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Université de Strasbourg : le sort du président entre les mains des étudiants

Candidat à sa réélection, l’actuel président de l’Université de Strasbourg, Alain Beretz, défenseur de la réforme sur l’autonomie des Université, pourrait ne pas être réélu. Au sein du conseil d’administration, sa liste est arrivée à égalité avec celle de l’Intersyndicale : 7 sièges chacune, sur 22. Les étudiants se retrouvent en position d’arbitre.

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A l'Université, le "patio" a été rénové via le plan campus (Photo NR / Rue89 Strasbourg)

A l’Université, le « patio » a été rénové via le plan campus (Photo NR / Rue89 Strasbourg)

Suite aux élections des représentants des personnels enseignants et administratifs, la liste UDS « Université Diversité Solidarité », emmenée par l’actuel président Alain Beretz, obtient 32 sièges répartis au sein des trois conseils : le conseil d’administration, le conseil scientifique et le conseil des études et de la vie universitaires. En face, la liste dite d’ouverture RDC « Responsabilité Démocratie Collégialité », portée par l’intersyndicale « Agir ensemble pour une université démocratique » (regroupant les principaux syndicats universitaires SNEPSUP-FSU, SNCS-FSU, SNABSUB-FSU, SNTRS-CGT, SES-CGT, SNPREES-FO, SUD Education UDS) et le SGEN remporte 26 sièges. Elle vient de désigner son candidat : Jacques Haiech.

Jacques Haiech, candidat de la liste d'ouverture (Photo NR / Rue89 Strasbourg)
Jacques Haiech, candidat de la liste d’ouverture (Photo NR / Rue89 Strasbourg)

Si d’un point de vue global, Alain Beretz dispose de la majorité, au sein du conseil d’administration ce n’est pas le cas. Et c’est ce conseil qui devra seul désigner le 18 décembre le nouveau président de l’Université. Sept administrateurs appartiennent à la liste d’Alain Beretz, autant que pour la liste de l’Intersyndicale. Pour les départager, reste les personnels administratifs (3 sièges) et les étudiants (5 sièges). Les décisions de vote ne sont pas encore arrêtées, mais fonction des sensibilités des uns et des autres, les pronostics vont bon train.

Parmi les personnels administratifs, deux sont affiliés à des syndicats regroupés dans la liste d’ouverture et devraient naturellement la soutenir. Le troisième appartient à l’UNSA, qui soutient régulièrement les propositions d’Alain Beretz lors des conseils. Chez les étudiants, l’UNEF détient un siège et devrait se ranger du côté de l’Intersyndicale. Au bout de compte, Jacques Haiech, le candidat de l’Intersyndicale, devrait pouvoir compter sur 10 voix, Alain Beretz sur 8. Le choix de l’AFGES (Association fédérative générale des étudiants de Strasbourg), avec ses 4 sièges, sera donc décisif.

Les candidats devront passer l’épreuve du débat organisé par l’AFGES

Une position d’arbitre, qui ravit le président de l’AFGES, Thibaut Klein :

« Depuis la loi LRU sur l’autonomie des universités, les étudiants sont minoritaires dans les instances dirigeantes. Mais grâce à un retournement de situation imprévu, finalement, ce sont eux qui vont décider ! C’est une bonne chose pour la démocratie. »

Quant à savoir lequel des deux candidats l’AFGES soutiendra, il assure que « la décision n’est pas encore prise » :

« Nous prendrons position pour l’un ou l’autre à l’issue du débat que nous organisons le 11 décembre à 18 heures, un moment que nous souhaitons ouvert à toute la communauté universitaire ainsi qu’à toute personne intéressée. »

Il émet néanmoins quelques critiques sur la gouvernance d’Alain Beretz :

« Le budget parle de lui-même, le fonds de roulement a baissé de manière drastique et dramatique, on est passé de 77 millions d’euros à 26, soit 51 millions d’euros de moins en trois ans. La fusion des universités s’est révélée extrêmement coûteuse et il y a eu des erreurs de gestion. De plus, quand il est arrivé que les étudiants rendent des avis défavorables, au lieu de renvoyer le dossier pour chercher un consensus, comme convenu avec la direction, il passait en force. »

Alain Beretz (DR)
Alain Beretz (DR)

Dans l’opposition, certains vont même jusqu’à qualifier Alain Beretz d’« hyper-président », ce que l’intéressé récuse avec force :

« Ce n’est pas vrai, j’ai peut-être hyper-travaillé mais je n’ai pas d’hyper-pouvoir ! Je n’accepte pas que l’on dise que je ne suis pas démocratique. Et puis, les étudiants me connaissent et ont vu l’attention que nous leur portions, en nous préoccupant de leurs conditions et de la qualité de leurs études. Nous avons donné la priorité à la formation, pour que le parcours universitaire ne soit plus imposé par un catalogue de formation compliqué et illisible mais que l’étudiant, à terme, le maîtrise lui-même via un système de majeures et de mineures. Nous nous sommes aussi attachés à l’amélioration du cadre de vie car les années de formation doivent aussi être de belles années, via la culture, le sport, la vie associative… »

Et Alain Beretz de souligner que ces mesures ont été « engagées avant les élections ».

Le Patio : les bureaux de la présidence au lieu de salles de cours

Martin Bontemps, président de l’UNEF, ne l’entend pas de cette oreille : « Alain Beretz a un bilan qui ne joue pas en sa faveur. Il a mené des politiques qui ne répondent pas aux attentes des étudiants ». S’il dit attendre d’avoir rencontré les deux candidats pour « véritablement trancher », il ne cache pas son « hostilité à la réélection d’Alain Beretz ». En effet, le président du syndicat étudiant s’inquiète de la suppression des épreuves de rattrapage, qui devrait accompagner la « mise en place du contrôle continu intégral ».

« Avec la suppression de 40 000 heures de TD pour cause de restrictions budgétaires, je ne vois pas comment le contrôle continu pourrait être un outil au service de la progression des étudiants ! Il y a un manque de financement des universités par l’Etat, au niveau national, mais c’est bien un choix politique, au niveau de l’université, que de le répercuter sur l’offre de formation ! Avec la fusion des universités, dont on voit les effets néfastes sur la gestion des budgets et de la masse salariale, on nous avait tendu une carotte : le plan campus, une vaste opération de rénovation des bâtiments. Le patio a bien été refait. Ce devait être des salles de cours, finalement ce sont les bureaux de la présidence ! »

La loi LRU (Liberté et responsabilité des universités) instaurant l’autonomie des Université et initiée en 2007 par Nicolas Sarkozy, est le cœur du problème selon Martin Bontemps :

« Elle a eu des conséquences désastreuses, poussant les universités à entrer dans une logique d’excellence pour espérer des financements (via les Labex, Idex). Seule une petite caste en bénéficie, au détriment de l’enseignement de proximité et des sciences humaines ».

Crispation autour de l’autonomie

Cette autonomie, Alain Beretz en est justement un fervent défenseur. Il signait encore janvier 2012 une tribune dans Le Monde, « L’autonomie est une chance pour nos établissements ». Il précise :

« Je discute certaines modalités de cette loi, comme le mode d’élection – et on voit ce que cela donne – ou la répartition des pouvoirs entre les conseils, mais je reste un partisan de l’autonomie intellectuelle et financière. Cependant, pour assumer cette autonomie, nous devons en avoir les moyens, et nous les avons pas. »

Lors de la conférence de presse organisée par liste d’ouverture « Responsabilité Démocratie Collégialité ». (Photo NR / Rue89 Strasbourg)

La liste adverse se positionne « pour le service public et contre la LRU », selon les mots de son candidat, Jacques Haiech, lors de la conférence de presse organisée mercredi après-midi.

« La liste RDC entend montrer qu’il peut y avoir une alternative à cette logique entrepreneuriale qui consiste à présenter l’université comme une entreprise, vendant des produits, des diplômes à des usagers devenus des clients. Il faut décentraliser le pouvoir, retricoter des liens entre les formations, les différents acteurs. Notre alternative peut être une source d’inspiration pour les législateurs qui veulent recadrer cette loi. »

Suite aux assises de l’enseignement supérieur, le gouvernement a dit vouloir « corriger » la réforme. La liste de l’intersyndicale a élaboré « quatre chantiers prioritaires ». Pour le candidat Jacques Haiech, « le budget n’est pas l’alpha et l’oméga du fonctionnement de l’université, mais simplement un outil ». Il a annoncé vouloir « dialoguer avec les collectivités territoriales pour parler du redressement productif de l’université, car en tant qu’opérateur social et économique de la Région, une faillite serait dommageable pour le territoire. » Reste à savoir le quel des deux candidats saura au mieux séduire l’AFGES. Réponse le 18 décembre.

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