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J’ai officieusement fait mes courses au Marché-Gare

Situé à Cronenbourg, le Marché-Gare de Strasbourg accueille chaque jour des professionnels de la restauration, mais aussi des particuliers. Un bon plan pour trouver des fromages et des poissons d’excellente qualité vendus à de bons prix. Mais les particuliers ne sont que tolérés, alors chut !

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J’ai officieusement fait mes courses au Marché-Gare

Le marché-gare accueille jusqu'à 300 véhicules de particuliers pendant les fêtes. (Thomas Mangin - Rue89 Strasbourg)
Le marché-gare accueille jusqu’à 300 véhicules de particuliers pendant les fêtes. (T.M / Rue89 Strasbourg)

Sept heures du matin, Marché-Gare, Strasbourg. Les professionnels de la restauration sont présents en nombre pour acheter de la viande, des fromages, des légumes ou des fruits. Et encore… ceux qui sont là à cette heure-ci ont loupé le réveil, m’indique-t-on. Pas de grand hall, pas de cohue, pas de criées comme on se l’imagine. Une suite de bâtiments en tôle, aux couleurs pâles, séparés par une allée centrale où des voitures sont garées. Seulement, ces dernières ne sont pas toutes aux restaurateurs. Depuis un trentaine d’années, les particuliers sont officieusement acceptés sur le site. Officieusement ?

Si n’importe qui peut se rendre sur place, le commerçant sur place au Marché-Gare ne peut émettre aucune promotion. Taxés de concurrence déloyale par des magasins du centre-ville, la politique en vigueur est répétée à chaque réunion des utilisateurs du Marché-Gare : si les commerçants font de la pub, la direction peut décider à tout moment d’interdire l’accès aux particuliers. Et ce contrat moral fonctionne depuis plusieurs dizaines d’années.

Dès 7h du matin, particuliers et professionnels prennent d'assaut les places qui bordent les commerces. (T.M / Rue89 Strasbourg)
Dès 7h du matin, particuliers et professionnels prennent d’assaut les places qui bordent les commerces. (T.M / Rue89 Strasbourg)

Du choix pour une clientèle fidèle

Première halte, chez Tourrette. Fromagerie aussi présente au centre-ville, le magasin est tout en longueur. La porte passée, les effluves de tomes de Savoie et de Munster se mêlent entre elles, contrastant avec l’aspect froid des hangars. Ici, beaucoup de particuliers viennent faire leur marché. Luc, gérant de la fromagerie, explique :

« Les clients viennent pour éviter d’aller jusqu’au centre-ville c’est certain, mais ils viennent aussi pour la qualité. Des amateurs, des gens qui viennent quand ils ont un repas de famille ou des invités et des gens qui font simplement les courses de la semaine, voilà notre clientèle. »

Une clientèle fidèle qui ne se renouvelle que peu nuance Eve, une employée qui gère les appels, la préparation des commandes et la vente. Mais le charme de ce type de magasin est bien la proximité avec le client. La jeune vendeuse connait la plupart des clients par leurs prénoms, et de son côté Guillaume passionné par son métier prend un plaisir fou à expliquer toutes les spécificités de chaque produit.

Les prix ne sont pas indiqués en magasin, mais il suffit de demander. L’assortiment de fromages pour un kilo me revient à 25€, et il faut compter 23,90€ pour un kilo de Comté de plus de 30 mois d’affinage (juin 2011). Dans la même quantité, le munster coûte 21,10€, et le brie de Meaux est à 17,95€. Au vu de la qualité des produits, c’est une affaire.

Guillaume, passionné, prend du temps pour conseiller. Une qualité qu'on ne trouve plus dans beaucoup d'endroits. (T.M / Rue89 Strasbourg)
Guillaume, passionné, prend du temps pour conseiller. Un échange qu’on ne trouve plus dans beaucoup d’endroits. (Photo T.M / Rue89 Strasbourg)

La Bretagne aux portes de Strasbourg

Sorti de la fromagerie, je remonte l’artère que je semble être le seul à arpenter dans ce sens, il y a peut-être des habitudes que je ne connais pas… Tout au bout, à l’angle, coincé à côté du géant de l’agroalimentaire Pomona se trouve Rungiest. J’entre. Ici on vend « de tout » mais aux premières impressions, surtout du poisson. Une fois la porte passée, c’est la Bretagne ! Du moins si je ferme les yeux, car l’intérieur ressemble plus à une supérette qu’à la criée sur le port de Saint-Malo. A l’accueil, Sabine, souriante, qui travaille depuis 7 ans au Marché-Gare explique :

« Chez Rungiest, on détaille le poisson, mais la viande est vendue à la pièce directement (sans découpe, ndlr). Vous trouvez des pâtes fraîches, de l’épicerie fine, de tout. Si les prix ne sont pas affichés comme pour le poisson par exemple, c’est parce que nous sommes dépendants des cours de la pêche. Il n’y a pas de quantité minimum d’achat, vous achetez ce que vous voulez. »

Malgré l'esprit un peu plus "supérette" chez Rungiest, ici aussi les clients sont choyés. (T.M / Rue89 Strasbourg)
Malgré l’esprit un peu plus « supérette » chez Rungiest, ici aussi les clients sont choyés. (Photo T.M / Rue89 Strasbourg)

Avec les intempéries en Bretagne, les prix du poisson ont légèrement augmenté en ce début d’année. Les prix sont fixés sur une durée qui va de 3 à 7 jours et cette semaine par exemple, les Saint-Jacques de Dieppe se vendent 32,80€ le kilo, le saumon écossais label rouge 11€ le kilo, 22€ du kilo de homard ou 8,15€ le filet de cabillaud au kilo. Le dos de lieu noir par exemple se vend 10,10€ cette semaine, mais tourne autour de 8€ en général quand la météo de l’Atlantique est plus clémente.

Chez Soprolux, spécialisé dans la viande, du choix mais très peu de paroles. Suggestion de la semaine, de la découpe de coq : 5,45€ le kilo. Mais si cela ne vous convient pas, sachez que le filet mignon de porc est vendu sous-vide à 9,43€, et que la noix d’entrecôte s’achète à 22,38€. Valeur sûre en période de fêtes, le foie gras se paye pour sa part aux environs de 40€ le kilo.

Bilan, 250 grammes de tagliatelles aux truffes à 7,20€ de chez Rungiest, une entrecôte de veau à 21,81€ que j’ai acheté chez Soprolux, un assortiment d’un kilo de fromage à 25€ chez Tourrette.

Luxe low-cost et omerta

Avec des prix comme ceux-ci, on comprend déjà mieux ce qui attire les amateurs. A titre de comparaison, mes trois achats de la matinée me seraient revenus presque 10 euros plus chers dans une grande surface de centre-ville. Le kilo d’entrecôte avoisine en supermarché les 25€. L’assortiment d’un kilo de fromage peut, pour sa part, être réalisable pour une trentaine d’euros m’assure un employé d’une grande surface du centre-ville. Mais les pâtes fraîches aux truffes étaient, elles, absentes des rayons.

Dans cet hypermarché, comme dans la plupart, le homard se négocie à une cinquantaine d’euros du kilo, soit presque 20 euros plus cher, tandis que le kilo de lieu noir est à 15€ contre les 10,10€ de cette semaine au Marché-Gare… Et c’est le même constat pour la viande : le filet mignon de porc était à moins de 10€ le kilo au Marché-Gare, il est à 16€ en rayons.

Mais la question de la présence des particuliers au Marché-Gare est un sujet sensible. À chaque réunion, cette question est débattue. D’un côté, les producteurs et les petits distributeurs souhaitent attirer plus de gens, de l’autre les grossistes qui ne vendent pas au détail préféreraient ne pas les voir, pour ne pas prendre des clients à leurs propres clients. Un employé de Soprolux, résume :

« On ne peut pas trop vous en parler. Si on le fait, la Samins (Société d’Aménagement et de gestion du Marché d’Intérêt National de Strasbourg) peut décider de couper les robinets en interdisant l’accès aux gens. On a participé au festival de la gastronomie Festi-Festin une fois, on s’est fait taper sur les doigts. »

Discrétion et bouche à oreilles

Une pratique tolérée donc. Mais surtout une bonne dose de discrétion et aucune publicité. En plus du bouche à oreille, les commerçants compte sur un effet de mode pour doper la fréquentation de leurs enseignes. En effet, depuis quelques temps, les particuliers montrent un intérêt accru pour la cuisine. Olivier Tourette, fils du créateur de la fromagerie remarque :

« Depuis quelques temps, les émissions comme Top Chef, ou Master Chef ont donné envie aux gens de cuisiner eux-même. Certains, qui en ont les moyens et le temps, prennent des cours de cuisines. Leurs professeurs d’un jour leurs donnent alors souvent notre adresse, car ils viennent eux-mêmes s’approvisionner ici. Et c’est ainsi que le bouche-à-oreilles développe notre clientèle. »

Pour Olivier Tourette, particuliers et professionnels doivent être traités avec les mêmes égards. (T.M / Rue89 Strasbourg)
Pour Olivier Tourette, particuliers et professionnels doivent être traités avec les mêmes égards. (T.M / Rue89 Strasbourg)

Au resto, un plat duj’ costaud à 8,50€

Mais si vous n’avez pas envie d’acheter votre viande au kilo, vous pouvez tenter le restaurant Marché-Gare. Yann a repris l’affaire il y a 10 ans, Le propriétaire l’admet, sa clientèle est en majorité constituée de personnes qui travaillent dans le secteur. Mais les particuliers sont les bienvenus. Du moins, ils le seraient si les gens savaient que le restaurant existe :

« Du fait de ce silence obligatoire, je n’ai pas le droit de faire une quelconque publicité. J’ai un statut un peu entre les deux. Je ne suis pas un commerçant comme les autres, mais en même temps, je fais partie du Marché-Gare. On m’a quand-même promis un petit panneau à l’entrée… Ça fait dix ans que je l’attends mais ça ne devrait plus tarder apparemment. »

Adresse qui peine à être connue, le restaurant Marché-gare est une valeur sûre pour bon nombre de travailleurs du quartier. (T.M / Rue89 Strasbourg)
Adresse qui peine à être connue, le restaurant Marché-gare est une valeur sûre pour bon nombre de travailleurs du quartier. (T.M / Rue89 Strasbourg)

Salade mixte à 8,50€, plat du jour au même prix, entrecôte grillée à 18,50€, et Kougelhopf arrosé au schnaps à 5,50€. Les prix pratiqués sont corrects, mais la taille des assiettes est impressionnante. Le restaurateur met un point d’honneur à servir copieusement des produits frais, mais il admet ne pas s’approvisionner qu’au Marché-Gare, principalement pour des raisons économiques sur certains produits…  Un petit conseil : réservez. La salle se remplit à une vitesse assez incroyable une fois passé midi.


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