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L’école de médecine générale, à double voie

Récemment promue maître de stage universitaire, j’ai accueilli ma première stagiaire dans mon cabinet ! J’espère qu’Eléonore a beaucoup appris, parce qu’elle n’a pas été la seule. Confronter sa pratique au regard questionnant d’une jeune diplômée est déroutant.

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L’école de médecine générale, à double voie

Barnaby (Photo Auntie Ivy's Kitchen / FlickR / CC)
Barnaby (Photo Auntie Ivy’s Kitchen / FlickR / CC)

BlogAvez vous déjà consulté votre généraliste en vous retrouvant face à lui et à un étudiant en médecine ?

Eléonore est la première étudiante que j’accueille dans mon cabinet de médecine générale. Je viens de commencer depuis peu à enseigner la pratique de la  médecine générale en accueillant une étudiante en fin de cursus, c’est à dire en 9e année de médecine. Son stage, après avoir été 2 ans interne à l’hôpital touche enfin au concret : l’apprentissage de la médecine générale comme elle va probablement l’exercer et qui n’a rien à voir avec la médecine hospitalière.

Bref je suis ce que l’on appelle un MSU depuis quelques mois (maître de stage universitaire). Sous ce titre pompeux , une tâche : enseigner la pratique de la médecine de premier recours qu’est la médecine générale.

Eléonore commence son premier stage en dehors du milieu hospitalier dans mon cabinet. Le stage est dit supervisé , c’est à dire que j’assiste à toutes les consultations.

Mes malades n’ont jamais eu affaire à des étudiants jusqu’à présent et je suis un peu inquiète de leurs réactions éventuelles. Mais la première journée se passe très bien dans la mesure où Eléonore ne fait qu’assister à ma consultation sans intervenir réellement. Je la présente successivement à tous les malades, et tout se passe comme sur des roulettes. Les patients sont assez ravis du changement de manière générale.

Pour moi qui ait l’habitude de travailler seule, la compagnie me plait bien. Il y a un échange qui se met en place doucement. Je pose des questions et Eléonore commence par oser m’en poser de temps en temps.

Et ce bébé qui pleure, quel est ton diagnostic ?

Âpres deux jours passifs, je lui demande d’assurer des consultations que j’estime simples dans un premier temps. Elle accueille le patient et débute un échange dans lequel je deviens de plus en plus spectatrice.

J’aime bien la voir poser les questions et me poser des questions sur les dossiers de mes malades. Cela m’oblige à voir les dossiers différemment et à mettre à jour leurs antécédents que je connais par cœur.

Au début, Eléonore se concentre beaucoup sur l’ordinateur, le logiciel, la manière d’entrer les données. Le malade passe un peu au second plan et je la remets en face du vrai problème qui est le motif de la consultation. Mais au fur et à mesure le logiciel étant mieux maîtrisé, la consultation se déroule mieux.

La différence avec l’hôpital est énorme me dit-elle. Le malade ne va pas rentrer dans un protocole automatique avec des cases, mais la relation entre le soignant et le soigné va s’établir en même temps que l’interrogatoire, puis l’examen clinique, le diagnostic ou  pas, puis le traitement ou la prescription d’examens éventuels. Ne pas oublier que le malade n’est pas de passage et qu’on pourra le revoir si besoin.

Les débuts d’Eléonore ne sont pas faciles. Une première consultation avec un bébé qui hurle que les parents amènent pour syndrome fébrile et forte toux impressionnante depuis deux jours est difficile. Le diagnostic sera discuté entre nous avec les parents. Il s’agit d’une bronchiolite, c’est à dire d’une atteinte par un virus respiratoire qui très généralement ne va pas poser de gros problème à l’enfant. Mais il va falloir que mon interne trouve les mots pour expliquer, et rassurer les parents inquiets. Et surtout expliquer que si les symptômes s’aggravent, ils ont la possibilité de venir nous revoir ou d’accéder aux urgences pédiatriques.

La confirmation me revient, quand même

Je la laisse mener la consultation jusqu’au bout, faire l’ordonnance qui est très simple. juste avant de partir je vois les parents se tourner vers moi pour chercher une sorte de confirmation, d’approbation. Ce que je fais évidemment.

C’est le but de cette formation : laisser l’interne se former sans la laisser face à un échec ou une erreur de décision ou d’orientation. Cela permet un enseignement en douceur sans qu’il y ait de préjudice pour le malade. Je n’ai pas eu ce genre de formation qui n’existait pas à mon époque. Et je trouve qu’elle est très utile. Elle permet d’apprendre sans avoir le stress lié à un lâchage dans la nature comme j’ai pu l’expérimenter lors de mon premier remplacement.

Comment devient-on MSU ? J’ai été motivée par un de mes collègues sur Twitter qui l’était déjà et qui m’a donné envie de partager mes connaissances en enseignant la médecine générale en situation réelle.

Je viens de m’y mettre et vraiment j’adore ce partage, les discussions que l’on peut avoir avec son interne, la manière que l’on a de se remettre en question en étant non plus dans la routine mais dans la réflexion pour chaque patient. Se demander pour chacun pourquoi on décide de tel examen, pourquoi l’on prescrit tel médicament est enrichissant pour le maître de stage autant que pour  l’étudiant. De mon côté je me forme à la maîtrise de stage à ma faculté de médecine en assistant soit à des réunions théoriques sur le sujet, soit à des réunions de groupes de pairs où l’on évoque les difficultés ou les trucs qui marchent avec nos internes.

Eléonore est restée deux mois en permanence avec moi en consultation, en visite . Cela crée en plus des liens assez fort et plaisants. Je la revois de temps en temps et nous déjeunons ensemble. Après avoir exercé avec moi à grande ville , elle est partie deux mois à petite ville et va encore exercer deux mois à petit village. Elle aura une idée d’un panel assez complet de types d’exercice de la médecine générale, et je trouve ça pas mal du tout pour pouvoir choisir son mode d’exercice plus tard.

S’installer en libéral ? Pas pour les jeunes

Eléonore a envie de s’installer plus tard, mais elle fait partie d’une petite minorité d’internes. La plupart préfèrent le salariat qui permet de gagner correctement sa vie sans avoir les contraintes importantes liées à l’exercice libéral. Ces contraintes d’horaires, d’honoraires liés aux nombres actes et non à leur qualité, la paperasserie délirante exigée et l’importance des charges à payer découragent vraiment nos jeunes confrères et consoeurs et je les comprends.

Etre maître de stage me permet peut-être de leur transmettre ce que ce métier a d’enrichissant humainement et c’est déjà pas mal. Comment sera mon ou ma prochaine stagiaire ? Surprise au prochain semestre !


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