Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

Le Vélhop plait un peu trop, la CUS dépassée et à court d’idée

Pour louer un vélhop en longue durée à Strasbourg, il faut compter un à trois mois. La qualité et le prix du système ont créé en quatre ans une attente inespérée, mais cela a un coût. Aujourd’hui dépassé par son succès, le vélhop ne sait plus comment satisfaire tout le monde.

Cet article est en accès libre. Pour soutenir Rue89 Strasbourg, abonnez-vous.

Tous les vélos en stock sont réservés pour les locations courte durée (Photo JFG / Rue89 Strasbourg / cc)

Tous les vélos en stock sont réservés pour les locations courte durée (Photo JFG / Rue89 Strasbourg / cc)
Tous les vélos en stock sont réservés pour les locations courte durée (Photo JFG / Rue89 Strasbourg / cc)

À la station du centre-ville de Strasbourg, ils sont 525, au boulevard de la Victoire plus de 400. Malgré l’hiver qui approche, les listes d’attentes des stations Vélhop ne désemplissent pas, bien au contraire. Dans les deux, un temps d’attente « d’un 1 mois et demi, voire deux ou trois mois », souffle une chargée d’accueil, un brin fataliste. On y apprend aussi que dans les boutiques à la gare, à Koenigshoffen et à Schiltigheim, le roulement est plus rapide. Au téléphone, ces magasins indiquent qu’il faut patienter entre 3 semaines (à Schiltigheim) et 6 semaines maximum (à la gare). Un peu mieux.

Après une première année timide, suivie par une offre bien moins chère, notamment envers les étudiants (40€ pour 10 mois), l’efficacité du système strasbourgeois de location de vélos de longue durée est connue de tous. Le bouche-à-oreilles a fonctionné. Tellement bien que dans « la ville du vélo », mettre la main sur un vélo vert relève presque du chemin de croix. Ironique.

https://twitter.com/thomas_hde/status/522756229941436416

Un succès qui a dépassé les prévisions

Car le nombre de Vélhop disponibles est volontairement gardé stable par la CUS, qui finance le dispositif à hauteur de 1,3 million d’euros par an. Le conseiller communautaire délégué aux modes de déplacement actifs, Jean-Baptiste Gernet (PS), reconnait que le service n’intéresse pas forcément que les usagers qui étaient ciblés au départ :

« L’objectif du service est de mettre le plus de personnes possibles sur un vélo, notamment ceux qui n’en avaient pas l’habitude. Il est vrai que le service n’a pas été conçu pour que les personnes se servent d’un Vélhop pendant 3 ans, 5 ans, 10 ans de suite… »

Pourtant, c’est ce qui est entrain de se passer. Même à 80€ par an en plein tarif, certains Strasbourgeois cyclistes réguliers ont estimé qu’il était plus intéressant pour eux de louer un vélo tout équipé, avec cadenas et panier, plutôt que de retaper un vieux biclou. Les éclairages solides (souvent cassés, perdus, tombés, volés, à bout de pile au bout d’un an sur un vélo personnel), les mécanismes qui empêchent de se faire voler la selle et les roues, l’assurance d’avoir un nouveau vélo tous les trois mois, attirent les habitués de la petite reine. Pour les étudiants, le calcul est encore plus simple. Rentable pour le particulier, moins pour la collectivité.

Faire payer le vrai prix aux usagers ?

Alors que faire ? Certains usager se disent « prêts à payer plus, mais pour avoir le vélo tout de suite, pas dans un mois ». Pour Jean-Baptiste Gernet, cela se passe déjà de manière détournée :

« Certains étudiants ont pris le tarif annuel (65€ pour 12 mois pour les moins de 26 ans)  dès leur arrivée plutôt que d’attendre de recevoir leur carte étudiante pour bénéficier de l’offre à 40€ qui leur est destinée et être sûr de bénéficier d’un vélo. »

Dans les boutiques, certains clients proposent aussi de rajouter un petit pourboire pour passer devant tout le monde, mais les employés restent intraitables.

Le vrai coût ? Proche de 270€ par an

Mais une hausse des prix, c’est restreindre l’accès de ce mode de déplacement aux plus modestes. La piste ne semble pas à l’étude, du moins d’une manière généralisée. Si la CUS et la CTS voulaient gagner de l’argent, le service n’aurait plus grand-chose d’attractif. La subvention annuelle de la CUS à la société Strasbourg mobilité, filiale de la CTS qui gère le système, étant de 1,3 millions d’euros pour 4 800 vélos (525 aux bornes et le reste en boutique), le « coût » annuel d’un Vélhop peut s’estimer à 270€ par an. Les recettes des locations doivent permettre à Strasbourg mobilité d’être à l’équilibre.

Et la somme ne prend pas en compte l’achat, dont le prix reste d’ailleurs assez énigmatique. Les 525€ demandés en cas de non-restitution de vélo sans dépôt de plainte pour vol semblent l’estimation la plus proche du prix. Relativement cher par rapport à ce que l’on peut trouver dans le commerce, mais sa robustesse ou son système de cardan, c’est-à-dire l’absence de chaîne ce qui empêche tout déraillement, ont leur prix.

Une subvention qui coûte beaucoup trop diront certains, mais bien faible si on la compare aux 41 millions d’euros dépensés pour les 16 nouvelles rames de tramway. Julien Cavadi, responsable technique et SAV pour la société Smoove qui fournit le système de location aux bornes à Strasbourg, confirme :

« Quel que soit le service de transport privilégié, le développement du vélo est toujours moins cher que celui de la voiture partagée ou les transports en commun. C’est entre autres pour cette raison que de plus en plus de villes développent ce mode de déplacement. »

Ajouter de la publicité ?

À Paris avec le Velib’ et Lyon avec le Velov’, c’est un échange avec la société d’affichage publicitaires JC Decaux qui avait été mis en place. L’entreprise prend en charge l’exploitation du système et en échange elle récolte le jackpot sur les panneaux d’affichages publicitaires. À Strasbourg, rien de tout cela. Maintenant que le système fonctionne, est-il pour autant question de rajouter un peu de publicité sur les vélos pour permettre de financer de nouveaux vélos ou de nouvelles boutiques ?

Là encore, la piste n’est pas à l’étude pour Jean-Baptiste Gernet :

« Nous avons une volonté de modérer la présence publicitaire dans l’espace public. Cela ne veut pas dire interdire tout affichage de publicité, mais il y a des endroits que l’on souhaite préserver. Les Vélhop ne sont pas l’endroit pour faire de la pub. De même, déléguer le service à une entreprise privée, dont le vélo n’est pas l’activité principale, implique des “coûts cachés”, comme l’implantation de bornes à certains endroits ou l’aménagements d’espaces qui sont à la charge de la collectivité. »

L’économiste Frédéric Héran à l’Université de Lille indique qu’en effet 80% des coûts des systèmes de vélos partagés seraient supportés par la collectivité, sans parler des hausses de tarifs pour se renflouer. Le Vélhop n’est donc pas prêt de vendre jusqu’à son nom, comme Citibike à New York acheté par Citibank qui s’est ainsi offert une visibilité exceptionnelle à moindre frais.

L’objectif annoncé ? Diversifier l’offre

Alors quelle stratégie pour le Vélhop ? De nouveaux achats pour absorber la demande ne sont pas à l’ordre du jour. « Peut-être à la rentrée prochaine », indique, sans promettre, Jean-Baptiste Gernet. Comme il y a deux ans, les entreprises sont la nouvelle cible, avec des services de plus haut de gamme, plus personnalisés et avec plus de services, parfois sur place. Peut-être une manière de désengorger les boutiques où près de 1 000 étudiants se sont pressés à la rentrée.

Les responsables aimeraient aussi que les stations de location fonctionnent plus, mais le fait de devoir le rapporter au même endroit, un choix qui permet de diviser par 4 le coût par vélo par rapport à la possibilité de le laisser dans n’importe quelle station, reste un frein pour les usagers, surtout qu’il n’y a que 16 bornes dans toute la CUS. L’élu communautaire précise les objectifs à court termes :

« Nous cherchons à diversifier l’offre avec les vélos-cargo, les vélos électriques ou ceux avec un siège bébé. Ce sont des manières d’attirer de nouveau publics vers le vélo. »

Mais ces nouveaux véhicules restent pour l’instant très discrets, seuls 15 vélos électriques sont disponibles sur la CUS, 10 tandems et un seul cargo dit « T-box ». Ces gadgets trouveront sûrement leur public, mais s’il s’agit de pédaler rapidement, mieux vaut se rendre chez le marchand de cycles, car les listes d’attentes ne devraient pas désemplir.

Aller plus loin

Sur Rue89 Strasbourg : Vel’hop: je suis 115° sur liste d’attente

Sur I bike Strasbourg : I bike Strasbourg teste le Vel’hop électrique


#Société

Activez les notifications pour être alerté des nouveaux articles publiés en lien avec ce sujet.

Voir tous les articles

Autres mots-clés :

Plus d'options