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À Strasbourg, la course des Marcheurs face au piétinement de La République en Marche

À Strasbourg, la vingtaine de comités locaux de La République En Marche (LREM) peine à se remobiliser après l’euphorie des élections présidentielle et législatives. Les militants locaux, pourtant encore enthousiastes, se heurtent aux tâtonnements du parti, neuf mois après sa création.

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Une militante présente à la cérémonie de voeux de l'équipe départementale LREM affiche fièrement son "tote bag" aux couleurs d'En Marche. "Ce sera bientôt une pièce de musée", nous dit-elle... (Photo EB / Rue89Strasbourg / cc)

« On a parfois l’impression d’être inaudibles au niveau national » : Olivier (le prénom a été changé) résume le ressenti des militants présents un samedi matin à Lingolsheim, lors de la réunion mensuelle de trois comités de « La République en Marche » (LREM). « C’est monté très vite, très fort pendant la campagne à la présidentielle, il faut maintenant arriver à stabiliser l’édifice », précise Magalie, qui s’est engagée peu après la création du mouvement. Mais la vingtaine de comités locaux LREM installés à Strasbourg et alentours tâtonne encore.

À la réunion des adhérents de Geispolsheim, Ostwald et Lingolsheim, le constat est unanime : le « mouvement » (le terme « parti » ne semble pas devoir faire partie du vocabulaire macronien) peine à s’ancrer au niveau local. Et de nombreux militants ont déjà quitté le navire : « c’est normal, car les gens ont une vie familiale, ou n’ont pas forcément envie de faire de la politique toute leur vie, d’autant plus qu’on n’est plus en période électorale », justifie Christophe Masson, animateur du comité de Geispolsheim.

Du côté du groupe de Strasbourg-Sud (regroupant les militants du Neudorf, de la Meinau et du Neuhof), le co-animateur Maël Richecœur reconnaît également que parmi les « 50-60 » adhérents, ils sont seulement « entre 10 et 20 » à être encore actifs et participer de manière régulière aux réunions.

Une militante présente à la cérémonie de voeux de l'équipe départementale LREM affiche fièrement son "tote bag" aux couleurs d'En Marche. "Ce sera bientôt une pièce de musée", nous dit-elle... (Photo EB / Rue89Strasbourg / cc)
Une militante présente à la cérémonie de voeux de l’équipe départementale LREM affiche fièrement son « tote bag » aux couleurs d’En Marche. « Ce sera bientôt une pièce de musée », nous dit-elle… (Photo EB / Rue89Strasbourg / cc)

Des comités aux moyens limités

Restent donc seulement les irréductibles marcheurs, les plus convaincus, les plus optimistes. Ceux qui s’animent à l’évocation de la figure presque providentielle d’Emmanuel Macron, à l’instar d’Eric Constans, 74 ans, animateur du comité d’Ostwald :

« Il a la volonté de faire avancer les choses. Je n’ai jamais voté pour un président qui avait un véritable projet avant Emmanuel Macron. Pour la première fois, on a foi dans quelque chose. »

De la foi, ces militants en ont encore : certains estiment à trois heures par jour leur investissement personnel pour le parti. Un engagement bénévole, rappellent-ils, que la plupart cumulent avec leur profession ou leurs études.

D’autant que le travail des militants n’est pas facilité par le manque de moyens locaux : alors que le parti est devenu le plus riche de France après le raz-de-marée des élections législatives de juin 2017 (le nombre de députés élus lui assurant un budget de plus de 100 millions d’euros sur cinq ans), il ne dispose d’aucun local à Strasbourg.

Pour leurs réunions mensuelles internes, ou les « cafés-citoyens » et autres « ateliers de réflexion », les comités doivent s’en remettre à l’équipe de Laurence Vaton, référente départementale du parti. Celle-ci est chargée de répertorier toutes les salles mises à disposition gratuitement dans le Bas-Rhin Il faut dire que les dîners de travail au restaurant devenaient un peu trop onéreux pour les militants…

Des liens « constants » avec les députés LREM

Les militants ne sont pourtant pas abandonnés par leur parti : ils reçoivent régulièrement la visite des députés des quatre circonscriptions bas-rhinoises gagnées en juin 2017. Martine Wonner par exemple entretiendrait des « liens constants » avec les comités de sa circonscription selon Christophe Masson :

« Tout le monde ici connaît Martine [Wonner]. Le 1er décembre, elle a reçu l’ensemble des animateurs des comités locaux. Et elle a pour projet d’organiser prochainement, avec les comités de sa circonscription, une réunion ouverte à tous sur le thème des services publics. »

Thierry Michels, député de la 1ère circonscription du Bas-Rhin, expliquait de son côté, lors de sa cérémonie de vœux vendredi 12 janvier, être « en relation » (par e-mail principalement, nous explique-t-il) avec les comités de sa circonscription une fois par semaine. Il avait cependant reconnu « être un peu moins présent en circonscription », justifiant être bien occupé à l’Assemblée nationale, où il est membre de la commission des Affaires sociales et de la commission des Affaires européennes.

Même son de cloche concernant Laurence Vaton. La référente départementale, dont le rôle de coordination entre les comités locaux et les instances nationales du mouvement est « crucial », entretient des relations « de proximité » avec les militants, selon Eric Constans. Celle dont la nomination en juillet avait été critiquée par certains militants, a été catapultée « par en-haut », au niveau national, précise un militant. Les critiques sont désormais balayées d’un revers de main. Éric Constans a même trouvé une bonne raison pour cette nomination :

« Nous sommes encore dans une logique de construction. Il nous paraissait plus important que quelqu’un de compétent prenne cette place, car nous n’étions pas en mesure de faire un choix démocratique. Ce qui compte aujourd’hui, c’est que ça fonctionne correctement avec les comités. »

Officiellement donc, la question de la nomination de Laurence Vaton n’est plus un sujet.

Un « retour sur investissement » difficile à mesurer

En-dehors de ces rencontres, des critiques se font entendre sur le fonctionnement concret des comités. Si les personnalités les plus établies du microcosme LREM à Strasbourg indiquent que « certaines de [leurs] propositions ont été reprises, parfois mot pour mot, par le gouvernement » (sans toutefois préciser lesquelles), nombreux sont les militants qui pointent au contraire un manque de « retour sur investissement » de leur engagement.

Certains soulignent un « manque de communication interne » au sein du parti, à l’instar de Christophe Masson :

« On est énormément sollicité par les instances nationales, pour organiser des réunions publiques, des ateliers, des « cafés-citoyens », sur tel ou tel sujet. Mais on ne voit pas très bien comment cela va être pris en compte. Je ne suis pas sûr par exemple que les comités qui se sont penchés sur la thématique de l’alimentation (lors des « états généraux de l’alimentation », ndlr) aient réellement eu un retour sur leurs réflexions. »

Christophe Castaner, délégué général du mouvement depuis novembre, chargé de reprendre en main LREM après quelques mois de flottement de la direction collégiale, reconnaissait lui-même en novembre, dans les colonnes du JDD :

« Nous n’avons pas été assez en soutien de nos adhérents. Ma première priorité, c’est donc de retrouver l’ADN du mouvement : ouvert, libre, bienveillant, proche des territoires et utile aux citoyens. »

Défi de taille, pour un parti qui n’existait pas il y a un an. Et qui reste pour le moment très parisien : Christophe Masson, animateur du comité de Geispolsheim, explique ressentir une certaine « distance » entre les comités locaux et le siège du parti. Il reste critique vis-à-vis de l’avenir de La République en Marche :

« Le vrai risque de déception, c’est si le niveau national n’arrive pas à faire le lien avec les régions et qu’il n’y a pas d’enrichissement réciproque. Qu’il n’y ait jamais de retour, ça va forcément à terme nous décevoir. »

« Il y a encore du travail à faire pour structurer le parti » 

Neuf mois après la création du mouvement LREM, présent dès la campagne à la présidentielle, Maël Richecoeur reconnaît :

« Il y a encore du travail à faire pour structurer le parti, être plus aguerri. Il faut trouver les moyens efficaces pour faire remonter les bonnes idées et les bonnes pratiques au niveau national, afin d’éviter toute rupture entre politiques et citoyens. »

Thierry Michels le concède également : il faut selon lui « accepter l’idée qu’on est en période d’ancrage local, et que cela prend du temps. Les choses se structurent dans la durée. »

Alors pour contrer la période de démobilisation massive qui a suivi les élections présidentielle et législatives, LREM semble vouloir se lancer de nouveaux défis, pour continuer à exister au-delà de Paris : « cafés-citoyens », « Initiatives citoyennes », ateliers de réflexion… Nombreux sont les projets dans les tiroirs ; plus rares sont les avancées concrètes.

Preuve en est, la « Marche pour l’Europe », que le mouvement avait annoncée en grande pompe mi-novembre. Cette Marche devait prendre la forme de réunions publiques, sur le thème de l’Europe, en vue de la préparation de la campagne aux élections européennes de 2019. L’idée européenne, c’est justement un sujet qui réunit les sympathisants du centre-gauche ou du centre-droit, là où d’autres sujets, comme la loi d’immigration, font davantage débat.

Mais là encore, les militants sont dans le flou : « on n’a pas encore beaucoup d’informations à ce sujet », admet un animateur local LREM. Pas plus d’informations du côté du comité Strasbourg Cathédrale, pourtant l’un des plus actifs.

Les « Marches », prévues initialement pour la fin du premier trimestre 2018, ont finalement été reportées, faute de préparation suffisante.


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