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L’ancienne direction de Coop Alsace visée par deux plaintes pour abus de biens sociaux

La direction de Coop Alsace a déposé une plainte pour abus de biens sociaux auprès du procureur de la République de Strasbourg, elle cherche à savoir comment plus de trois millions d’euros de l’entreprise ont servi à financer une centaine de transactions de départs au début de l’année. Le syndicat Force ouvrière a fait de même, il reproche à l’ancienne direction d’avoir livré des secrets de fabrication à un concurrent et d’avoir augmenté les salaires de certains cadres dans des proportions incompatibles avec la situation de l’entreprise.

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L'ancien président de Coop Alsace, Christian Duvillet, est visé par les plaintes déposées (Photo PF / Rue89 Strasbourg / cc)

L'ancien président de Coop Alsace, Christian Duvillet, est visé par les plaintes déposées (Photo PF / Rue89 Strasbourg / cc)
L’ancien président de Coop Alsace, Christian Duvillet, est visé par les plaintes déposées (Photo PF / Rue89 Strasbourg / cc)

Fin avril, on amène un parapheur à Henri Ancel, tout fraîchement nommé PDG de Coop Alsace. Il doit signer des conventions de départ de quelques salariés, que l’ancienne direction menée par Christian Duvillet n’avait pas eu le temps de finaliser. Après trois plans sociaux, il n’y a rien d’anormal et Henri Ancel jette rapidement un œil aux montants des transactions… L’une d’elle dépasse les 80 000€. Pas mal pour une indemnité supra-légale, c’est à dire en sus de celles qui sont dues par l’entreprise lorsqu’elle met fin à un contrat de travail. Il s’intéresse alors au texte qui accompagne le montant : il s’agirait d’indemniser 23 mois d’heures supplémentaires non-payées !

Henri Ancel s’arrête, et relit tous les documents : tous affichent le même texte relatif à des heures supplémentaires non payées, fautes d’orthographes comprises, avec pour certains des volumes allant jusqu’à 96 mois ! Il fait la somme des transactions qu’il reste à payer : Coop Alsace doit sortir plus d’un million d’euros. Henri Ancel bloque tout et entame sa petite enquête :

« Au final, ces transactions invoquant des heures supplémentaires non payées sont toutes identiques, on en a retrouvé près d’une centaine pour un montant total de plus de 3,8 millions d’euros, signées entre décembre 2013 et avril 2014. Une somme qui s’ajoute évidemment aux montants payés aux salariés dans le cadre des plans de sauvegarde de l’emploi et des parachutes de l’ancienne direction. Personne n’a prévenu le conseil d’administration de l’ampleur de ces transactions. J’ai bloqué celles qui n’avaient pas été payées et j’ai dû souscrire un nouvel emprunt d’1,5 million d’euros pour éviter la banqueroute à Coop Alsace. Et j’ai demandé que les décomptes mensuels des heures supplémentaires soient produits. »

Mais ce  n’est pas tout. Sur certaines transactions, les dates manquent ou sont postérieures au départ des membres de l’ancienne direction. Les motifs de charge de travail supplémentaires sont très vagues ou parfois simplement manquants. Quant aux registres des heures supplémentaires effectuées, ils n’ont pas été retrouvés. Pour Henri Ancel, c’est clair, certaines déclarations sont tout simplement fausses.

Une fois l’ensemble des documents regroupés, Henri Ancel a porté plainte auprès du procureur de la République de Strasbourg pour faux en écriture et abus de biens sociaux début juillet. De son côté, le commissaire aux comptes de Coop Alsace a fait un signalement auprès du Parquet pour les mêmes faits. Il appartient désormais au procureur de décider des suites à donner à cette affaire.

Extrait d'un document compilant les salaires à Coop Alsace (doc remis)
Extrait d’un document compilant les salaires à Coop Alsace (doc remis)

Force ouvrière gardien de la knack Coop

Parmi les transactions en cause, on trouve celles d’anciens représentants du personnel. Mais pas ceux élus sur les listes Force ouvrière. Ces derniers ont aussi mené leur petite enquête auprès de la direction des ressources humaines de Coop Alsace et constaté que des augmentations généreuses avaient été accordées à une vingtaine de salariés. Ils ont détecté que certains cadres avaient vu leurs salaires parfois multipliés par deux, voire plus, alors que l’entreprise connaissait de sérieuses difficultés et que les fonctions de ces salariés n’avaient pas été modifiées substantiellement…

Ainsi un chef d’entrepôt, payé 3 500 € en mai 2012, émarge en avril 2013 à 5 200€, un superviseur passe de 3 800€ à 6 200€, une gestionnaire du personnel, chargée de paies, passe en un an de 1 827€ à 3 600€, etc.

Que cachent ces surprenantes et très sélectives augmentations ? Pour le savoir, Force ouvrière a également porté plainte auprès du procureur de la République pour mise en péril de l’entreprise et abus de biens sociaux en juillet. En outre, Force ouvrière reproche à l’ancienne direction d’avoir systématiquement tenu à l’écart le comité d’entreprise de ces augmentations de salaires. Le syndicat attaque donc avec un troisième motif, le délit d’entrave au comité d’entreprise prévu par le code du travail.

Et le syndicat a un autre grief vis à vis de l’ancienne direction de Coop Alsace. Elle s’est procuré des documents qui prouvent que les recettes de fabrication des produits de la charcuterie Coop, dont les fameuses saucisses campagne ail ronde, le boudin aux châtaignes, etc. ont été transmis à l’industriel Pierre Schmitt, un temps intéressé pour reprendre la boucherie Coop. Il s’agissait du fameux « projet knack ». Mais les négociations ne sont pas allées très loin et Pierre Schmitt s’est vite retiré des négociations… La boucherie Coop devrait être reprise par Copvial.

Mais pour Force ouvrière, avoir transmis des secrets de fabrication à un concurrent, avant même qu’une lettre d’intention ait été signée par l’éventuel acquéreur, est une violation du secret professionnel. Le syndicat a porté plainte pour ce motif également.

Christian Duvillet, ancien président de Coop Alsace et visé par l’ensemble de ces plaintes, n’a pas souhaité apporter de commentaires. Sur les transactions, il précise simplement que plus de 700 ont été négociées.

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