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Mulhouse : un psychiatre interdit d’exercer pour avoir abusé de sa patiente

Le conseil régional de l’ordre de médecins a condamné un psychiatre de Mulhouse à un an d’interdiction d’exercer pour avoir eu des relations sexuelles avec l’une de ses patientes pendant cinq ans. Le psychiatre évoque une « relation amoureuse sincère ».

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La chambre disciplinaire de l'ordre des médecins d'Alsace (Photo PF / Rue89 Strasbourg / cc)

La chambre disciplinaire de l'ordre des médecins d'Alsace (Photo PF / Rue89 Strasbourg / cc)
La chambre disciplinaire de l’ordre des médecins d’Alsace (Photo PF / Rue89 Strasbourg / cc)

C’est dans une salle quelconque dans le quartier de l’Esplanade à Strasbourg que s’est joué le 18 janvier le dernier épisode d’un drame qui a duré près de 25 ans. Dans les locaux du conseil régional de l’ordre des médecins, Chantal (tous les prénoms ont été changés), 44 ans, se retrouve face au Dr Raymond, 59 ans. Devant ses pairs, réunis en chambre disciplinaire, il avoue avoir eu des relations sexuelles avec Chantal alors qu’elle était sa patiente, de 1996 à 2003, le plus souvent dans son cabinet à Mulhouse.

Lorsqu’elle rencontre le Dr Raymond pour la première fois en 1989, Chantal a 20 ans et déjà un dossier médical chargé, des troubles du comportement lui ont été diagnostiqués depuis qu’elle a douze ans. Elle tombe vite amoureuse du Dr Raymond, de quinze ans son aîné, un phénomène de transfert classique en psychothérapie. Sauf que cette fois-ci, le Dr Raymond sort du cadre thérapeutique et entame une relation intime avec sa patiente. Il ne lui fait plus payer ses consultations, la complimente, la visite lorsqu’elle est hospitalisée, lui offre des cadeaux… En 1996, le thérapeuthe aura même des relations sexuelles avec Chantal, jusqu’en 2003, date à partir de laquelle il met fin à cette relation et choisit de se recentrer sur sa famille.

Mais pour Chantal, les dégâts sont irréparables. Leurs relations deviennent tendues, voire violentes. Déjà fragile, elle a vécu intensément leur relation amoureuse. « Pendant toutes ces années, je n’attendais que ces moments avec lui » avouera-t-elle à l’audience. En 1993, elle fait une première tentative de suicide par intoxication médicamenteuse volontaire, puis une autre en 1997. Elle vivra très mal la séparation. Entre 2003 et 2012, le tribunal du conseil de l’ordre note dans son jugement « sept tentatives de suicide et treize hospitalisations, témoignant de la gravité de son état psychique. »

Un antécédent d’abus

En 2012, Chantal parvient à s’extraire de toute relation avec le Dr Raymond. Un psychiatre parisien lui diagnostique enfin une cyclothymie sévère. Dans un certificat médical, son nouveau psychiatre du CHU de Strasbourg indique :

« Chantal a abordé de façon récurrente sa relation avec le Dr Raymond. Chantal éprouve une grande difficulté à faire confiance dans le cadre thérapeutique. Ces difficultés ont porté préjudice à son suivi et à son traitement. De mon point de vue de psychiatre traitant, le trouble bipolaire dont elle souffre ne suffit pas à expliquer ses oscillations et difficultés. Un antécédent d’abus dans le cadre d’une relation thérapeutique pourrait plausiblement être une des causes de ses difficultés dans ses soins. »

Ce témoignage a grandement pesé dans la décision des membres du tribunal ordinal.

« Êtes-vous un habitué de ces pratiques ? »

Car pour le Dr Raymond, il y a certes eu des relations sexuelles, mais elles entraient dans le cadre d’une relation amoureuse et sincère. Une défense inacceptable pour la plaignante pour qui il n’y a jamais eu d’amour lorsque « nous étions ensemble, pendant un quart d’heure maximum, entre deux clients au cabinet. » Lors de l’audience, dans une ambiance glaciale, le tribunal ordinal bombarde le Dr Raymond de questions :

« – Aviez-vous le sentiment de commettre une faute ?

– Oui, mais je n’avais pas le sentiment que c’était si grave.

– Êtes-vous un habitué de ces pratiques ?

– Non, c’était la seule fois.

– Pourquoi ne pas avoir fait appel à un confrère pour gérer votre contre-transfert ?

– Je n’étais pas dans une relation avec une patiente… »

Mais le tribunal ordinal ne l’a pas suivi sur cette défense. Il note dans son jugement :

« [Cette relation] ne pouvait être librement consentie par sa patiente, contrairement à ce que le Dr Raymond affirme, compte tenu de la gravité des troubles présentés par la plaignante ; en outre en établissant la gratuité des consultations, le Dr Raymond avait retiré à ses relations avec sa patiente leur nature thérapeutique. »

Le 20 février, la chambre disciplinaire de l’ordre des médecins d’Alsace a prononcé contre le Dr Raymond l’interdiction d’exercer son activité de médecin psychiatre pendant une durée de deux ans, assortie d’un sursis d’un an, à partir du mois de mai 2014. Le Dr Raymond a fait appel de cette décision auprès du conseil de l’ordre national.


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