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Départementales à Strasbourg : la droite en ballotage défavorable

Le PS est présent au second tour et bien placé pour garder la majorité des sièges strasbourgeois. Mais les alliés autour de Strasbourg disparaissent. Le FN, qualifié sur deux cantons mais pas sur celui espéré, progresse. La droite peine à confirmer, un an après être passé tout près de conquérir la mairie.

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Départementales à Strasbourg : la droite en ballotage défavorable

Le PS favori pour rafler 8 voire 10 des 12 sièges possibles à Strasbourg
Le PS favori pour rafler 8 voire 10 des 12 sièges possibles à Strasbourg

On attendait une élection très difficile pour la gauche, mais les cadres et supporters du PS strasbourgeois sortent soulagés du premier tour de ces élections départementales. Alors que dans le Bas-Rhin, le FN et la droite se disputent le second tour, la capitale alsacienne fait figure d’exception.

Le député PS Philippe Bies, par ailleurs conseiller municipal et très présent lors de cette campagne, explique en partie ce score par une participation plus forte qu’annoncée :

« Une partie de l’électorat de gauche qui était indécis s’est mobilisée. Les déclarations du Premier ministre sur le Front national, semble avoir eu un effet dans les derniers jours, même si ce n’est pas la seule seule solution à apporter. »

Il faut dire que contrairement aux précédentes élections départementales (qui s’appelaient alors cantonales), tous les électeurs étaient appelés aux urnes pour changer l’ensemble de l’assemblée et non juste sa moitié. Comme aux municipales, PS et UMP sont très proches nombre de voix à Strasbourg, même si le PS bénéficie de réserves de voix avec les écologistes, qui ont fait bande à part cette fois-ci.

Comme aux municipales, PS et UMP, au coude à coude en nombre de voix

Le PS quand même présent sur le canton 6

L’objet de toutes les attentions était le canton 6, qui regroupe les quartiers sud. D’après les projections du FN, il devait lui être le plus favorable. Le parti frontiste a envoyé ses deux candidats les plus prometteurs, mais échoue de quelques places. Des critiques s’étaient aussi élevées à droite comme à gauche sur la candidature de Mathieu Cahn dans le centre, alors que ce secteur lui semblait destiné, puisqu’il est adjoint de quartier de la Meinau.

Pour Philippe Bies, le résultat justifie cette stratégie :

« Il fallait prendre des risques et cela a payé. Notre duo qui allie jeunesse et expérience a fait une campagne intense, avec beaucoup de porte-à-porte qui a permis de convaincre, alors que le FN était peu présent. On peut d’ailleurs s’étonner que le FN réclame de la proximité, mais n’est pas sur le terrain. Alors qu’il était au deuxième tour à Neuhof en 2008, il est éliminé de ce secteur. »

La partie semble tout de même difficile pour le PS au second tour avec 14 points de retard sur le duo de conseillers généraux sortants Pascale Jurdant-Pfeiffer (UDI) et Philippe Maurer (UMP).

Le FN « victime » d’Alsace d’Abord

Un cadre du FN, explique la non-qualification du FN par la concurrence sur sa propre droite :

« Nous sommes victimes de la candidature d’Alsace d’Abord qui est un parti qui ne représente plus rien, mais est quand même nuisible avec plus de 5%. C’est une véritable déception, mais qui est contrebalancée par la bonne surprise du canton 2 où l’on devance Jean-Emmanuel Robert de l’UMP. »

Passée la déception de son élimination sur le canton 6, Julia Abraham positive l’ensemble de l’élection pour le FN :

« Je retiens surtout la progression de notre parti à Strasbourg et dans le Bas-Rhin. Même sur le canton 4, nous atteignons les 15%. On part de très loin. Sociologiquement, Strasbourg est une ville plus difficile pour le FN que le reste du département, mais nous ne changerons pas notre programme juste pour y faire plus de voix. Maintenant nous allons faire sur une campagne sur une distribution plus juste des aides sociales. L’abstention défavorise le FN. Nous devons convaincre les personnes dépitées par la politique. Sur le canton 2, on y croit. »

Le parti vise déjà les régionales où le mode de scrutin lui est plus favorable. L’élection départementale lui permet de faire connaître quelques noms.

À gauche du PS, on se satisfait aussi de la stratégie

À la gauche du PS, aussi on se satisfait aussi de la stratégie. Martine Aday et Éric Schultz d’Europe Ecologie Les Verts (EELV) indiquent n’avoir aucun regret d’avoir fait campagne séparée et sont fiers d’avoir proposé une alternative, bien que PS et EELV gouvernent ensemble à Strasbourg. Dans un communiqué, la secrétaire régionale Patricia Guéguen déplore surtout un mode de scrutin où un seul candidat écologiste figure au second tour, dans une triangulaire du Haut-Rhin :

« Ce résultat ne reflète en rien l’investissement de nos candidat-es et le résultat de leur engagement sur le terrain. Nos candidates et candidats totalisent en général entre 9 et 19% des suffrages exprimés, voire 26 à 29% quand ils étaient candidats de large rassemblement dans certains cantons du Haut-Rhin. »

Mais pour l’adjoint au maire Alain Jund (EELV), les bons résultats ne bouleversent pas les équilibres de la majorité strasbourgeoise :

« Nous faisons les mêmes scores qu’en 2011. C’est une élection qui est un peu plus favorable pour notre parti que les municipales. Il y a moins le phénomène de vote utile dès le premier tour. »

Même le Front de gauche est partout au-dessus de 4,2%, avec des pointes à 7% (canton 1) et 7,5% (canton 6), là où il n’avait fait que 3,96% aux municipales.

Le PS favori pour au moins 8 sièges sur 12 à Strasbourg

Aux municipales de 2014, le maintien du Front national au second tour avait torpillé les chances de la droite. Cette fois-ci, il y aura 4 affrontements directs entre UMP et PS.

Pour la droite, peut-être un peu en décalage avec leurs homologues des cantons ruraux, il est difficile de cerner un message d’ensemble. Les candidats restants font campagne sur leurs atouts personnels et les caractéristiques de leur canton.

Geoffroy Lebold, candidat avec Zaza Menad sur le canton 5, joue par exemple la carte de la disponibilité :

« Le redécoupage des cantons n’est pas favorable à la droite. Sur mon canton, les électeurs auront le choix entre quelqu’un qui est déjà adjoint au maire aux Finances, adjoint de quartier, élu à la métropole, président de Gaz de Strasbourg et deux personnes sans autre mandat. »

Un argument que réfute Olivier Bitz :

« La question mérite d’être posée, mais le résultat montre que les électeurs sur le canton m’ont trouvé assez disponible pour voter pour moi. Avoir été adjoint de quartier et conseiller de général m’a permis d’avoir plus de poids sur les quartiers. Il est plus cohérent et efficace que l’adjoint de quartier et le conseiller général soit de la même couleur politique. »

Alors que le PS se refusait à avancer toute ambition ou que Philippe Bies avait évoqué un prudent objectif de « quatre conseillers », le parti socialiste aborde le second tour en bonne position à Strasbourg. Il part avec 8 et 12 points d’avance dans ses deux duels face au FN dans les quartiers ouest. Dans le centre et à l’est, il compte moins d’avance, mais des réserves de voix importantes chez les écologistes voire le front de gauche face à l’UMP. Le parti à la rose est presque assuré d’avoir 8 représentants sur 12 possibles à Strasbourg, avec une élection qui devrait être serrée sur le canton 4, pourtant qualifié de « de droite » par Philippe Bies.

Canton 4 (Robertsau – Wacken -Halles), le plus indécis ?

Le conseiller général sortant, de la Robertsau, Yves Le Tallec, accompagné de François Pfersdorff a rallié le plus de suffrages (35,9%), mais son avance ne lui garanti pas une victoire dimanche 29 mars.

Christel Kohler (sans étiquette, mais sur une liste PS), reconnait que « ce ne sera pas facile », mais croit dans ses chances avec Alain Fontanel qui a fait les comptes :

« Là où Fabienne Keller et François Loos faisaient 50%, Le Tallec n’est qu’à 35,9%. Si l’on exempte le FN à 15%, les seules réserves de voix de l’UMP sont les 5,6% de Bertrand Hirtz, mais qui a aussi fait campagne sur le thème du renouvellement. »

Autre surprise sur ce canton, le duo d’indépendants Lucia d’Apote et Pierre Schweitzer qui a réuni 10,1% des voix. Leurs convictions semblent plus proche du PS que de l’UMP. Lucia D’Apote indique déjà que le binôme soutiendra l’un des partis au second tour.

Lucia d'Apote et Pierre Schweitzer, candidats du Modem aux élections cantonales et municipales (doc remis)
Les indépendants Lucia d’Apote et Pierre Schweitzer ont créé la surprise sur le canton 4. (doc remis)

Un résultat qui justifie la métropole toute puissante ?

Mais dans les autres communes de l’Eurométropole, les deux relais de la majorité strasbourgeoise ont disparu. Les conseillers départementaux sortants, Raphaël Nisand à Schiltigheim et Claude Froehly à Illkirch sont tous deux éjectés avant même le second tour.

Pour le premier adjoint au maire Alain Fontanel, l’écart politique entre Strasbourg et sa périphérie s’accroît :

« Dans le Bas-Rhin et en Alsace, l’UMP et le Front national réalisent des scores plus élevés que dans le reste de la France, alors que Strasbourg résiste mieux à cette tendance qu’ailleurs. Il y a donc un décalage qui s’accroît entre Strasbourg et le reste du département. L’absence du PS en dehors de Strasbourg est un problème auquel il faut que notre parti réfléchisse. »

De là justifier que l’Eurométropole strasbourgeoise doit récupérer les compétences du Département il n’y a qu’un pas. Car d’ici 2017, les Départements français doivent céder une partie au moins de leurs compétences face aux 11 grandes agglomération comme Strasbourg. Les détails ne sont pas connus, mais le parti socialiste strasbourgeois aimerait que, comme à Lyon, une collectivité territoriale unique s’établisse et que le Département administre sur les territoires ruraux.

Alain Fontanel voit dans ces résultats une conséquence de la politique du Département du Bas-Rhin

« Les Strasbourgeois paient des impôts au Département, mais cet argent n’est pas assez réinjecté à Strasbourg. Ce vote vient sanctionner cette politique. Le département dépense de moins en moins à Strasbourg, car s’il y a un transfert des compétences, c’est la moyenne des budgets des trois dernières années qui sera prise en compte. Là où il y a un désaccord avec nos alliés écologistes, c’est que l’Assemblée de l’eurométropole n’est pas directement élue, mais émane des conseils municipaux. Mais en 2020, il y aura deux listes séparées. »

Un thème qui ne manquera de créer de nouveaux débats dans la scène politique locale dans les mois et les années à venir. Avant de se projeter si loin, il y a un second tour à jouer.

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