifier ses actions de blocage. Les organisations, qui avant s’opposaient à ce type d’actions, rejoignent la lutte elles-aussi. La seule façon de faire reculer le gouvernement, c’est de bloquer l’économie du pays. Il n’y a pas besoin d’être nombreux dans les rues pour faire peur. Les blocages symboliques ont leur visibilité. »

Sur les réseaux sociaux, la #convergencedesluttes est admirable

Si les différentes organisations peinent à s’entendre, ont des points de vue divergents, sur les réseaux sociaux, elles laissent penser le contraire. Nuit Debout et les intermittents se renvoient l’ascenseur cordialement, les cheminots sont soutenus et rejoints dans leurs actions… La convergence, bien que difficilement perceptible, est visible.

Nuit Debout affirme son soutien aux intermittents en relayant leurs actions. (capture d'écran)
Nuit Debout affirme son soutien aux intermittents en relayant leurs actions. (capture d’écran)

Une convergence à son apogée… contre la « loi travail »

Selon Julien Rock, la convergence est en fait à son apogée :

« La convergence des luttes a mis du temps à se lancer mais c’est aujourd’hui qu’elle est au plus haut. La CGT intensifie ses actions, MJC67 la suit également. Le mouvement va avoir tendance à s’intensifier grâce à l’Euro, les salariés en lutte individuelle rejoindront le mouvement global. On essuie quelques critiques, c’est certain, mais on construit quelque chose et il faut être le plus nombreux possible pour cela. Même à Strasbourg, les choses commencent à bouger. Dans la rue, lorsque les gens nous voient manifester, ils sont réceptifs, nous sourient, nous soutiennent. Maintenant, on espère qu’ils se joindront à nous. »

La convergence des luttes existe donc mais parce qu’il y a la « loi travail » comme objectif identifié à abattre. Au delà, les autres organisations sont engagées de manière autonome : les cheminots contre une réforme de leur convention collective, les intermittents contre une remise en cause de leur régime, les écolos contre le Grand contournement ouest, les salariés d’Heppner pour une revalorisation de leurs conditions de travail, etc.

Pour Julien, de la Confédération nationale du travail (CNT), il est normal que la « loi travail » serve de catalyseur, mais un mouvement anti-capitaliste global n’est pas encore à l’ordre du jour :

« Quand on prend les combats séparément, Heppner, la SNCF, la loi travail, on voit bien que c’est la même logique qui sous-tend ces enjeux, plus de précarité, de productivité, etc. Mais un engagement, c’est avant tout un cheminement individuel… Un militant peut peut-être s’engager sur une ou deux luttes mais les passerelles entre les organisations resteront rares, car elles ont forcément leurs prismes et leurs priorités. »

Et si en plus il y a des traîtres…


##NuitDebout

Activez les notifications pour être alerté des nouveaux articles publiés en lien avec ce sujet.

Voir tous les articles
Plus d'options