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À Hautepierre, le retour du crieur de rue pour connecter les habitants

Établi depuis plus de 30 ans à Hautepierre à l’ouest de Strasbourg, le centre socio-culturel s’est rendu compte qu’une seule manière de mobiliser les habitants fonctionne : la parole. Du coup, ses animateurs se sont équipés d’un vélo-cargo, de quelques thermos de café et d’une bonne dose de bonne volonté pour arpenter le pavé de la cité, aux heures de pointe.

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Un thermos de thé, quelques tracs et... beaucoup d'explications (Photo PF / Rue89 Strasbourg / cc)

Un thermos de thé, quelques tracs et... beaucoup d'explications (Photo PF / Rue89 Strasbourg / cc)
Un thermos de thé, quelques tracs et… beaucoup d’explications (Photo PF / Rue89 Strasbourg / cc)

« Mon programme, qui veut mon programme ? » C’est en ces termes, et en plusieurs langues, que des animateurs du centre socio-culturel Le Galet, aidés par des étudiants en langues, partent trois fois par semaine à la rencontre des habitants de Hautepierre, un quartier populaire à l’ouest de Strasbourg. Équipés d’un vélo-cargo rempli de tracts, de quelques thermos de café et de thé et d’un mégaphone, ils abordent les mères de famille à la sortie des écoles, pour présenter les activités du centre.

Car le CSC Le Galet organise chaque mois une cinquantaine d’événements : soirées thématiques, sorties en groupe, expositions, atelier de cuisine, cours de danse… Mais le centre a du mal à renouveler son public et surtout, ses animateurs constatent que sur les 15 000 habitants qui peuplent le quartier, une part infime seulement profite de ses activités. Pourquoi ? Parce que beaucoup d’habitants n’ont aucune idée de ce qui se passe dans la « Maison de Hautepierre » où est installé le CSC, ne franchissent pas la porte, pourtant ouverte, et ne reçoivent aucune information.

« Il y a tout un public inaccessible »

Le directeur du CSC Le Galet, Louis Schalck, précise ce constat :

« Il y a tout un public inaccessible pour nous. Ils ne lisent pas les affiches que nous posons dans les immeubles, ne reçoivent pas les informations qu’on envoie par email ou via les réseaux sociaux, ne prennent pas nos tracts… Soit parce qu’ils ne connaissent pas, soit parce qu’ils considèrent que ce n’est pas pour eux ou que c’est sûrement trop cher… Il peut y avoir des successions de blocages et l’objectif, c’est de les identifier pour les contourner. »

Comme rien ne marche, le CSC a alors décidé d’aller à la rencontre des familles là où elles sont, au pied des immeubles, à la sortie des écoles, et de populariser ses activités par l’intermédiaire d’un « crieur de rue », façon Moyen-Âge. Bon, l’animateur ne harangue plus la foule au son d’un « Oyez oyez ! » lancé bien fort, mais l’idée est là. Provoquer l’intérêt pour créer un contact et, via cet échange, transmettre aux personnes présentes que les activités du CSC leur sont ouvertes aussi.

Amélie détaille la programmation du centre pour la journée internationale des droits de la Femme (Photo PF / Rue89 Strasbourg / cc)
Amélie détaille la programmation du centre pour la journée internationale des droits de la Femme (Photo PF / Rue89 Strasbourg / cc)

Animatrice au CSC, Amélie ne ménage pas sa peine sous les frimas du mois de mars. Le centre organise un spectacle, une exposition et une rencontre à l’occasion de la Journée des droits de la Femme. Elle aborde les mères de famille présentes, certaines voilées, certaines fuyantes, d’autres intéressées… Un travail de missionnaire qui la motive :

« C’est une expérience, tirée de ce qui se passe à Lyon où un crieur public diffuse des informations au mégaphone. On verra bien ce que ça donnera. On constate qu’on touche surtout les gens à proximité immédiate du centre, si en se déplaçant on peut s’adresser à de nouveaux publics, ce sera toujours ça de gagné. Et puis, on reçoit des retours directs sur notre programmation, c’est très intéressant. »

Un peu en arrière, deux femmes attendent leurs enfants. Elles sont établies à Hautepierre depuis plus de dix ans et pourtant, Le Galet ne leur évoque rien de précis : « Qu’est-ce que c’est ? Ils font des fêtes non ? » disent-elles, assimilant le CSC à une salle polyvalente. L’une d’elle évoque un endroit « pour les jeunes » mais en tout cas, pas pour elles.

Un thé ou un café chaud permet de lier le contact à la fin de l'hiver (Photo PF / Rue89 Strasbourg / cc)
Un thé ou un café chaud permet de lier le contact à la fin de l’hiver (Photo PF / Rue89 Strasbourg / cc)

Abattre des murs invisibles mais bien bloquants

L’objectif de cette opération, c’est d’abord d’abattre les murs que ce sont construits certaines familles, récemment installées en France ou bien socialement isolées à causes d’autres circonstances. Aucune autre communication qu’orale ne peut franchir ces murs. C’est pourquoi le centre embarque avec ses animateurs des étudiants en langues et cultures étrangères de l’Université de Strasbourg. Ils traduisent en arabe, en turc, en russe et permettent d’établir un indispensable « premier contact ».

Abdelillah Moustaid, responsable de l’animation auprès des jeunes pour le CSC, résume :

« Ce n’est pas grave si on ne touche pas beaucoup de monde, ça peut être seulement quatre familles par sortie, mais ça sera quatre familles chez qui l’idée de franchir la porte du CSC va germer. Peut-être que la prochaine fois qu’elle verront un tract du CSC, elle le prendront en identifiant d’où il vient. Parler de nos événements leur donne une existence qu’ils n’auraient pas autrement. Ça crée un repère, une base. »

Pour le CSC, dont le budget de fonctionnement oscille autour d’un million par an depuis 10 ans, cette opération permet d’obtenir un second agrément de « CSC itinérant » auprès d’un de leur principal financeur, les caisses d’allocations familiales. Ces dernières ont modifié leur politique de subventions pour s’adresser à des « territoires » plutôt que des « structures ».


#Hautepierre

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