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Contre l’immobilisme en santé publique, des médecins 2.0 se mobilisent

Des médecins se rebiffent. Découragés par les lourdeurs et l’immobilisme de leurs instances représentatives, ils se saisissent des outils du net pour diffuser leurs idées et faire évoluer la médecine. Avec la campagne « Privés de déserts », ils veulent réorganiser le réseau de soin et lutter contre le centralisme des hôpitaux universitaires urbains. Fluorette, médecin-blogueuse alsacienne, fait partie des signataires de ce collectif, elle explique la démarche.

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Contre l’immobilisme en santé publique, des médecins 2.0 se mobilisent

Seasonal pills (Photo SunnyUK / FlickR / CC)

Fluorette tient un blog sur son métier de médecin depuis deux ans. A 35 ans, la jeune médecin installée en Alsace confie avoir eu besoin d’extérioriser « ce qu’elle vivait ». Et à la lecture des articles publiés sur « Promenade de santé », on comprend qu’elle vit beaucoup. Malades à visiter un peu perdus, système de santé lui aussi perdu, visiteurs médicaux bien plus à l’aise… Fluorette confie qu’elle a démarré ce blog avec une pulsion et qu’il s’entretient depuis grâce à l’audience et aux commentaires.

Ils sont quelques dizaines comme ça en France, à bloguer sur cette médecine à la dérive, la généraliste qui n’intéresse personne parce qu’elle soigne tout le monde. Dr Jaddo est l’une des plus célèbres, son blog a récemment été édité. Citons aussi par exemple Dr Foulard, Borée, Genou des AlpagesFluorette fait partie de ce réseau de « médecins 2.0 », branchés sur Twitter et prompts à dégainer la plume :

« On se connait, on suit mutuellement nos blogs, on s’est même rencontrés un week-end. On est loin d’être d’accords sur tout, attention, on peut s’engueuler. Mais on a un socle commun d’idées. Ainsi, tous nous faisons l’expérience d’institutions vieillotes et dépassées. Le conseil de l’ordre, les agences régionales de santé… Tout est verrouillé, le système est conçu pour ne jamais changer. Ce n’est donc pas étonnant que la transformation de la médecine passe par le net. »

Début août, ils ont fait parler d’eux avec une campagne contre les blouses d’hôpital, ouvertes à tous les vents et qui privent les patients de toute dignité. La pétition a recueilli en quelques jours 8 000 signature et la ministre de la Santé, Marisol Touraine, a promis qu’elle allait s’intéresser à la question. Encouragés par ce succès, ils ont dégainé début septembre avec une autre campagne : une série de propositions destinées à décentraliser la médecine et à lutter contre les déserts médicaux.

Sur Twitter, ils ont choisi le mot-clé « #PrivésDeDéserts. » La ministre a répondu :

— Marisol Touraine (@MarisolTouraine) Septembre 3, 2012
 

L’incitation plutôt que la coercition

Un document de plusieurs pages a été publié sur le net. Appelé « Médecine générale 2.0 », il recense une trentaine de propositions qui vont de la création de maisons médicales rurales, des chèques-emploi-médecins qui viseraient à financer par des cotisations des agents de gestion et d’interfaçage (« AGI »), qui assureraient  l’activité administrative des cabinets… Le document ajoute que ces AGI pourraient efficacement servir de filière de reclassement aux visiteurs médicaux « après l’interdiction de cette activité ».

Fluorette explique le cheminement de ce document :

« Pour arriver à cette synthèse, il a fallu des mois d’échanges et d’aller-retours d’emails. Nous avons fait le constat que les gouvernements successifs n’ont comme seule solution pour lutter contre les déserts médicaux la coercition. Mais on sait très bien que ça ne marchera pas. C’est tout le système d’implantation des médecins qu’il faut réformer. C’est pourquoi nous proposons la création de « Maisons Universitaires de santé » (« MUst »), pour qu’une partie de la formation des médecins ait lieu hors des centres urbains. »

Pour Fluorette, l’anonymat d’une vaste majorité des signataires risque de nuire à la diffusion du manifeste. Cependant, elle précise :

« Ces propositions ne visent pas à tout foutre en l’air. Ce sont des mesures faisables, raisonnables et financées. Notamment grâce à l’argent récupéré sur l’organisation actuelle, fondée sur la prescription de médicaments coûteux et une tarification à l’acte. Il est évident que notre système actuel pousse les médecins à pratiquer une course à l’acte, et à jauger le temps qu’ils peuvent accorder aux patients en fonction du nombre de rhumes qu’ils ont pu enchaîner les jours précédents… On pourrait imaginer qu’au lieu d’un forfait unique de 23€, le prix de la consultation soit variable selon le temps passé par le médecin et le niveau de gravité par exemple. »

En filigrane de Médecine 2.0, on comprend que les médecins signataires aimeraient que la médecine retrouve son indépendance, vis à vis des laboratoires et des lobbys surtout. La thématique est également très présente dans les articles du blog de Fluorette. Rendez-vous dans quelques mois pour évaluer la portée qu’aura eue cette initiative.

Aller plus loin

Chez Fluorette : Promenade de santé

Sur Rue89 Strasbourg : le blog de Doc Arnica


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