Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

Ils ont grandi avec l’euro mais ignorent la date des élections européennes

Seulement 30% des jeunes entre 18 et 30 ans selon un sondage d’Eurobaromètre sont certains d’aller voter dimanche ! Pas tellement par euroscepticisme, c’est juste qu’ils s’en foutent. Pourtant, les jeunes sont choyés par l’Europe, qui leur dédie une part importante de son budget dans la formation et les programmes d’accompagnement. Du coup, de nombreuses campagnes publicitaires ont été lancées pour les faire changer d’avis, avec plus ou moins de bonheur.

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Cécilia (à gauche) autour d'un verre avec ses amis strasbourgeois / JR

La campagne des Jeunes Européens en Isère, voter, c'est sexy.
La campagne des Jeunes Européens en Isère, voter, c’est sexy.

Comment motiver les jeunes d’aller voter aux élections européennes dimanche ? Les Jeunes Européens, en Isère, n’hésitent pas à faire appel au sexe (voir ci-dessus) : « Ne cache pas ton envie d’Europe » dit l’affiche, et déshabille toi, allez hop. La génération Erasmus est intenable mais cette démarche suffira-t-elle à améliorer les scores de participation des jeunes ? Pas sûr. Eurobaromètre prévoit un taux de participation entre 30 et 40% chez les moins de 30 ans (PDF)…

De son côté, le Centre d’Information sur les Institutions européennes (CIIE) a aussi tenté de sensibiliser les jeunes en allant les voir, directement auprès d’une quarantaine d’établissements scolaires alsaciens. Olivier Singer, chargé de mission au CIIE, a pu mesurer le fossé qui sépare les jeunes des institutions européennes :

« Nous avons rencontré des jeunes en service civique qui ne connaissaient même pas la date des élections, c’est tout à fait dramatique. On peut difficilement l’expliquer. Il y a eu deux campagnes électorales en quelques mois et les européennes sont passées plus ou moins inaperçues. Les jeunes ne se reconnaissent pas dans les candidats, ils ne se sentent pas représentés. Et pourtant, il y a des thèmes qui les touchent particulièrement : dès qu’ils passent les frontières, ils se rendent compte de l’existence de l’Europe… Je pense que l’Europe vit sur des acquis et les choses positives, on en parle pas assez. »

Le CIIE a aussi tenté de populariser l’idée du vote avec un concours photo et vidéo. Et la vidéo gagnante, c’est celle là :

Bon, on est encore loin du gros buzz danois, un brin plus… « punchy » :

Cécilia : « Que l’Europe nous soutienne ! »

Cécilia 23 ans (à gauche) autour d'un verre avec ses amis strasbourgeois (Photos JR / Rue89 Strasbourg)
Cécilia 23 ans (à gauche) autour d’un verre avec ses amis strasbourgeois (Photos JR / Rue89 Strasbourg)

Il est 16h, la température est douce, le soleil illumine les terrasses du centre-ville de Strasbourg, un moment idéal pour boire un verre entre copains. Cécilia, 23 ans a rejoint ses amis, Lou 23 ans, Hadrien, 22 ans, et Marion, 18 ans. Après avoir échangé les potins de la journée, cette dernière lance un pavé sur la table : «Irez-vous voter pour les européennes ?».

Réponse de Lou : « Quel est l’intérêt ? Mon vote ne changera rien… » Hadrien rajoute : « De toutes manières, je ne crois plus en la politique ». Cécilia détient un Deust en médiation citoyenne, ce diplôme aborde, entres autres, les profondes transformations affectant la société européenne au cours des dernières décennies… Malgré des études à forte dimension européenne, elle avoue, gênée, ne même pas connaître la date fatidique des élections, ni Lou, ni Marion, ni Hadrien ne pourront lui donner cette date (indice, c’est dimanche).

Cécilia explique :

« Si on en avait pas discuté ensemble, je ne me serais même pas posé la question d’aller voter ou non. Pour une simple raison, aujourd’hui je ne crois plus en la politique nationale, alors comment croire ou s’intéresser à une politique européenne? Je suis allée voter pour les élections municipales car il s’agit de projets concrets pour la ville qui m’intéressent davantage. Mais je n’ai pas la sensation que je devrais me poser des questions sur les projets européens. J’aimerais m’y intéresser, pour défendre des intérêts qui dépassent le cadre local ou national, mais qui nous y encourage? Personne. S’il y a bien une chose qui me tiendrait à cœur au niveau européen, c’est que l’UE soutienne financièrement ses jeunes et leurs projets, autant les projets étudiants que professionnels ! Aujourd’hui, on doit avant tout se battre afin de survivre financièrement, au lieu de développer ses idées. »

Et pourtant, l’UE finance de nombreux programmes qui concernent directement les jeunes, citons le plus célèbre d’entre eux, Erasmus. 3,1 milliards d’euros pour 2007-2013 quand même, avec l’ambition de porter ce budget à 19 milliards  pour 2014-2020 ! L’ingratitude des jeunes…

Maria, entourée d’Européens, n’ira pas voter

Maria 18 ans, étudiante en première année de droit, elle réside en cité universitaire / JR
Maria 18 ans, étudiante en première année de droit, elle réside en cité universitaire  (Photo JR / Rue89 Strasbourg)

Maria est originaire de Sélestat, à 18 ans, elle est en première année de droit à l’Université de Strasbourg. Installée dans une petite chambre de 10 m², pas plus, au cœur de la cité universitaire Paul Appell à Strasbourg, elle révise ses partiels :

« Dans ma Cité U, la moitié des étudiants que je croise, sont européens. C’est la seule chose qui me rappelle que grâce à la construction européenne, ils peuvent étudier en France plus facilement. Je partirai aussi peut-être pour mon troisième année, mais rien n’est sûr. »

À 18h30, quelqu’un frappe à sa porte. Mathias et Lilia, tracts tendus à bout de bras, sont des jeunes militants socialistes. En cette fin d’après-midi, ils viennent proposer à Maria, ainsi qu’aux autres étudiants de l’immeuble, d’aller voter dimanche… Mathias :

« On vient porter un message aux étudiants. Le 25 mai, avec un bulletin de vote, ils auront l’occasion d’exprimer leurs opinions, et de faire bouger l’Europe. On leur parle de la mobilité, des projets Erasmus. C’est une chance en Europe de pouvoir bouger en tant qu’étudiant, il faut élargir ce programme aux apprentis et aux jeunes travailleurs. C’est vrai que cette campagne européenne a été peu relayée par les médias, il faut donc aller toquer aux portes ! »

Les jeunes militants, laissent leur tract entre les mains de Maria, et toquent à la porte d’en face. D’après Maria, c’est la première fois qu’on lui apporte des informations sur les élections européennes. Désormais, elle en sait un peu plus mais… ce n’est suffisant pour se faire une opinion, et du coup, elle n’ira pas voter ce dimanche.

Eléna, italienne exilée, a soif d’Europe

Philipe (à gauche) habite en France depuis 3 ans. Il votera aux élections européennes / JR
Philipe (à gauche) habite en France depuis 3 ans. Il votera aux élections européennes en espérant une solution au chômage, en Espagne et ailleurs (Photo JR / Rue89 Strasbourg)

Chevelure blonde, les yeux clairs, Eléna, 25 ans, est italienne. Il est midi quand elle rend visite à son copain, italien lui aussi, Franscesco. Future architecte, elle étudie depuis septembre à l’INSA de Strasbourg grâce à Erasmus. Depuis qu’elle a pris connaissance de la date du vote, pas d’hésitation, elle s’est directement rendue au consulat italien pour faire sa demande de procuration :

« C’est très important pour moi d’aller voter, c’est un droit et un devoir. Je voudrais une Europe plus ouverte, que tous les protocoles contre la pollution soient respectés par chaque pays de l’UE. D’après moi l’Europe est une force, il faut croire en une Europe unie. Je suis italienne, la diversité de chaque pays qui forment l’Europe est une grande richesse, il faut la cultiver. Mais j’ai la sensation que peu de jeunes se sont fait une idée de l’Europe de demain. Je me suis renseignée seule, lors de ma visite au Parlement Européen. Sans cette démarche personnelle, je n’aurai pas pu me construire une opinion. Malheureusement, on en parle très peu entre amis… C’est un sujet qui intéresse peu. »

Philipe votera mais attend de l’Europe une solution au chômage

Franscesco, le petit ami d’Elena, vit dans un appartement boulevard de la Victoire avec Philipe 25 ans, et trois autres colocataires. Décoration aux goûts éclectiques, électroménager de deuxième main, le lieu fait penser à la fameuse auberge espagnole de Cédric Klapisch. Philipe est originaire d’Espagne. Il vit à Strasbourg depuis trois ans. Dans son pays, prés de 55% des jeunes de moins de 25 ans sont au chômage. Philipe pense que pour trouver du travail, il faudra franchir les frontières européennes. Il revendique le droit de vote. Armé de sa carte d’identité, et d’un certificat de naissance afin de prouver qu’il est bien né au sein de l’UE, il a fait une demande de procuration auprès du consulat espagnol.

Exprimer sa voix, c’est la seule chose qui compte :

« C’est important de mettre ce petit bout de papier dans l’urne. Si tout le monde pense que son vote ne vaut rien, ça devient un cercle vicieux, il ne faut pas l’alimenter. Il faut montrer que nous sommes là, nous les jeunes, qu’on donne notre avis. Je voterai pour un parti espagnol de gauche. Certaines affiches dans la rue sont là pour nous interpeller, et pourtant, il n’y a pas vraiment de motivation générale. Les jeunes ne ressentent pas le besoin d’aller voter. Sincèrement, je ne sais même pas, quelle sera la valeur des députés espagnols au sein d’une assemblée européenne, mais je sais qu’il faut se présenter aux urnes, pour la démocratie ! Pour moi, il y a une problématique plus importante que les autres, c’est l’emploi des jeunes. Quels avenirs professionnels aurons nous ? Comment pourrait-on trouver du travail ? En ce moment, en Espagne le chômage chez les jeunes est très important. Nous sommes la génération qui galère pour trouver du travail, l’Europe doit trouver des solutions. »

Laetitia, l’exaltée

Laetitia, 25 ans, est une citoyenne européenne convaincue.
Laetitia, 25 ans, est une citoyenne européenne convaincue.

Depuis quelques semaines, Laetitia 25 ans, gare son vélo, devant la Cour Européenne des droits de l’Homme, ce bâtiment qui ressemble à un gigantesque paquebot ! Elle a été prise en stage dans le département des relations publiques. Étudiante en droit, elle se sent très concernée par les relations internationales et le développement de l’Europe, elle y voit son avenir. Inutile de préciser, qu’elle sera au bureau de vote dimanche, dès la première heure. Joviale, cette européenne convaincue remarque souvent que peu de ses camarades sont au courant du déroulé des élections :

« Je trouve ça dommage, l’Europe est notre avenir. Au sein de la Cour, on croise des européens en permanence, et chaque jour j’apprends de nouvelles choses. C’est une véritable ouverture d’esprit. Hier encore, je déjeunais avec une Suédoise, j’ai appris qu’en Finlande, une partie du pays parlais suédois, ce que je ne savais pas du tout ! On a peut-être le même âge, mais pas du tout la même culture, encore moins la même éducation. C’est une véritable richesse. L’Europe, c’est être unis dans la diversité. Cependant, ces élections me font un peu peur, voyant les partis extrémistes prendre du poids dans pas mal de pays européens. Je trouve ça triste, un tel désintérêt pour ces élections. Je crains l’abstentionnisme qui donnerait du poids aux partis extrémistes. Les jeunes profitent chaque jour de l’Europe. Pouvoir aller s’offrir une glace à Kehl, sans contrôle d’identité à la frontière, sans devoir changer de monnaie…C’est aussi ça l’Europe. Les jeunes l’oublient vite. Dès que je peux, je motive mes amis, mes proches, mes camarades pour qu’ils aillent voter ! »

Aux dernières nouvelles, Laetitia a conservé tous ses amis. Ouf.


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