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Tribune : « La peinture verte est un mensonge », prévient un cycliste accidenté

Après la tribune publiée début juin sur le conflit entre piétons et cyclistes dans l’espace public de Strasbourg, Stéphane Becker, entrepreneur, s’insurge contre le manque de clarté du marquage vélo sur les passages protégés de la ville. Renversé par une voiture alors qu’il pédalait sur un passage protégé strié de vert, il était en tort.

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Tribune : « La peinture verte est un mensonge », prévient un cycliste accidenté

(Photo Matthieu Mondoloni)

TribuneC’est une histoire simple, elle commence au mois de février par une belle journée ensoleillée. Après avoir travaillé à mon domicile toute la matinée, j’avais décidé de rejoindre un ami au centre-ville de Strasbourg pour déjeuner. Un trajet qui m’entrainait de la Robertsau jusqu’à la place Kléber, plutôt agréable en vélo par une si belle journée.

J’enfourchais donc mon vélo et après une dizaine de minutes, à mon rythme de sénateur, j’arrivais devant le consulat américain avec en ligne de mire l’obstacle majeur à franchir : l’avenue des Vosges. Il existe assez peu de points pour passer cette avenue et le passage protégé situé devant le consulat américain me semblait être le meilleur compromis, surtout avec sa bande verte spéciale cycliste rassurante.

Une jambe douloureuse et un vélo embouti

Un véhicule s’arrêta et son conducteur me fit signe de passer. Je poussais sur les pédales et m’engageait sur le passage protégé. Partant d’une position à l’arrêt, j’avançais lentement. Au milieu de la première voie, je vis arriver à bonne allure une voiture qui était préalablement masquée par la personne qui m’avait laissé passer. Cette voiture ne s’arrêta pas et accrocha l’avant de ma bicyclette, m’entrainant vers le sol. Là tout s’emballa, des gens vinrent vérifier si j’étais encore en un seul morceau, se pressant autour de moi, me posant milles questions. A priori j’allais bien, je n’avais mal nulle part et seul mon vélo avait pris une légère claque.

L’automobiliste qui m’avait renversé s’était arrêté plus loin et était revenu. Je me souviens encore des paroles qu’il avait eu à ce moment-là, parce qu’elles étaient un peu surréalistes. Entendre un « je pensais qu’en accélérant, ça passait », ça a comme un goût bizarre…

Les pompiers arrivèrent et, abandonnant mon vélo cadenassé à côté d’un arbre, ils m’embarquèrent à bord de leur ambulance. La police pris mes coordonnées et rapidement nous étions en route pour l’hôpital. Passage éclair, je n’avais pas grand-chose, sans doute juste une tendinite à une jambe. Je rentrais donc chez moi et j’oubliais un peu cette histoire, si ce n’est qu’on m’avait expliqué que la police me recontacterait pour les besoins de l’enquête. « L’enquête », quel mot étrange pour un accident si banal.

« Vous êtes fautif dans cet accident »

Quelques temps plus tard on m’appela donc pour que je me présente à la police. J’allais déjà mieux mais j’évitais encore de faire du vélo à cause de la douleur. Je prenais donc le bus pour me rendre au commissariat et après une courte attente à l’entrée, j’atterrissai dans les locaux de la brigade accident.

J’expliquais donc ma version de l’histoire au policier. A la fin de mon récit ce dernier me regarda avec un air mi grave, mi navré et me dit : « Monsieur, je suis au regret de vous dire que vous êtes fautif dans cet accident ». Instant Polaroïd, un peu comme le jour où on vous annonce que le père Noël n’existe pas et qu’Elvis est réellement mort. Il me semblait pourtant que ce jour-là j’avais eu un comportement responsable. J’étais sur un passage protégé, j’avais bien attendu qu’un automobiliste me laisse passer. Je n’avais pas foncé tête baissée pour gagner quelques secondes et le maillot vert du Tour de France.

Je fis remarquer au policier qu’il y avait une jolie peinture verte par terre pour indiquer le passage pour les cyclistes et qu’il me semble que le comportement dangereux était du fait de l’automobiliste qui avait décidé de tracer. Il me demanda simplement si la bande verte était uniforme ou strié, je réfléchis, elle était strié. Il me dit alors : « Oui, elle est strié, cela signifie qu’il ne s’agit pas d’un passage protégé pour les vélos, mais d’une indication de la présence d’une piste cyclable de l’autre côté de la route. Vous auriez normalement dû mettre pieds à terre pour traverser ».

Tout le monde ignore la signification de ces marquages

Je me croyais protégé, mais en fait, la peinture verte était un mensonge. S’ensuivit une trentaine de minutes d’argumentation. Il était d’accord avec moi sur plein de points. Que mon comportement n’avait rien de dangereux, que personne ne savait vraiment à quoi correspondait le marquage au sol… Il ajouta même que cela fait longtemps que la brigade accident demandait le placement d’un feu à cet endroit, car régulièrement on y ramasse des cyclistes. Il avait même était choqué par le comportement du conducteur qui lui avait déclaré que roulant à bonne allure, suivi de près par un autre véhicule, il n’avait pas voulu freiner par crainte de voir l’autre véhicule l’emboutir.

Je trouvais la situation surréaliste, c’était moi le coupable. Mon dossier allait être transmis au parquet pour savoir si en plus ils n’allaient pas ajouter une petite contravention pour marquer le coup. J’étais en colère. Je rentrais donc chez moi avec un bon gros sentiment d’injustice.

Tout le monde part du principe que vert est égal à passage protégé pour les cyclistes, or rien n’est moins vrai. Une seule personne de mon entourage connaissait la bonne réponse et il m’a alors expliqué que lui-même n’emprunte jamais les pistes cyclables, il préfère rester sur la route parce que « là au moins c’est clair ». Situation ubuesque. Je fais bien plus attention à présent sur la façon dont sont tracés les pistes cyclables et je dois dire qu’effectivement la situation n’est pas très reluisante.

Les tracés vous jettent dans l’illégalité

Souvent, les tracés vous jettent dans l’illégalité en vous faisant arriver depuis une piste cyclable sur un trottoir où normalement vous devriez mettre pieds à terre. Cela entraine souvent des complications avec les piétons, car si la voiture est notre prédateur urbain naturel, nous le sommes aussi pour les piétons…

Au final, on constate une grande différence de traitement entre la voiture et le vélo en ville. Lorsqu’on bloque une rue à la circulation automobile, la voirie s’occupe de mettre en place des tas de panneaux pour prévenir les automobilistes. Pour les vélos non seulement le réseau n’est pas consistant, mais visiblement beaucoup de gens prennent les pistes cyclables pour des places de parking en puissance.

Alors peut être que l’enfer c’est les autres, mais si l’on commençait par éclaircir cette histoire de piste cyclable et qu’on arrête de croire que seule la voiture a droit de cité en ville, alors peut être qu’on aura fait un pas, voir un tour de roue, en avant.

Stéphane Becker

Précisons que Stéphane Becker n’a toujours pas reçu de courrier lui demandant de payer une contravention.


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