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Pigalle vendredi au Molodoï: « je carbure à l’indignation et à la Météor »

Pour son anniversaire, le Molodoï invite Pigalle vendredi. Rencontre avec François Hadji-Lazaro, musicien touche à tout, éternel révolté, militant de la musique alternative et communiste.

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François Hadji-Lazaro

François Hadji-Lazaro
François Hadji-Lazaro et Pigalle, sur la scène du Molodoï le 2 mai (Doc. remis)

Toutes les expressions artistiques ont droit de cité au Molodoï. Ce vingtième anniversaire entend ainsi s’en faire l’écho le plus juste et complet possible avec une grande kermesse, une brocante, un bal sauvage, des apéros, des ateliers, des débats et des projections. Sans omettre, bien évidemment, la musique.

Le mardi 29 avril, place au rock fougueux et relevé avec le trio strasbourgeois de rock garage Adam and the Madams, les Rennais Totorro (quatre garçons à la mélancolie rageuse, réputés pour leur radioactivité sonique) et deux groupes belges (It It Anita, versé dans un post-rock aux guitares lourdes et The K, orfèvre d’un rock garage brut et abrasif) :

Changement de son et d’ambiance, en revanche, pour lendemain, mercredi 30 avril. La programmation d’orientera vers le dub, le reggae et l’électro via des mixes et remixes signés notamment du collectif français Dubamix. Les têtes d’affiche de la soirée seront les vétérans français Brain Damage et anglais Vibronics dans le cadre d’un immense sound system porté par « Empire Soldiers », double album conjoint inédit publié à l’automne 2013.

Quant au point culminant de la semaine anniversaire, ce sera le vendredi 2 mai avec un triptyque inoxydable de la scène alternative hexagonale des années 80 : Parabellum, Washington Dead Cats et Pigalle.

François Hadji-Lazaro : « je suis à la fois chanteur, acteur et metteur en scène »

Pigalle vient de publier en février dernier un nouvel album, « T’inquiète », le sixième de sa discographie, en plus de « Pigallive » sorti en 1992. François Hadji-Lazaro, pilier multi-instrumentiste et touche-à-tout de Pigalle, chronique la vie en 16 tableaux, toujours en clair-obscur et doux-amer, entre rock et baroque, folk et musette. De la chanson réaliste universelle comme Hadji-Lazaro sait en fabriquer. Simple. Belle. Engagée. A son image d’homme-orchestre trublion. 

Rue89 Strasbourg : Quels sont les ingrédients de la longévité de Pigalle, plus de trente ans après sa naissance ?

François Hadji-Lazaro : La curiosité, le besoin de créativité. Quand j’enregistre un disque, je le fais tout seul, j’essaie plein de trucs pendant des mois, j’expérimente et je fais aussi d’autres choses en parallèle. Quand je fais de la musique et quand je suis sur scène par exemple, je suis à la fois acteur et metteur en scène, je gère tout. Mais quand je joue dans un film, d’une certaine manière, ça me repose, je me laisse guider par le metteur en scène, je suis au service d’un film, d’un mec qui fait son film. Et là j’applique, je joue un personnage et c’est tout. Tout ça, ça m’aide à créer, à mûrir les idées pour être le plus polyvalent possible.

Cela se vérifie d’ailleurs avec votre maîtrise des instruments. Vous jouez de tout !

Depuis que je fais de la musique, j’en ai généralement une trentaine en studio, mais beaucoup moins sur scène, une petite douzaine, avec un porte-instruments spécialement fabriqué, qui pivote. Il y a des cordes, un clavier, une manivelle, une vielle à roue, des accordéons, une cornemuse, une pipa chinoise. Mais là, ce qui me plaît beaucoup en ce moment, c’est la guitare portugaise. C’est ma dernière découverte, mon dernier coup de cœur instrumental. Ça fait quatre-cinq ans que je la tripote mais là, j’en joue vraiment sur scène.

« Avec Pigalle, il y a un univers musical »

Quelle est la différence entre Pigalle et François Hadji-Lazaro ?

J’ai toujours cherché la diversité musicale, les influences diverses et variées. Ça me nourrit et ça me motive, ça me pousse à aller vers d’autres styles, à creuser. Par exemple, avec le groupe Pigalle, l’idée de départ – qui existe toujours aujourd’hui -, c’est plus une notion d’ambiance musicale, d’univers à part entière, pour entrer dans une histoire et parler de personnages du quotidien. C’est ce qu’on appelle la chanson réaliste. Avec les Garçons Bouchers, on était plus dans la provoc’, avec un son saturé, un humour déglingué et barré. Avec Los Carayos, c’était différent, le groupe existait avant moi, il y avait déjà Manu Chao et Antoine Chao, Schultz, Alain Wampas. J’ai apporté une touche folk avec mes instruments. Et puis quand je suis en solo, en tant que François Hadji-Lazaro, je travaille surtout sur des mélodies et sur les mots. Sinon, je m’ennuie ! D’ailleurs, c’était la même démarche avec notre disque pour les enfants (Ma tata, mon pingouin, Gérard et les autres, en 2011) et la tournée qui a suivi.

Toute cette diversité, on en fait le constat dans votre évolution au fil des ans, avec vos groupes et durant votre carrière en solo. Il y a aussi eu l’aventure Boucherie Productions

Pessimistes et efficaces, c’était notre slogan à Boucherie. Ça veut dire qu’on voyait le monde tel qu’il était mais qu’il fallait se bouger le cul pour construire des choses. Et il faut continuer à le faire ! Aujourd’hui, les démarches individuelles font peur, il faut donc que les démarches solidaires perdurent, d’autant que la politique générale culturelle s’inscrit dans un manque d’ouverture criant, dans l’uniformisation avec les grands festivals de musique par exemple. Avec Boucherie Prod, à la base, on nous donnait trois ans de vie et au final, on a sorti des centaines de disques. Et si on a réussi à faire ça, c’est parce qu’on a toujours refusé le compromis.

La démarche artistique était donc aussi très politique pour aller à l’encontre d’une industrie du disque où l’artiste est considéré comme un produit, comme une marque qui doit toucher un maximum de public. On a certes réussi à toucher des gens très différents, ça a permis de faire un peu bouger les choses, mais pas assez, car on était relativement seuls. On s’est vite rendu compte qu’avec de l’autoproduction, tu ne peux que vivoter et donner un coup de main aux copains, pas vraiment t’inscrire dans une démarche à plus grande échelle.

« Ce qui prévaut chez les gens aujourd’hui, c’est le survie »

Comment voyez-vous votre évolution au fil des ans, par rapport à la société et au regard de votre engagement ?

Aujourd’hui, on est dans un système où les gens n’ont pas de thunes, et ce qui prévaut, c’est avant tout la survie. Mais notre démarche n’a pas dévié en trente ans : on touche trois générations aujourd’hui, on veut rester accessible au plus grand nombre et on revendique le droit à la différence, dans la vision musicale, la vision artistique, la vision politique. Du coup, j’en ai rien à foutre des étiquettes ! On est Pigalle et c’est pour ça qu’on existe, c’est pour ça que des gens nous aiment et que d’autres nous détestent ou restent indifférents. D’ailleurs, j’ai toujours été communiste et je vote communiste, je l’assume.

Est-ce cet engagement qui vous fait tenir depuis tant d’années ? Y a-t-il d’autres ingrédients ?

C’est évidemment cette flamme de révolte et d’indignation qui est mon moteur. C’est essentiel, c’est vital ! Mais en Alsace, je dois dire que c’est aussi grâce à la brasserie Meteor, grâce au riesling (ndlr, il éclate de rire), et de manière générale, grâce à la bonne bouffe et aux vins naturels. Être en tournée, c’est bien sûr l’occasion de découvrir les paysages de la France et de voir les potes éparpillés aux quatre coins du pays. Rien que ça, c’est déjà super ! On ne s’en lasse jamais.

Mais les tournées, c’est parfait pour aller voir les vignerons et goûter à la gastronomie des régions. Par exemple, j’adore faire la cuisine. Pour moi, c’est comme jouer d’un instrument, c’est un acte artisanal et créatif. Les chefs doivent suivre et composer avec les saisons. Les vignerons sortent un produit de la terre, eux aussi, et ensuite, ils l’accompagnent à la cave, avec amour, sans mettre tout un tas de produits chimiques. Moi, quand je suis sur scène, seul ou avec un groupe, c’est identique. Ca vient du cœur et c’est naturel ! Alors imaginez ce que ça donnera le 2 mai au Molodoï… On va retrouver Schultz (ndlr, le pilier de Parabellum) et aussi les Washington DC. C’est super ! Et surtout, ça va confirmer que même après 25 ans, ils ne savent toujours pas jouer. Mais bon, faut bien soutenir les vieux !

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