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Le Strasbourg des anecdotes, au fil de l’eau par Batorama

Comment se présente Strasbourg aux touristes – 1. Voir Strasbourg depuis le niveau de l’Ill, des Ponts Couverts au Parlement européen, c’est le choix de 800 000 touristes chaque année. Comment Batorama leur présente notre ville ? On s’est fondu dans la masse pour le savoir.

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Batorama, 800 000 passagers par an, combien de coups de soleil ? (Photo PF / Rue89 Strasbourg / cc)

Batorama, 800 000 passagers par an, combien de coups de soleil ? (Photo PF / Rue89 Strasbourg / cc)
Batorama, 800 000 passagers par an, combien de coups de soleil ? (Photo PF / Rue89 Strasbourg / cc)

Eux voient Strasbourg d’en bas, nous les voyons plutôt d’en haut, depuis les ponts et les quais : ces armées de touristes, bobs et casquettes vissées sur la tête, qui remplissent les péniches de Batorama depuis le quai Rohan. Ils sont plus de 800 000 chaque année à choisir ce tour de Strasbourg d’une heure et quart, car l’affiche est prometteuse : départ de la cathédrale vers la Petite-France, puis la Neustadt et le Parlement européen comme clou du spectacle !

Un condensé de Strasbourg en somme, pour 12,50€ et accessible à tous, puisque les commentaires audio sont disponibles en 12 langues, dont le coréen, le chinois, l’esperanto… et même l’alsacien.

L’épreuve du billet

Ceux qui n’ont pas commandé leur place sur Internet s’alignent devant la minuscule boutique flottante amarrée au quai Rohan. En période d’affluence, la file d’attente est impressionnante et il faut compter jusqu’à une demi-heure pour atteindre le guichet, ce qui sous le soleil, peut s’avérer une épreuve. Une boutique devrait bientôt ouvrir place de la cathédrale.

Mais qu’importe, un petit tour en bateau mérite bien cet effort. Les équipes de Batorama recommandent de sortir les chapeaux, crèmes solaires de ne pas se séparer de sa bouteille d’eau. Mais une fois à bord, ceux qui ont choisi les bateaux fermés aux larges verrières sont sauvés pas la climatisation.

Après un message d’accueil répété douze fois, le tour de Strasbourg commence avec l’Ancienne Douane et son histoire reconstruite. En silence, tous les passagers tournent la tête à droite, avec une synchronisation qui ferait croire que le spectacle a été travaillé.

Le capitaine Pedro sent bien le bateau, ça passe à tous les coups. (Photo PF / Rue89 Strasbourg / cc)
Le capitaine Pedro sent bien le bateau, ça passe à tous les coups. (Photo PF / Rue89 Strasbourg / cc)

La filière de reclassement du port

Issu d’une famille de marins, le capitaine Thierry Pedro, 48 ans, a près de trente années de navigation sur le Rhin derrière lui. Sa carrière se confond avec l’histoire de la navigation fluviale :

« Au départ, les capitaines de Batorama étaient les fatigués du port. Moi même, j’ai fait 10 ans sur un pousseur. Mais au bout d’un moment, on a eu moins besoin de marins au port et plus chez Batorama. Ça me va, je peux concilier le plaisir de naviguer et ma vie de famille. »

Batorama est opéré par le Port autonome de Strasbourg, Thierry Pedro transporte encore régulièrement du sable ou des conteneurs. Mais là, son principal souci est de faire passer ces bateaux de 130 places dans les minuscules écluses de la Petite France, des manoeuvres qui impressionnent toujours les badauds mais qui sont démystifiées par Thierry Pedro :

« Il n’y a pas de miracle. Un homme qui aime naviguer, il a ça dans le sang, il sent le bateau. C’est tout. »

On n’en saura donc pas plus sur cette capacité qu’ont les capitaines de Batorama à jeter leurs embarcations de 20 mètres de long pour 5 de large dans ces goulets de bois avec une vitesse qui peut paraître bien supérieure à celle que recommanderait la plus élémentaire prudence. Ceci dit, vu de la péniche, des traces laissées sur les pylônes montrent que les capitaines de Batorama ne sont peut-être pas si infaillibles que ça…

Dans les casques, la petite Histoire de Strasbourg

Et voilà le capitaine Pedro qui pousse vers l’avant les leviers ordonnant aux deux moteurs Volvo de mettre à contribution leurs 150 CV pour faire glisser les 25 tonnes de l’embarcation. Clac clac, quelques manipulations qui paraissent mécaniques sur les leviers et la barre et voilà le bateau qui tourne sur lui-même dans le bassin Vauban. On apprend dans les casques que les ponts ont été couverts par la République, non pour protéger les soldats, mais plutôt la poudre.

L’histoire de la commanderie Saint-Jean suit, avec un effort de concision à saluer pour résumer en 20 secondes cinq siècles d’histoire du bâtiment aujourd’hui occupé par l’ENA… Du coup, le commentaire ne s’attarde pas sur les faits historique mais préfère les anecdotes. À l’approche de l’écluse suivante, on apprend qu’un bourreau de Strasbourg a été « décollé » après avoir été convaincu de blasphème mais que ses relations lui ont permis de n’avoir sa langue arrachée qu’après… Charmant.

58 messages à envoyer en douze langues, en 1h15, à 15 km/h. Question : combien de message par kilomètre ? (Photo PF / Rue89 Strasbourg / cc)
58 messages à envoyer en douze langues, en 1h15, à 15 km/h. Question : combien de message par kilomètre ? (Photo PF / Rue89 Strasbourg / cc)

Qui lance ces petits coups de projecteurs sonores sur Strasbourg ? C’est encore le capitaine Pedro, grâce à un petit boitier placé près des commandes. Impossible de les lancer automatiquement, en fonction de la position du bateau ou du temps écoulé, c’est donc à lui que revient la charge de lancer les 58 entrées sonores qui jalonnent le parcours.

C’est calme, trop calme

Aucun problème pour lui :

« Avant, les messages étaient plus courts et moins nombreux, parce qu’ils étaient retransmis par des haut-parleurs en trois langues. Avec les casques, tout a changé, c’est bien plus calme. »

Peut-être même un peu trop calme. Un coup d’oeil dans l’assistance révèle une foule qui semble suivre un cours de langue. Avec leurs casques sur les oreilles, les passagers ne peuvent pas se parler, ou pas longtemps. Leurs regards se perdent vers les berges, cherchent à imprimer des images de ce Strasbourg vu du niveau de l’Ill, à la fois rare et un peu frustrant. Le commentaire parle de la place de la République, du Palais du Rhin et du TNS, invisibles depuis la péniche.

Grâce aux casques, les passagers sont très calmes et le niveau sonore à l'intérieur est minimal (Photo PF / Rue89 Strasbourg / cc)
Grâce aux casques, les passagers sont très calmes et le niveau sonore à l’intérieur est minimal (Photo PF / Rue89 Strasbourg / cc)

Plus tard, il se focalisera sur les Magnolias du quai des Pêcheurs, après s’être servi du lycée des Pontonniers pour expliquer l’architecture des maisons à colombages en Alsace. On apprend aussi que les familles Mullenheim et Zorn se détestaient, c’était un peu les Montaigu et les Capulet strasbourgeois et que la ville a réglé le problème en attribuant à chaque famille son quai avec défense d’en bouger.

Enregistrés il y a dix ans par le Port autonome en faisant appel aux bonnes volontés, le commentaire audio a bien du mal à passionner. Il cherche les micro-faits sous chaque charpente et se fait même l’écho des accusations de plagiat de La Marseillaise… Batorama prévoit une nouvelle version des commentaires audio en septembre, cette fois-ci écrits par des professionnels de l’Histoire et récités par des acteurs.

À 10 ou 15 km/h, selon le courant, sachez qu’il faut à Batorama trente minutes pour relier la Petite France au Parlement européen. Une nouvelle bordée d’anecdotes sur les Strasbourgeois qui battent leurs charpentiers ou doutent de leurs alliés suisses et c’est le retour au Palais des Rohan et la fin de la croisière. Le matelot ne perd pas une minute, car la péniche repart dans quinze minutes !

Durant l’été, Batorama est au maximum de ses capacités d’accueil : le service envoie ses péniches tous les quarts d’heure de 9h à 22h en été, des bateaux construits sur mesure à Zaandam en Hollande et qui ne peuvent être ni plus longs, ni plus haut.

Aller plus loin

Sur Rue89 Strasbourg : tous les articles de la série d’été « Comment se présente Strasbourg aux touristes« 

Sur Batorama.fr : le site de la compagnie fluviale


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