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Un passé à solder

Lundi à la Meinau soufflait un vent de révolte. Exaspérés de constater que même en CFA2, leur club est incapable de se trouver une gouvernance stable, les supporters du Racing ont tenu à exprimer leur vif mécontentement. A juste titre. Peut-être est-il temps d’arrêter enfin de nous prendre pour des gogos et de procéder à un grand nettoyage… de printemps !

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Un passé à solder

Les supporters du Racing, plus que jamais en ébullition.

En ce week-end pascal, le Racing a joué deux fois : une victoire, lundi 9 avril, face à Forbach, une défaite, vendredi 6, à Illzach (la deuxième de la saison en championnat). Autant le dire tout de suite, je n’ai aucune envie de parler du sportif : ce qui se trame en coulisses est autrement plus décisif.

Ce lundi à la Meinau, fait rarissime, le kop s’est vidé vingt minutes durant pour aller manifester son dégoût, teinté de désarroi, au pied de la tribune d’honneur. La banderole exhibée était sans équivoque : « Un passé à solder : dégagez ! ». Nous supporters, pensions naïvement que le dépôt de bilan de l’été dernier engendrerait un nouveau Racing, épuré de ses scories multiples, un nouveau Racing qui deviendrait imperméable aux envieux de tous bords. On s’est bien plantés. Au-delà des polémiques futiles orchestrées par certains acteurs, le débat a fini par se porter sur ce que j’estime être le véritable nœud du problème. A savoir que persiste autour du Racing, même en CFA2, un réseau particulièrement efficace en son genre, dont les animateurs sont manifestement insensibles à tout dessein collectif. Que le projet de reconstruction du RCS soit arbitrairement flingué, ils n’en ont cure. Heureusement, peu à peu, les masques tombent.

Petit retour en arrière. Lundi 5 décembre 2011, sur RMC, « Polo Breitner » – chroniqueur énergique, estampillé foot allemand – annonce, à la surprise des auditeurs de l’After Foot, qu’il est depuis peu en mission au Racing Club de Strasbourg. Contenu de ladite mission ? Mystère. En quoi Frédéric Sitterlé avait-il besoin des services du brave Polo au RCS ? Le bonhomme est discret et on ne connaît guère de lui que son pseudonyme, tandis que son vrai nom – Philippe Chauveau – ne sera révélé que tardivement, fin février. Courant mars, Philippe Chauveau stoppe sa mission et rentre à Paris, ce qui le laisse dès lors libre de ses propos. Mercredi dernier, dans une interview proposée à Racingstub.com, Philippe Chauveau se lâche et explique. Pour l’observateur critique et attentif que je suis, je ne saurais que recommander la lecture de cet entretien pour qui veut savoir pourquoi le RCS demeure sempiternellement malade de sa gestion.

3615 allo fournisseurs

Philippe Chauveau, dont la rencontre avec Frédéric Sitterlé, est le fruit d’un concours de circonstances (voir le début de l’interview), explique avoir eu pour mission de réduire les dépenses d’une association RCS, étrangement élevées pour un club tombé en CFA2 et donc amateur. Précisons qu’avant la radio, Polo s’occupait de restructurer des boîtes en Allemagne et les pays de l’est. Au Racing, il découvre d’emblée un mode de gestion pour le moins irrationnel. « La notion de client a complètement disparu au RCS. », nous assène-t-il. En clair, il n’y a plus d’organe de contrôle au Racing et beaucoup semblent tentés d’en profiter. Ainsi, il y aurait une « déresponsabilisation du personnel ». Chauveau ironise avec le « 3615 allo fournisseurs », mais argumente en parlant de « surfacturation, par rapport au prix du marché » et d’« absence de mise en concurrence ». Il dépiaute aussi les petites phrases et s’interroge sur une presse qui tire à boulets rouges sur Frédéric Sitterlé en relevant « un timing par séquence ».

Parmi les personnalités citées dans l’entretien, on retrouve le président de l’association RCS, présent depuis presque quinze ans, Patrick Spielmann, dont il est dénoncé « le désir de toujours vouloir payer » et Henri Ancel, autoproclamé homme de la Mairie et des sponsors, qui avait déclaré quelques jours auparavant en conférence de presse être à l’origine du départ de Chauveau. Faux, selon l’intéressé, qui aurait décidé lui-même de partir, il y a de ça quelques semaines, « pour ne pas cautionner ce qui se passe ».

En dernier lieu, la conclusion de Chauveau sonne comme un appel à la révolte : « Pour conclure, comprenez ceci : le Racing pourrait être le dernier de la dernière compétition du football français et jouer sur un champ de patates, vous retrouveriez les mêmes personnes de l’association sur la photo et les mêmes schémas. Tant qu’il y a un pigeon pour payer. Sauf que Sitterlé a bien compris tout cela. Rappelez-vous, ce sont les mêmes personnes qui sont présentes au Racing depuis vingt ans qui vous expliquent que c’est le « bordel » au Racing… Elles ne se rendent même plus compte qu’elles font partie de ce « bordel ». Comme on dit à New-York, ça manque de  « Mensch » dans ce club. »

Brèche salvatrice ?

Compte-tenu de la teneur et la densité des propos de Philippe Chauveau, je suis stupéfait de l’absence totale de reprise par les médias locaux. De même que je suis surpris du mutisme de MM. Spielmann et Ancel, pourtant mis en cause. Faut-il y voir un signe ? Chacun interprétera à sa guise. Toujours est-il que l’interview en question fait un tabac sur Racingstub, presque 4000 lectures à ce jour, de nombreux observateurs et supporters découvrant un certain nombre d’éléments jamais évoqués par ailleurs. Et si Chauveau, en s’exprimant de la sorte, avait ouvert une brèche salvatrice ?

Dimanche dans la soirée, trois administrateurs de l’association RCS envoient un communiqué à la presse, ainsi qu’à Racingstub, étayant leur fraîche décision de… démissionner ! Dans leur texte, Dominique Crochu, Jérôme Widlocher et Jérôme Hermez mettent « en garde tous ceux qui aujourd’hui refusent d’ouvrir les yeux », stigmatisant les « agissements autocratiques » de certains membres du conseil d’administration, qui « s’accaparent ouvertement tous les pouvoirs ». En clair, les bons résultats de l’équipe première ne doivent pas masquer que la gouvernance du Racing est plus que jamais en crise.

Des supporters excédés

Pour beaucoup, c’en est donc trop. Les supporters se montrent de plus en plus excédés, une bonne partie ayant bien saisi que la pérennité de leur club est tout simplement menacée. Dans l’entourage du club, certains ne tiennent surtout pas à ce que Sitterlé ait un jour loisir de mener à bien son projet, avec ses idées, ses méthodes, mais aussi avec ses hommes. Haro sur Sitterlé ! Les choses risquent cependant de se décanter rapidement, car il semble bien qu’on ait atteint le point de non-retour. Je ne suis pas un adorateur zélé de Sitterlé et, si besoin est, je saurai me montrer acerbe à son endroit s’il venait prochainement à trahir sa parole. Je suis toutefois convaincu qu’il faut lui laisser une chance de mener sa barque sans pression et attaques perpétuelles. Je ne crois pas à un projet alternatif viable pour le RCS, surtout pas si l’on continue avec pareilles méthodes de gestion, qui collent à la peau de ce Racing décédé l’été dernier, celui précisément dont il faut tourner la page.

Et n’en déplaise aux journalistes, les supporters du RCS ne sont ni conditionnés, ni manipulés. Nous sommes des gens responsables, qui réfléchissons et sommes parfaitement en mesure de tirer les bonnes conclusions, celles précisément qu’ils s’obstinent à ignorer. Et contrairement à ce qu’ils suggèrent dans leurs écrits, Frédéric Sitterlé n’a pas à payer tant que subsistera cette épée de Damoclès au-dessus de tous ceux qui croient encore à la possibilité d’un grand ménage au Racing. Ça tombe bien, on est au printemps !

Pour aller plus loin

Sur Rue89 Strasbourg : Sitterlé pourrait abandonner son projet de reprise


#Racing Club de Strasbourg Alsace

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