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Municipales : de l’art de monter des listes qui ratissent large

Dans un peu moins de 100 jours, les candidats aux élections municipales à Strasbourg passeront à la moulinette du 1er tour. Avec eux, 64 « colistiers » s’engageront dans la bataille pour former le nouveau conseil municipal. Encore faut-il les choisir ! Pêche aux minorités, quête des « personnalités »… La grande gamberge a commencé.

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R. Ries, à la CUS, découvre les résultats des élections législatives.

R. Ries, à la CUS, découvre les résultats des élections législatives.
Roland Ries, à la CUS, découvre les résultats des élections législatives de 2012 avec Olivier Bitz, Alain Jund et Alain Fontanel (Photo David Rodrigues / Rue89 Strasbourg)

Mercredi 18 décembre en fin de journée, les adhérents Europe écologie – Les Verts voteront à la Maison des associations pour valider (ou non) les 15 premiers noms de la liste que mènera Alain Jund aux élections municipales de mars 2014. Le lendemain, aux mêmes horaires et au même endroit, les militants socialistes se prononceront sur les 43 à 47 candidats encartés qui figureront sur la liste de Roland Ries. Cette dernière sera complétée d’une vingtaine de personnes issues de la société civile (non-encartées au PS) d’ici la mi-janvier.

Dans les deux cas, ces votes interviennent en aval de longues négociations et de dizaines de rendez-vous entre les colistiers putatifs, les têtes de listes ou leurs représentants. Mais ils ont le mérite d’intégrer un peu de transparence et de démocratie dans le processus de constitution des listes. A noter qu’un travail similaire est également à l’œuvre pour la liste Front de gauche.

Chez EELV, seules les 15 premières places comptent

Chez les écolos, les négociations autour de ces 15 premières places – les seules en position éligible, estime-t-on – ont été pour le moins tendues. Les sortants Alain Jund et Eric Schultz ont bataillé l’un contre l’autre pour imposer leurs « poulains », qui Marie-Dominique Dreyssé (à qui la 2ème place est dévolue), qui Abdelkarim Ramdane, qui devrait prendre la 5ème place. Jean-Marie Brom et Pierre Ozenne devraient également figurer dans la liste des 15. Aujourd’hui, Alain Jund se dit plus serein sur la dynamique interne. « On a passé un cap », juge-t-il. Mercredi, les militants pourront « réordonnancer » cette « short list », mais le candidat est confiant. « On a déjà tout mis à plat, la liste nous semble équilibrée. »

Au PS, les enjeux sont plus importants, puisqu’en cas de victoire en mars, entre 40 et 50 personnes figurant sur la liste pourraient être élues et siéger pour les 6 ans à venir. Mathieu Cahn, co-directeur de campagne (avec Alain Fontanel) et premier secrétaire de la fédération PS du Bas-Rhin est à la manœuvre. Jusqu’au 30 novembre, les socialistes inscrits dans l’une des 10 sections strasbourgeoises ont pu se porter candidats. Environ 85 l’auraient été. Cette première moisson a été ramenée à 75 candidatures « recevables au vu des règles statutaires du parti », dont la liste a été communiquée la semaine dernière aux 600 adhérents du PS de Strasbourg – qui n’a d’ailleurs pas manqué de fuiter dans les DNA.

Au PS, les sortants s’accrochent

Sur ces 75 noms, environ 45 seront proposés au vote des militants jeudi 19 décembre. Une commission de 15 personnes (les 10 secrétaires de sections auxquels s’ajoutent les deux co-directeurs de campagne, le maire, Mine Gunbay pour le Droits des femmes et Olivier Bitz, président du groupe PS au conseil municipal) est en train de finaliser cette liste. Comment s’effectue le tri ? Mathieu Cahn explique :

« La difficulté avec une équipe sortante, c’est que beaucoup se représentent [ndlr, seuls 5 sortants PS ne repartent pas]. Or, il faut du renouvellement. Notre premier travail est simple : sortir les sortants qui ont démérité et écarter les entrants qui ne sont pas soutenus. Une fois qu’on a fait ça, on entre dans le dur. Plusieurs critères rentrent en ligne de compte, l’âge, le nombre de mandats déjà effectués ou le critère militant – ceux qu’on ne voit qu’une fois tous les 6 ans avant les élections, très peu pour moi. A profil égal, s’il faut rajeunir la liste, on choisira le plus jeune. Sur certains noms, on a parfois de vrais désaccords, mais on arrivera au consensus. »

Le vote de jeudi n’engage pas la tête de liste sur la « short list », contrairement aux Verts. Ce qui n’empêche pas cette liste de 15 personnes d’être dans toutes les têtes au PS. « Constituer un groupe d’opposition en cas de défaite, capable de prendre des coups, d’en rendre et de préparer 2020 », confirme Mathieu Cahn, est un enjeu crucial. Sur cette courte liste, figureraient, outre quelques personnes non-encartées (Nawel Rafik ou Françoise Buffet), le député Philippe Bies, Mathieu Cahn lui-même, Alain Fontanel ou Paul Meyer (ou Syamak Agha Babaei). Les conseillers généraux Eric Elkouby, Olivier Bitz, Robert Herrmann et Henry Dreyfus pourraient être relégués plus loin, conservant une autre tribune politique en cas de défaite.

Loos : « A l’UDI, la liste est faite à l’ancienne »

A droite, la mécanique est plus simple, puisque aucune dose de démocratie ne vient compliquer les choses. Les militants ne votent pas, ce sont les têtes de listes qui endossent la responsabilité du choix des colistiers. Chez François Loos (UDI), la liste se constitue petit à petit, « à l’ancienne », prise de contact après prise de contact. Livraison estimée : en janvier, comme les autres. Le candidat centriste, qui envisage de moins en moins une union de liste avec Fabienne Keller (UMP), concède :

« Ce n’est jamais facile à faire. Il faut jauger les compétences des uns et des autres, trouver un équilibre entre ce que souhaite les gens (être haut sur la liste) et ce qui est possible. Il y a ceux qui sont indispensables et ne demandent rien et ceux qui veulent être bien placés mais n’apportent pas grand-chose… Sur ma liste, il faut aussi forcément des gens qui viennent de l’UDI, mais aussi de l’UMP, du Modem et des « société civile ». Ce n’est pas un problème de trouver des gens, mais le tri deviendra difficile s’il y a union avec l’UMP. »

Autour de François Loos, Anne Schumann, Pascale Jurdant-Pfeiffer et Audrey Kinné devraient figurer sur la liste. La conseillère régionale Lilla Merabet et l’ancien socialiste Jean-Claude Petitdemange pourraient également en être. « Ce n’est pas sûr », glisse le candidat UDI.

Fabienne Keller : « La short list, pas un sujet »

A l’évocation de la liste, Fabienne Keller, elle, n’est pas très bavarde. Depuis plusieurs mois, « 200 volontaires sont engagés » à ses côtés sur le terrain, dans les quartiers, sur les opérations « Dites-moi tout ». Les 64 colistiers seront-ils pêchés dans ce vivier ? La candidate UMP noie le poisson :

« Certains parmi eux souhaitent être engagés sur la liste, mais c’est l’expérience, la compétence, la disponibilité et l’esprit d’équipe qui seront déterminants. Sur la liste, il y aura un socle UMP, mais aussi des UDI, comme Jean-Charles Quintiliani ou Bornia Tarall, et 50% de gens de la société civile. La liste que nous proposerons devra ressembler aux Strasbourgeois. »

Comme chez tout le monde, donc. Sur la « short list », Fabienne Keller lâche : « Ce n’est pas un sujet. Ceux qui demandent à être dans les 15 premiers jouent perdants. Peu le font parce qu’ils savent bien que ce n’est pas ma méthode ». En outre, le profil de sa liste sera forcément différent de celui des listes de gauche. Plus de représentants du secteur privé, autant de fonctionnaires et de professions libérales, mais moins de syndicalistes.

La représentation des communautés, un tabou

S’il est admis d’évoquer la représentativité des quartiers sur les listes, les communautés, religieuses ou culturelles, sont taboues. En 2008 pourtant, toutes les listes ou presque avaient leur turc, leur juif, leur arabe ou leur noir. Il en sera sans doute de même en 2014, même si certains – tel Mathieu Cahn pour le PS, qui affirme son anticommunautarisme – nient leur capacité à mobiliser des électeurs en masse pour l’élection.

Même topo avec les associations. Alain Jund (EELV) jure ne pas vouloir « les instrumentaliser » mais prendra volontiers sur sa liste des « militants associatifs, pas des présidents ». Nuance. Certains responsables ont d’ailleurs été approchés par plusieurs listes de gauche et module leur choix en fonction des offres qui sont faites (places sur la liste, promesse électorale…).

Reste qu’il faut « donner du sens à la liste », même quand ses participants n’ont aucune chance d’être élus. Pas question de ne faire que prendre le frère et la tante de machin, la femme de ménage de bidule et son voisin de palier. Les colistiers seront des forces vives dans les deux mois de campagne précédant le scrutin.

Le FN, encore loin d’avoir ses 65 candidats

Encore plus délicat au Front National, qui doit trouver des gens capables d’encaisser la stigmatisation que peut entraîner le fait de figurer sur une liste d’extrême droite. Pour toute réponse, Laurent Husser, directeur de campagne de Jean-Luc Schaffhauser, nous a fait savoir en fin de semaine :

« M. Schaffhauser n’ayant été investi que très récemment, il est en train de rencontrer les militants FN et Rassemblement Bleu Marine ainsi que les habitants. Tous les jours, des électeurs strasbourgeois ayant voté pour Marine Le Pen souhaitent le rencontrer pour évoquer de nombreuses questions locales et certains souhaitent s’investir pour la liste. Ils viennent de plusieurs horizons politiques, du FN bien évidemment mais aussi de gauche et de droite, démontrant bien l’ouverture du Rassemblement Bleu Marine. La constitution de la liste sera bouclée fin janvier-début février. »


#Alain Jund

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