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Vous me ferez quarante pompes, prochaine prescription du médecin

Les médecins de Strasbourg vont pouvoir envoyer leurs patients courir dans les bois plutôt que patauger dans les eaux thermales. Puisque la pratique régulière d’une activité physique est bonne pour la santé, les médecins pourraient prescrire un peu de sport. « Pourquoi pas » ont répondu 50 praticiens, d’autres se voient mal dispenser des séances de Vél’hop ou de taï-chi à leurs patients en surpoids… et craignent d’avoir un jour à prescrire du jus d’orange parce que c’est bon pour la santé aussi.

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Vous me ferez quarante pompes, prochaine prescription du médecin

Tou Tou Tou You Tou (Photo Belambra / FlickR / CC)

Si vous souffrez d’une maladie cardio-respiratoire, de diabète ou de surpoids, alors méfiez-vous lors de votre prochain rendez-vous avec votre médecin traitant. Car l’importun pourrait bien vous prescrire un abonnement au club Vosgien au lieu de vos pilules habituelles. La Ville de Strasbourg lance pour un an une expérimentation appelée « Sport-santé sur ordonnance », avec la caisse du Régime local d’assurance maladie, l’Agence régionale de santé et plusieurs partenaires associatifs. Une cinquantaine de médecins généralistes ont accepté d’y participer et de prescrire à leurs patients des séances de sports ou des abonnements Vél’Hop, remboursés par la Ville. Le budget prévu par la Ville et ses partenaires s’élève à 129 000€. Le projet strasbourgeois est mené dans le cadre du contrat local de santé, qui rassemble la ville, l’agence régionale de santé d’Alsace, le régime local d’Assurance maladie, la préfecture et l’Éducation nationale.

Pour le maire de Strasbourg Roland Ries, le constat est simple :

« Dans certains quartiers, il y a quatre fois plus d’enfants obèses que dans d’autres. Et on sait qu’un peu d’activité physique, trente minutes de marche quotidienne par exemple, a d’importants effets bénéfiques sur la santé. Alors nous avons eu l’idée de lancer cette expérimentation dans le cadre du plan local de santé (PLS). L’objectif est que les ordonnances comportent peut être un peu moins de médicaments et un peu plus d’incitations à la pratique du sport. »

Daniel Bouffier, directeur régional de la Jeunesse et des sports en Alsace, a souligné que l’initiative rejoignait les préoccupations exprimées par les ministres de la Santé et des Sports dans une communication en conseil des ministres, le 10 octobre. De son côté, l’Académie nationale de médecine recommande dans un rapport la prise en charge par l’Assurance maladie des activités physiques et sportives prescrites par les médecins, une mesure qui pourrait, selon ce rapport, faire économiser 56,2 millions d’euros par an à la Sécurité sociale.

Aux limites de la thérapie

L’animateur de télévision et médecin Michel Cymes était présent lundi matin à Strasbourg, pour apporter toute sa caution médicale à l’expérience. Mais pour d’autres médecins, on touche ici aux limites du thérapeuthe vis à vis de la vie privée de ses patients, comme l’explique ce médecin généraliste, officiant à la Meinau :

« C’est vrai que la pratique régulière et modérée du sport est bonne pour la santé, mais les brosses à dents et le dentifrice aussi… On est dans le cadre de l’hygiène de vie et pas dans la thérapie. Est-ce vraiment notre rôle ? Et puis, je ne me sens pas à l’aise avec l’idée d’envoyer mes patients obèses sur un vélo… Que va-t-il se passer s’il y a un accident ? Si la pratique du sport doit être prescrite dans un cadre médical, alors ce serait dans une salle devant un coach. »

Pour @DocArnica, « médecin de famille » à Strasbourg et blogueuse sur Rue89 Strasbourg, l’expérimentation est intéressante, mais mérite d’être encadrée :

« Ça me gênerait de pouvoir prescrire un abonnement à la gym dans un club privé remboursé par la collectivité quand même… Envoyer des patients faire du sport pourquoi pas, mais vers une liste d’associations sportives dûment sélectionnées auparavant et dont les activités ont été vérifiées. Et puis, il est tout de même gênant de constater qu’on sorte ça comme une idée neuve alors qu’il existait le Résoo à Strasbourg,  qui proposait des activités sportives en groupe pour les obèses, remboursées par la Sécu, et que ce réseau a été dissous par manque de soutien public. Dans le même genre, il y a aussi le Réseaudiab 67 qui s’adresse aux personnes diabétiques. »

Selon le Dr Michel Cymes, 30 minutes de marche rapide quotidienne, et c’est six années d’espérance de vie de gagnées. Super, mais six ans plus tard il se passe quoi ? Daniel Lorthiois, président du régime local d’Alsace-Moselle, partenaire de l’expérimentation, relativise :

« Ce qui coûte cher à la Sécurité sociale, c’est l’hôpital et la fin de vie. Et ces gens là, on ne va pas les mettre sur un vélo. Donc, je ne crois pas trop que la Sécurité sociale économisera beaucoup d’argent avec les ordonnances de sport. »

Les sports disponibles vont de la marche à pied avec le club Vosgien à l’aquagym en passant par le taï-chi, le vélo ou l’aviron. Quelque 400 personnes devraient bénéficier de telles prescriptions durant l’année de test. Le bilan de l’opération sera analysé de près par les comptables de l’Assurance maladie… Bientôt les chaussures de marche remboursées par votre mutuelle ?


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