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Le tribunal saisi du sort de quatre camps roms à Strasbourg

Pour la quatrième fois, la Ville et plusieurs associations de défense des Roms se sont retrouvées au tribunal des référés ce mardi matin. La Ville demande à la justice d’autoriser le concours de la force publique pour faire évacuer quatre camps roms à Strasbourg. Pour les associations, ces démantèlements vont expulser des familles roms de leurs foyers sans solution de repli. Après trois renvois, l’affaire a été plaidée en fin de matinée.

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Le tribunal saisi du sort de quatre camps roms à Strasbourg

Le tribunal de grande instance de Strasbourg (Photo Xsalto / FlickR / CC)

La première rencontre entre la Ville et les associations de défense des Roms (Arpomt, Médecins du Monde, Latcho Roms) a eu lieu le 14 août, en pleine vague d’expulsions et de démantèlement des camps roms en France. La Ville a tenu à préciser alors qu’elle ne s’inscrivait pas dans le cadre de cette politique nationale. C’est l’urbanisation et l’aménagement de certains quartiers, à Koenigshoffen, et à la Robertsau, qui poussent la Ville à demander un titre exécutoire à la justice pour déménager les familles installées. Pour un camp situé rue Wodli, ce sont des conditions de sécurité non remplies qui ont été mises en avant. Quatre camps, où vivent environ 110 personnes, sont concernés.

L’audience devant le tribunal des référés de Strasbourg a été reportée à trois reprises. Les associations ont demandé plus de temps pour préparer leur défense, et surtout, trouver des solutions de relogement pour les familles qui seront déplacées. Pour autant, Roland Ries a précisé que les camps ne seraient pas détruits avant que les familles n’aient déménagé :

« Toute décision de démantèlement de campements occupés de manière illicite par des familles Roms doit être assortie de mesures d’accompagnement pour l’insertion de ces familles. Le maintien sur place ne peut être une solution du fait des conditions sanitaires inacceptables, tant pour les occupants roms eux-mêmes que pour les riverains. Ainsi que j’avais pu l’évoquer lors du Sommet des maires sur les Roms en septembre 2011, le déplacement de ces familles doit se faire dans le dialogue et la concertation. »

Une expulsion interdite par la loi selon la défense

Mais le maire pense aussi que la concertation ira plus vite si la Ville dispose de l’autorisation de faire expulser les Roms avec le concours de la force publique. Pour les associations, cette mesure est discriminatoire et illégale au regard du droit européen, comme l’a expliqué au tribunal leur avocat, Me Hervé Bégeot, ce matin :

« Une circulaire d’août 2012 exige que toute procédure de ce type doit être individuelle, les situations des familles et des camps doit être étudiée au cas par cas. Or là, c’est tout l’inverse, on est dans une procédure générale, qui vise de la même façon toutes les familles concernées. Par ailleurs, la Charte européenne des Droits de l’Homme interdit qu’une procédure d’expulsion vise un groupe ethnique particulier, or c’est le cas ici. Enfin, le Droit au logement indique que toute expulsion doit être accompagnée d’une solution de repli. Rien n’est prévu pour les Roms de Strasbourg…  Bref, je demande l’annulation de cette procédure d’expulsion ».

Pour Me Bourgun en revanche, la Ville est exemplaire dans ce dossier et aucune expulsion de force ne sera commise :

« La Ville a développé l’Espace 16, rue des Remparts, pour justement accueillir dans des conditions dignes ces familles. Rappelons que leurs conditions de vie sont insalubres et que la Ville  pourrait en être tenue pour responsable. Donc sur ce dossier, Strasbourg va bien au delà de ce qui lui est demandé. Cet ordre d’évacuation va permettre de débloquer la situation car certaines personnes refusent de déménager, par principe, quelque soit la solution proposée. »

Pour Dominique Steinberger, président de l’association Latcho Roms, la Ville ne peut pas se reposer derrière l’Espace 16 pour sa politique d’accueil des Roms:

Le tribunal rendra sa décision le 9 octobre.

Ci-dessous, le compte-rendu de l’audience

Me Begeot : « Une circulaire de août 2012 exige que toute procédure de ce type doit être individuelle, les situations des familles et des camps doit être étudiée au cas par cas. »
Me Bégeot : « Mais il s’agit bien d’une expulsion des camps de Roms, ce qui est interdit par la Charte européenne des Droits de l’Homme. »
Me Bégeot : « On nous explique que parmi les populations, il y a des Roms, des Yénish, des Tziganes, etc. afin de masquer que cette procédure vise une seule population, ce qui est aussi interdit. »
Me Bégeot : « Il est interdit à tout Etat, quelque soient les administrations, de procéder à une « expulsion de masse », ce qui est le cas des procédures actuelles. »
Me Bégeot : « Ce n’est pas un dossier commun, ça n’a rien à voir avec l’expulsion de squatteurs. Nous ne sommes pas dans le droit commun, mais dans le cadre de la charte européenne des Droits de l’Homme. »
Me Bégeot prend la parole pour les associations de défense des familles roms.
Me Bourgun : « C’est pourquoi, il nous faut cette possibilité de contraindre les personnes si elles ne veulent pas bouger, pour qu’on puisse avancer et faire cesser ces conditions de vie dangereuses et intenables. Rappelons que ces personnes n’ont aucun revenu. »
Me Bourgun : « Par ailleurs, il y a des solutions mais il faut encore que les gens acceptent, car bien des gens refusent même d’aller à l’Espace 16 car il y aurait des familles séparées par exemple. »
Me Bourgun : « On nous parle de la Charte européenne des droits de l’Homme, c’est juste une charte qui demande aux Etats de faire le maximum pour loger convenablement leurs ressortissants, mais ce n’est pas une loi. »
Me Bourgun : « On nous dit qu’on aurait bafoué la Constitution, car elle ne tiendrait pas compte de la situation des familles qui ne disposerait pas d’une solution de relogement. Mais ça n’a rien à voir, car nous sommes dans une procédure où chacun fait valoir ces droits… Il n’y a rien d’anticonstitutionnel. »
Me Bourgun : « On nous dit que la Ville a fait une opération « concertée » contre les Roms… Les élus ont eu beaucoup de mal avec cette formulation. Il est vrai que les Roms peuvent aller où ils veulent en Europe, mais la Ville a en charge l’ordre public et la situation de ces familles est extrêmement préoccupante. »
Me Bourgun : « La municipalité a été choquée d’apprendre qu’on faisait une « chasse aux Roms »… Toute l’année, on procède à des expulsions de squatteurs. »
Me Bourgun : « Tout ça, la Ville le fait en dehors de ses compétences, car la loi Dalo (Droit au logement) s’applique l’Etat, pas à la Ville. »
Me Bourgun : « La Ville a acheté sur ses propres deniers, des caravanes pour l’Espace 16 rue des Remparts, il y a des installations sanitaires, la possibilité de scolariser les enfants, un point d’accueil administratif, etc. Cet espace sera même doublé prochainement ! »
Me Bourgun cite les articles de presse qui parle d’action « exemplaire » de la ville de Strasbourg dans ce dossier…
Me Bourgun : « Parfois, même avec tous les services, tous les accompagnements possibles, c’est parfois totalement ingérable et il nous faut l’appui de la loi. On voit bien ce qui se passe à Marseille où les gens font la loi eux – mêmes… »
Me Bourgun : « je n’ai jamais vu une expulsion dégénérer avec des faits de violence en 30 ans de pratique. »
Me Bourgun, pour la Ville, a la parole.
Et voilà, début de l’audience sur les Roms et la Ville.
Début de la dernière affaire avant celle des Roms (promis).
Bon, en fait, il y aura encore une affaire avant celle des Roms, après celle en cours…
Dernière affaire avant celle des Roms…
Donc début probable dans 30 minutes environ.
Bon, il y a encore au moins deux affaires à entendre avant celle des Roms, qui passera en dernier.
Début de la quatrième affaire, toujours pas celle des Roms.
Début de la troisième affaire, toujours pas celle qui nous intéresse…
Début de la deuxième audience…
On est toujours dans la première audience…
La première audience se déroule actuellement.
L’affaire concernant le démantèlement des camps Roms est en quatrième position. Donc l’audience devrait commencer vers 10h30.
Dans la salle, plusieurs représentants des associations de soutien aux Roms sont présents.
Les affaires sont appelées par la présidente du tribunal, pour décider si elles sont renvoyées ou plaidées aujourd’hui.

Aller plus loin

Sur Rue89 Strasbourg : Quatre expulsions de camps roms devant le tribunal des référés

Sur StrasTV : Roms en sursis (Reportage)


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