Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

Le plan de Strasbourg pour devenir « ville respirable »

L’agglomération strasbourgeoise s’est fixé deux objectifs : réduire de 30% sa consommation d’énergie et d’autant ses émissions de gaz à effet de serre. Pour cela, elle bénéficiera du soutien du ministère de l’environnement, qui vient de retenir l’Eurométropole pour ses projets visant à transformer Strasbourg en « ville respirable » en cinq ans. Zone de circulation restreinte, chaudières subventionnées, tout est bon.

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Les véhicules les plus polluants ne pourront plus accéder à certaines zones de Strasbourg (Photo Pittou2 / FlickR / cc)

Les véhicules les plus polluants ne pourront plus accéder à certaines zones de Strasbourg (Photo Pittou2 / FlickR / cc)
Les véhicules les plus polluants ne pourront plus accéder à certaines zones de Strasbourg (Photo Pittou2 / FlickR / cc)

Va-t-on pouvoir respirer à Strasbourg au creux de l’été ou au milieu de l’hiver en 2020 ? Car traditionnellement, ces deux périodes coïncident avec les fameux « pics de pollution », un cocktail différent pour les poumons et les bronches : ozone en été et particules en hiver. Après quelques petits coups de pression citoyens, dont une tribune de médecins rappelant les effets nocifs de la pollution atmosphérique, l’Eurométropole sort peu à peu d’une politique attentiste sur ce dossier.

L’objectif de l’exécutif est désormais de baisser la consommation d’énergie de l’agglomération de 30%, en 2020 sur les bases de 1990, en participant à la rénovation des chaudières par exemples et en favorisant les constructions basse-consommation, et de réduire d’autant les émissions de gaz à effet de serre.

Quatre pastilles, nouveaux sésames des centres urbains. (doc Min. DD)
Quatre pastilles, nouveaux sésames des centres urbains. (doc Min. DD)

Pour cela, Strasbourg est désormais prête à restreindre l’accès à son centre-ville à une partie des véhicules, en fonction de la pollution qu’ils génèrent. Des pastilles de couleur (voir ci-dessus) seront distribuées aux automobilistes en fonction de l’âge et de la consommation de leur véhicule. Les maires pourront ensuite décider si certaines zones seront interdites d’accès aux véhicules n’arborant pas la bonne pastille…

Couacs entre Paris et Strasbourg

La mesure doit être expérimentée… dès octobre, selon la ministre de l’Environnement Ségolène Royal jeudi, à la grande surprise des élus de l’Eurométropole. En fait, Strasbourg n’est pas prête, les études commencent à peine, ce sera Grenoble la première ville à tester les zones de circulation restreintes (ZCR). La mesure doit se généraliser à tout le territoire français en 2018. Les pastilles pourront être commandées en ligne en janvier 2016.

La coopération entre Strasbourg et le ministère de l’Environnement souffre peut-être de quelques cahots, mais qu’on se rassure, elle devrait aller en s’améliorant. Lauréate de l’appel à projets « ville respirable en cinq ans », l’Eurométropole va recevoir un million d’euros et surtout l’aide technique de l’État pour mettre en oeuvre ses objectifs de réduction des pollutions.

Des plate-formes logistiques mutualisées

Ainsi, l’agglomération va se doter de centres de distribution urbain (CDU), dont l’objectif est de fournir aux commerces une plate-forme logistique mutualisée pour leurs livraisons. L’idée étant de réduire la présence de camions dans les rues du centre-ville, pour favoriser les véhicules électriques dans l’acheminement sur le dernier kilomètre. Mais un mur d’ennuis législatifs et techniques se dresse entre l’idée à sa réalisation, aussi l’Eurométropole aura bien besoin d’aide. Et d’ailleurs, aucune date n’a été annoncée quant à la mise en oeuvre de cette mesure.

Plus simple, la collectivité n’achètera plus de véhicules diesel et participera à un appel d’offres européen pour que soient mis en production des véhicules lourds plus propres. Elle proposera aux sociétés qui dépendent d’elles, comme la Compagnie des transports strasbourgeois (CTS) de faire de même. Sur 248 bus, la CTS n’en compte déjà plus que 7 roulant au diesel.

À destination des particuliers, l’agglomération envisage de participer au renouvellement des chaudières au bois. Dès 2017, les plus anciennes installations, les plus polluantes surtout en particules, bénéficieront d’un programme d’aides pour évoluer vers des modèles plus récents, et bien moins polluants. Le repérage des chaudières débute dans les prochaines semaines, en commençant par le parc public de logements. Puis la collectivité aidera les entreprises, notamment en leur proposant des diagnostics et des études.

Des « points multiservices » sur les autoroutes à vélos

À destination des cyclistes, l’Eurométropole prévoit d’équiper trois itinéraires de rocade cyclistes de « points multiservices », et faire la promotion des vélos à assistance électrique (VAE), notamment pour les distances domicile-travail supérieures à 5 km. Car selon Alain Jund, vice-président (EELV) de l’Eurométropole en charge « de la préservation écologique », 40% des déplacements en voiture se font sur des distances inférieures à 1 km ! Il détaille le rôle de la collectivité dans la réduction de la pollution atmosphérique :

Cristal, un bus qui change de taille

Ensuite, Strasbourg aimerait bien expérimenter un véhicule de transport électrique. Appelé « projet Cristal », ce véhicule de 3 mètres de long et pouvant contenir 8 personnes, peut se combiner avec un autre pour créer un véhicule de transport en commun plus grand, capable d’accueillir 25 personnes aux heures de pointe. C’est Lohr Industries qui tente depuis 2008 de finaliser un projet de ce type, le véhicule pourrait apparaître dans l’offre de la CTS dans quelques années. Capable d’atteindre 50 km/h, les usagers pourront réserver un module Cristal avec leur carte Badgéo.

Le module Cristal pourrait être déployé dans les deux prochaines années sur le réseau de la CTS (Photo Haiku Design / Lohr Industries)
Le module Cristal pourrait être déployé dans les deux prochaines années sur le réseau de la CTS (Photo Haiku Design / Lohr Industries)

Dans le cadre de l’appel à projets, l’État apportera son soutien pour les études et le test opérationnel, ce qui ne sera pas du luxe étant donné l’échec des navettes sans pilotes qui était prévu au parc d’innovation d’Illkirch-Graffenstaden.

En outre, l’Eurométropole prévoit une « gestion dynamique des flux de circulation en fonction des prévisions de qualité de l’air ». Autrement dit, les restrictions de vitesse, à l’usage de certains véhicules, pourraient ne plus attendre que les seuils de pollution atmosphériques soient dépassés pour être appliquées. Ces restrictions pourraient aussi dépendre des vignettes de couleur, puisqu’il reviendra aux maires, et non plus au préfet, de définir ces mesures.

Petits pas

Pour l’association Strasbourg Respire, ces mesures vont « dans le bon sens », mais il serait possible d’aller « plus loin et plus vite » selon le Dr Thomas Bourdrel, l’un de ses porte-parole :

« À Strasbourg, on en est au stade des études, mais à Grenoble, les zones restreintes seront en place dès octobre tandis qu’à Paris, les poids-lourds et les bus les plus polluants sont déjà exclus de certains axes. Les plate-formes logistiques ne devraient pas être réservées aux produits frais mais étendues à toutes les livraisons. Quant à sortir du diesel, c’est bien mais mais la municipalité pourrait revendre ses véhicules plutôt que simplement s’engager à ne pas en acheter de nouveaux. »

L’Eurométropole entend également « informer et dialoguer de manière plus fréquente avec les citoyens sur la question particulière de la qualité de l’air ». Et là aussi, la collectivité a beaucoup d’efforts à faire, notamment sur la mise à disposition des données dont elle dispose grâce aux relevés de l’Agence pour la surveillance de la pollution atmosphérique (Aspa). Elle espère surtout mobiliser les citoyens autour de cette question, cruciale, par l’exemple.

Aller plus loin

Sur Rue89 Strasbourg : Où en est la qualité de l’air à Strasbourg (explicateur)
Sur Rue89 Strasbourg : La baisse de la vitesse étendue à plus de routes en cas de pollution
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