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Comment la droite a géré le Département du Bas-Rhin

Les électeurs sont appelés aux urnes les dimanches 22 et 29 mars pour choisir leurs représentants au département du Bas-Rhin. Même les candidats ne savent quel sera leur périmètre d’action, alors la plupart font campagne sur le thème de « la bonne gestion ». Impôts, dette, budget, investissement, personnel… Rue89 Strasbourg s’est plongé dans les comptes depuis 2008.

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Comment la droite a géré le Département du Bas-Rhin

Le bâtiment du conseil général du Bas-Rhin à Strasbourg (Photo J-N Strasbourg / FlickR / CC)
Le bâtiment du conseil général du Bas-Rhin à Strasbourg (Photo J-N Strasbourg / FlickR / CC)

Une page se tourne au Département du Bas-Rhin. Président entre 2008 et 2015, Guy-Dominique Kennel (UMP) ne se représente pas, après avoir été élu sénateur en septembre 2014. Rue89 Strasbourg dresse un bilan chiffré de sa présidence : dette, budget de fonctionnement, taux d’imposition… Puisque les compétences à venir du Département sont inconnues, voici comment la droite a géré l’argent des contribuables bas-rhinois entre 2008 et 2014.

Budget global et investissement

Après un pic en 2011, le budget global de la collectivité a diminué de 55,694 millions d’euros, soit 4,48% en deux ans. Cette baisse s’est d’abord répercutée sur les investissements, qui ont diminué suite à un « plan de relance » décidé par Guy-Dominique Kennel en 2009, puis sur les frais liés à la dette à partir de 2011 (voir section dette pour plus de détails). Le budget de fonctionnement, qui comprend celui de l’administration, mais surtout la réalisation des missions du Département a continué d’augmenter (+ 35,147 millions d’euros soit  3,8% les deux dernières années).

Au cabinet du président, on réfute l’idée d’un rétrécissement des moyens d’action de la collectivité :

« La baisse du montant global s’explique par la diminution d’opérations d’ordre et financières, mais les dépenses augmentent. Après le pic d’investissement de 2009 (275 millions d’euros), on est revenu à partir de 2010 à des niveaux plus proches de l’avant-crise, à savoir 210 millions d’euros en moyenne par an (222 M€ en 2010). Le budget est très contraignant. Si un poste de dépense est modifié, les autres sont affectés. »

Sources de revenus modifiées

Après 2011, les sources de revenus sont devenues aléatoires et déconnectées (pas toujours proportionnelles) de la progression régulière du budget de fonctionnement. Cette incertitude a mené à une baisse des recettes en 2013, alors que le budget de fonctionnement continuait d’augmenter.

Une situation que déplore Guy-Dominique Kennel :

« Nous ne maîtrisions que 16 à 18% de nos ressources, alors que 90% des dépenses sont contraintes. Je le dis sans faire de politique. La décision de Nicolas Sarkozy en 2010 de remplacer la taxe professionnelle par la contribution économique territoriale, fixée par l’État, a participé à cette perte de contrôle. »

Ces données ne prennent pas compte du recouvrement sur tiers, des droits d’entrée des établissements culturels et des multiples petites recettes qui permettent au budget hors investissement d’être légèrement excédentaire. Contrairement à l’État, les collectivités territoriales n’ont pas le droit d’emprunter pour financer leur budget de fonctionnement. Mais pour l’investissement en revanche, l’emprunt est l’option choisie comme on l’explique au cabinet du président :

« Avec la baisse des recettes, l’épargne, c’est-à-dire l’écart entre recettes et dépenses de fonctionnement, a diminué. Cette situation a rendu nécessaire un recours à la dette pour financer les dépenses d’investissement qui sont demeurées à un niveau élevé. »

Le chambardement de la fiscalité

Depuis 2011, le seul taux d’imposition sur lequel les départements ont encore le droit de décider (contre 4 auparavant) est la taxe sur le foncier bâti (TFB). Dans le Bas-Rhin, il est de 11,6%, soit le 5ème plus bas de France. Ce taux a été maintenu pour l’année 2014.

Les autres impôts sont reversés par l’État ou les autres collectivités territoriales. 2011 coïncide avec une grande perte de revenus fiscaux directs pour le Département. Mais ces recettes ont été compensées par d’autres, suite à la réforme de l’impôt… jusqu’en 2013 (voir graphique de la section « sources de revenus »). Avec les changements de sources de financement, il est difficile d’avoir une lecture approfondie de la temps de la fiscalité bas-rhinoise.

Au cabinet de Guy-Dominique Kennel, on avoue que 2014 a créé une nouvelle situation :

« La réforme fiscale de 2010 a profondément bouleversé la répartition entre les différentes catégories de recettes. Après 2010, les recettes continuaient de croître même si elles augmentaient à un rythme chaque année plus faible que l’année précédente. 2014 est la 1ère année où l’ensemble des recettes a été en baisse. »

On remarque cependant que depuis 2007,  la taxe sur la foncier bâti (TFB) a augmenté de 3,5 points dans le Bas-Rhin contre 1,4 points en moyenne dans le reste de la France.

« La dernière hausse faite par le Département est celle de 2013 (+2,9 point). Cette année-là, la hausse de la TFB a servi à « boucler » le budget alors qu’en parallèle des baisses de dépenses étaient faites (baisse de crédits aux associations, maîtrise forte des dépenses internes). Le taux est resté bas parce que le Département, comme de nombreuses collectivités alsaciennes, a des dépenses par habitant plus faibles que la moyenne, notamment parce que le nombre de fonctionnaires est plus faible qu’ailleurs. Une gestion rigoureuse a permis de ne pas augmenter les impôts en 2014. »

Dette en hausse, mais taux d’intérêts plus favorables

La dette du Bas-Rhin a augmenté de 52% entre 2008 et 2013. En revanche, le montant des remboursements a baissé, grâce à des taux d’intérêts plus faibles. En 2011, Guy-Dominique Kennel a décidé de faire noter par des agences l’endettement du Département et revu la politique d’emprunts (voir explications du Département ci-dessous).

En décembre 2014, l’agence Standard’s and Poor a abaissée cette note  de “AA-/stable/A-+” à “A+/stable/A-1” (sic). L’organisme, qui a dégradé sept autres départements français, prédit une augmentation des dépenses obligatoires (60% du budget de fonctionnement dans le Bas-Rhin), confrontée à une baisse des dotations de l’État. L’agence Fitch avait dressé un constat similaire en juin 2014.

Au cabinet du président, on défend évidemment les choix financiers :

« Le remboursement du capital de la dette a augmenté chaque année. Les frais financiers, eux, ont beaucoup moins augmenté (+11% alors que le stock de dette augmentait dans la même période de 20%), parce que les taux ont baissé et que le Département a fait de bons choix dans sa gestion de la dette : le Département a emprunté beaucoup de variables dont les taux étaient bas, il a eu recours à des emprunts nouveaux (Schuldschein ou prêts avec reconnaissance de dette) qui présentaient des taux plus intéressants que les emprunts classiques, et il a été emprunté sur les marchés financiers (emprunts dits obligataires) qui présentent là aussi des taux bas. Aujourd’hui, on analyse que la baisse de la note ne pénalisera pas trop le Département. Il faut néanmoins rester vigilants. »

Le personnel, un poste désormais « incompressible »

Le budget de personnel a augmenté de 14,2% en 7 ans, quand le budget de fonctionnement a augmenté de 17,6% sur la même période. Cependant la baisse du budget global n’a pas impacté ce poste de dépense en valeur absolue. Guy-Dominique Kennel estime que les dépenses en personnel sont désormais « incompressibles » (voir son bilan plus bas).

Au cabinet du président, on tient à démontrer que la hausse des dépenses de personnel est automatique :

« Un Glissement vieillesse technicité (GVT) de 1,6% par an pendant 7 ans produit à lui seul une hausse de 11,7%. Il faut ensuite rappeler la hausse du point d’indice qui ne s’est arrêtée qu’en 2010, ainsi que toutes les mesures catégorielles prises par l’État qui sont intervenues depuis et qui renchérissent chaque année le coût de la masse salariale. Depuis plusieurs années, les charges sociales augmentent en parallèle. Quand on met bout à bout tous ces effets, on s’aperçoit que le Département a maîtrisé sa masse salariale. »

Guy-Dominique Kennel : « j’assume avec fierté d’avoir mis en place des contrôles sur le RSA »

« Nous avons acheté des bâtiments, pour des économies à long terme »

« Lors de mon mandat, j’ai pu voir la crise financière, puis économique, puis sociale. À mon arrivée en tant que conseiller général il y a 23 ans, les dépenses sociales étaient de 117 millions d’euros. Elles sont de 560 millions d’euros. Et la situation se dégradera jusqu’en 2016. Cela a demandé un effort important pour ce qu’on appelle « le train de vie » et pour nos 3 800 agents. Ce poste de dépense est désormais incompressible. Le budget de la communication a été le plus touché, avec une baisse de près de 20% de son budget entre 2014 et 2015. Nous avons aussi procédé à des achats de bâtiments, là où nous étions locataires avant pour réaliser des économies de long terme. Le Département dépense moins d’énergie avec des ampoules basse consommation ou des locaux mieux isolés. »

« Satisfait d’avoir mené la rénovation du Haut-Koenigsbourg »

« Entre mon arrivée et mon départ le nombre d’abonnements dans les transports en bus entre les villes a augmenté de 27% et la fréquentation de 10%, notamment grâce à la tarification unique à 2€. Le Bas-Rhin est aussi le premier département en piste cyclables. Pour le RSA, j’ai mis en place des contrôles. C’est une mesure que j’assume avec fierté, nous avons 6 contrôleurs et un administrateur, c’est une manière de montrer qu’il n’y a pas de passe-droit ici. Les collèges ont été modernisés. Ces sept années ont aussi vu la rénovation du Haut-Koenigsbourg, la construction du Vaisseau et des archives départementales. Nous avons mis en place le Pass-âge à destination des jeunes et signé notre 5 000e contrat d’insertion récemment. Le Bas-Rhin est aussi un département pionnier dans l’aide à l’autonomie des seniors, avec des services à la personne qui n’existent pas ailleurs. À titre personnel, j’ai été très touché par les 2 800 enfants qui nous sont confiés chaque années dans des états lamentables, avec des membres cassés ou violés. C’est un sujet peu médiatique, mais sur lequel le Département agit. »

« Gardons le Département, cette collectivité de proximité »

« Les collectivités ont besoin de plus d’autonomie et de moins de financements croisés où plus personne n’est responsable des échecs comme des réussites. La future loi sur les collectivités territoriales (loi NOTRe) brouille les cartes et semble donner des compétences aux régions dont l’échelle est trop grande comme le transport routier. Nous sommes le premier partenaire économique des entreprises bas-rhinoise et cette compétence sera aussi supprimée. Avec l’Eurométropole de Strasbourg, il n’est pas clair qui décidera des compétences futures, mais je pense qu’elle est une locomotive et ne peut se passer de ses wagons. Certaines compétences peuvent être transférées, mais pas toutes. Nous avons subi des attaques sur notre utilité, ce qui a beaucoup déstabilisé notre personnel. Le Département est une institution qui accompagne certains collégiens du matin au soir, entre le transport scolaire, la gestion des établissements et le soutien à des associations sportives et culturelles. Il est important de sensibiliser sur l’utilité de cette collectivité et son échelon de proximité. »

Sur le référendum, « est-ce que tout le monde a bien joué le jeu ? »

« Si j’ai un regret dans mon mandat, il est politique. Lors du référendum pour la collectivité unique en 2013, nous sommes passés à côté d’un moment historique. Plutôt que de pointer des responsables, cherchons les explications parmi le personnel politique. Pourquoi n’avons nous pas su convaincre ? Est-ce que tout le monde a joué le jeu ? »


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