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À l’écoute des bruits de Strasbourg pour appréhender son identité sonore

Dans le cadre de la semaine du son, du 7 au 11 février au Shadok à Strasbourg, plusieurs artistes et compagnies proposent de cartographier les bruits dans la ville, pour représenter notre environnement sonore et mettre en évidence ce qui est présent mais invisible.

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La Semaine du Son permet de dresser des organes délaissés (Photo Isabelle Lechner / Vous êtes ici)

Depuis 2011, Pauline Desgrandchamp écoute Strasbourg. Dans le cadre d’une recherche universitaire menée avec le Shadok et Horizome à Hautepierre, elle cherche à appréhender les identités sonores des morceaux de ville… Si une image de l’Elsau ou de la place Kléber se reconnaît tout de suite, qu’en est-il de leurs empreintes acoustiques ? Un exercice difficile puisque l’oreille n’est pas éduquée selon Pauline Desgrandchamp :

« On a des oreilles mais dans notre grande majorité, on n’a pas appris à les utiliser. Alors on sait encore moins décoder un paysage sonore… »

Du coup, Pauline Desgrandchamp se balade un peu partout avec son petit sous-marin sonique, le SONar. Une boite dotée d’un micro surpuissant qui pivote à 360 degrés. Dans son jargon, elle appelle ça un « outil de médiation à l’écoute ».

L’idée de cette expérimentation est d’aller plus loin qu’une approche « quantitative » dans la cartographie des sons dans la ville. Aux cartes du bruit de Strasbourg par exemple, Pauline cherche à modéliser la qualité sonore. Est-ce que les quartiers populaires ont une empreinte acoustique ? Est-ce qu’on peut reconnaître un quartier populaire rien qu’à l’oreille ? Et si oui, qu’est-ce que ça dit de la manière dont on construit la ville, dont on se représente la ville ? Existe-t-il des lieux invisibles mais pourtant bien présents dans notre environnement ?

Toutes ces questions et bien d’autres, Pauline les décortique et avance, patiemment, avec son sous-marin, ses micros et son ordinateur. Elle compile ses données au sein d’un projet plus vaste, appelé S.P.H.E.R.E., pour « Sonorama participatif des histoires extraordinaires de nos rues et de nos espaces. » Le site sera mis en ligne jeudi 8 février à l’adresse stras-sphere.org.

S’intéresser aux traces et aux mémoires des habitants

Sur son site personnel, Pauline Desgrandchamp détaille la démarche :

« L’enjeu premier en termes urbanistiques est de mettre en évidence les lieux invisibles du quartier, de tendre vers une nouvelle forme de diagnostic urbain pour permettre de l’aide à la conception urbaine. Comment se construit une identité sonore d’une ville ? Pour le savoir, il faut écouter l’interprétation de chacun des usagers urbains. Ensuite, c’est une perspective anthropologique qui s’intéresse essentiellement aux traces patrimoniales et mémoires habitantes. »

Les ressentis sonores de Manon

Les sons bien sûr mais aussi les odeurs, le toucher… Pauline Desgrandchamp croisent les remarques et les ressentis. Au final, elle questionne le vivre-ensemble :

« Le questionnement sur le bruit urbain revient à questionner la vie en communauté. Qu’est-ce que nous sommes prêts à accepter, qu’est-ce qui trace des frontières sonores dans nos esprits ? Le son fait partie de notre environnement. Il y a des gens qui ont besoin d’entendre passer un train pour s’endormir, et qui ne parviennent pas à trouver le sommeil dès qu’ils voyagent… »

La Semaine du Son permet de dresser des organes délaissés (Photo Isabelle Lechner / Vous êtes ici)
La Semaine du Son permet de dresser des organes délaissés (Photo Isabelle Lechner / Vous êtes ici)

Une semaine pour dresser ses organes

Le Shadok accueille pendant une semaine une série de rendez-vous autour du son et de ses représentation, de mercredi 7 au dimanche 11 février. Les travaux de Pauline Desgrandchamp et d’Horizome y sont présentés bien sûr, notamment au travers de trois « soirées d’écoute. »

Autre expérience restituée cette semaine, l’audioguide « subjectif et participatif » « Vous Êtes Ici, » élaboré depuis 2016 par la Compagnie Le Bruit qu’ça coûte à Strasbourg :

« Fabriqué par les souvenirs, les émotions et l’imaginaire de ceux qui vivent et font vivre la ville, cette installation sonore et visuelle permet d’arpenter la ville et les 23 points d’ouïe réalisés par les participants. C’est un audioguide qui dit bien plus que la réalité topographique et historique d’un lieu de la ville… »

Chaque participant raconte un lieu de sa ville, avec ses mots. Il y ajoute des sons afin de donner à entendre un « point d’ouïe » d’une ville sensible, humaine, différente de celle décrite dans les guides touristiques. « Vous êtes ici » est téléchargeable sur le site de la compagnie. Un autre atelier, le 17 février, propose même de créer son propre « point d’ouïe » pour enrichir cet audioguide… qui n’est jamais terminé. Le 10 février, la Semaine du son se poursuit au Cine de Bussière, avec une « balade écho-logique » à 14h, un apéro-sons à 16h30 et un banquet de l’ouïe à 19h.

Écouter « Terrasse panoramique »

 


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