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Des parents d’élèves se mobilisent pour une famille kosovare menacée d’expulsion

L’annonce est tombée mercredi. Arrivée du Kosovo en 2010, la famille Hodza, installée à Schiltigheim depuis cet hiver, a reçu l’ordre de quitter le territoire français avant le 20 juillet. A l’école élémentaire Leclerc, où sont scolarisés les deux enfants de la famille, parents et professeurs se mobilisent pour leur venir en aide, alors que le tribunal administratif statuera sur cette décision à la rentrée.

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Des parents d’élèves se mobilisent pour une famille kosovare menacée d’expulsion

L'école élémentaire Leclerc à Schiltigheim (Photo CH)

L’histoire débute en décembre, à l’arrivée de deux enfants Kosovars à l’école Leclerc de Schiltigheim. Après six semaines dans l’école, la maîtresse du plus grand des enfants souhaite rencontrer ses parents pour leur proposer un voyage scolaire. Au fil des discussions, elle comprend que cette famille n’a aucun revenu et qu’elle est sans-papiers. Mais surtout qu’elle est dans une extrême précarité. Les enfants ne peuvent pas toujours manger à leur faim.

Un comité de soutien se constitue alors, composé de professeurs et de parents d’élèves. Au total, une vingtaine de personnes est officiellement impliquée, mais beaucoup d’autres parents participent aux récoltes de dons alimentaires.

Le premier appel aux dons est lancé dès cet hiver. Et avec succès : trois coffres de voiture sont remplis, soit plusieurs semaines de nourriture pour la famille. Puis le comité souhaite l’aider à établir un dossier de titre de séjour qui est déposé en mars. La réponse tombe mercredi 20 juin : la famille Hodza a l’obligation de quitter le territoire sous trente jours, soit le 20 juillet. Le weekend suivant, samedi et dimanche derniers, le comité de soutien entreprend de faire signer une pétition, qui comptabilise déjà 500 signatures papier et plus de 400 sur internet, et d’étendre la mobilisation. L’artiste Tartine Reverdy est mis à contribution avec une chanson sur les sans-papiers.

Traîtres pour les Serbes et les Albanais

La famille Hodza fait partie de la communauté torbesh. Cette minorité parle une langue proche du serbe et pratique la religion musulmane, comme les Albanais. Cette situation est délicate car tant les Serbes que les Albanais accusent les Torbesh de les avoir trahis pendant la guerre d’indépendance en 1999. C’est la raison principale de leur arrivée en France. L’objectif du comité de soutien est de « faire du bruit », de « faire pression » sur les autorités pour qu’elles réétudient le dossier. M. Hodza n’a pas l’intention de s’en aller. Son neveu, qui assure la traduction, répète qu’il ne partira pas d’ici vivant. Il explique :

« Les parents des autres élèves veulent nous aider pour que nos enfants puissent continuer à aller à l’école. Sans aide, nous n’avons aucune force et on mourrait ici. C’est comme si tous les papiers qu’on a mis dans le dossier n’avaient aucune importance. Les témoignages… Il faudrait que quelqu’un meurt ou qu’on me coupe un bras pour qu’ils aient du poids ! Je n’ai pas de mots pour expliquer ce que je pense de l’aide du comité du soutien. Ces gens m’aident alors que je pourrais, en travaillant, nourrir moi-même ma famille. Dans la famille, on est soudés, ma femme et moi avons le même sentiment. Essayez de vous mettre à notre place… »

La famille toujours attendue au Kosovo

Les deux enfants sont allés à l’école élémentaire dans l’espoir de s’intégrer rapidement. Un membre du comité de soutien raconte :

« Le plus grand est particulièrement doué. Il parlait déjà très bien le français en arrivant, il est très appliqué. En fait, la famille vit en France depuis deux ans déjà. Il me semble qu’il était déjà appliqué à l’école au Kosovo. J’étais contente lorsqu’il est arrivé : de voir qu’il parlait déjà bien le français, et ce n’est pas tous les jours qu’un Kosovar arrive dans la classe! »

Mais la vie des enfants n’est pas simple. La mère explique que son fils a pleuré quand ils ont reçu la lettre de refus :

« Notre fils aîné a pleuré parce qu’il ne veut pas repartir. Là-bas, il ne pourrait pas faire d’études. Au-delà de 15 ans, il faut aller à Pristina, la capitale, où les Albanais sont clairement favorisés. Il faut être le meilleur des Torbesh pour avoir une chance de trouver une petite place parmi les Albanais. »

Lors de la guerre civile, M. Hodza a été appelé dans l’armée aux côtés des Serbes. A l’époque, il dit s’être enfui « pour ne pas avoir à se battre contre des musulmans ». Mais pour certains Albanais, M. Hodza est un traître qu’ils veulent voir mort. Il a été tabassé et sa femme a reçu des menaces alors qu’il travaillait sur un chantier au Kosovo. Fuir au Monténégro n’a pas apaisé les menaces, ils ont alors atterri en France.

Recours administratifs épuisés, reste la clandestinité

Et encore aujourd’hui, des Albanais viendraient régulièrement voir les parents de M. Hodza restés au Kosovo pour leur demander où est leur fils. Un membre de la famille a été assassiné lorsqu’il est rentré au Kosovo, après avoir vu sa demande d’asile déboutée en Allemagne.

De juillet 2011 à mars 2012, le Kosovo était considéré par la France comme un « pays sûr », ce qui compliquait toute demande d’asile pour une famille kosovare. Difficile dès lors pour la famille Hodza de mener à bien son marathon administratif qui avait commencé en 2010 en vue de la reconnaissance de leur statut de réfugiés. Or depuis le printemps, le Kosovo est a nouveau classé dans les pays à risques. C’est pourquoi les Hodza pourrait voir leur dossier de demande d’asile réexaminé à la rentrée s’ils obtiennent un titre de séjour. Plusieurs possibilités de recours s’ouvrent à nouveau. Reste à passer l’été dans la clandestinité, à moins que la mobilisation ne permette de débloquer la situation rapidement.


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