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Interruption de grossesse : c’est encore les femmes qu’on accuse

Faut-il souffrir pour avorter ? Non, des solutions existent. Alors pourquoi les hôpitaux ne les proposent pas ? Voudrait-on faire payer aux femmes les aléas de la contraception médicamenteuse qu’on ne s’y prendrait pas autrement.

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Le test de grossesse, un moment qui peut être angoissant (Photo GynAlsace / cc)

Le test de grossesse, un moment qui peut être angoissant (Photo GynAlsace / cc)
Le test de grossesse, un moment qui peut être angoissant (Photo GynAlsace / cc)

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Laeticia est très blanche , elle a du mal à marcher, elle a mal au ventre. Elle a eu du mal à venir jusqu’à mon cabinet. Son chéri me l’a amenée en la portant à moitié. Laeticia explique :

« Doc j’ai fait une interruption volontaire de grossesse (IVG) hier à l’hôpital. Vous comprenez ce n’était pas le moment,  je n’ai pas fini mes études, chéri non plus et on ne gagne pas d’argent, alors un enfant là au milieu, ça n’allait vraiment pas. Mais j’y suis allée confiante et on m’a donné cette pilule pour avorter. Je suis restée la journée et puis je suis rentrée. Et à la maison ça a été horrible. Je me suis mise à saigner, saigner, saigner, ça ne s’arrêtait plus, en plus avec la perte de gros trucs… J’ai cru que j’allais mourir.

Et j’ai eu tellement mal. Je ne croyais pas que c’était aussi douloureux et aussi angoissant une IVG . J’avais pris ma pilule pourtant. Enfin peut-être que je l’ai oubliée une fois, une seule fois Doc. Je fais attention, tout le temps : j’ai peur de tomber enceinte. Et là je n’y croyais pas. Je n’ai pas eu mes règles ou presque pas. Mais je ne m’inquiétais pas, je l’avais prise cette pilule, il ne pouvait rien m’arriver. Et puis j’ai eu mal aux seins et envie de vomir tous les matins. Et le test de la pharmacie quand il est revenu positif , j’y croyais pas, j’y croyais pas. Huit semaines de grossesse, huit semaines… »

La pilule abortive ou rien

J’ai fait faire un bilan biologique à Laeticia, elle avait une anémie sévère, ses globules rouges n’étaient plus assez nombreux pour faire le job. Pourtant, Laeticia aurait pu, aurait dû avoir une autre prise en charge pour son IVG. Personne ne lui a proposé d’autre solution que la pilule abortive. C’était ça ou rien.

Le rien c’était juste une aspiration sous anesthésie générale. Rapide, simple, à huit semaines de grossesse, il y avait moins de risque d’hémorragie à domicile. Moins d’angoisses, moins de douleurs. Mais la femme au XXIe siècle doit encore payer quand elle avorte, il faut en baver, sinon l’IVG devient une promenade de santé.

Les hommes n’ont pas et n’auront jamais à avorter, les hommes dirigent la majorité des services de gynécologie et les hommes diront aux femmes qu’on n’avorte pas comme ça. Qu’il faut bien que les choses soient dures pour ne pas recommence. La femme qui avorte doit être punie, elle a fauté. En fait, dans la réalité, tout se déroule à l’exact opposé des recommandations pourtant édictées par la Haute autorité de santé (pdf) :

« Dans tous les cas où cela est possible, les femmes doivent pouvoir choisir la méthode, médicamenteuse ou chirurgicale, et recevoir une information détaillée. Cette information renforce la satisfaction des femmes après IVG. La patiente doit être informée sur les différentes modalités d’anesthésie possibles (anesthésie générale ou anesthésie locale) ; le choix du type d’anesthésie revient à la patiente. »

La femme est la seule qui doit faire en sorte de ne pas tomber enceinte, elle est dépendante de la fiabilité des moyens de contraception. Une femme qui utiliserait uniquement la pilule pendant ses années de fertilité devra ne pas l’oublier environ 10 000 fois. Ne pas oublier 10 000 fois est juste impossible à moins d’être une obsessionnelle absolue.

Les meilleures contraceptions (meilleurs indices de Pearl) que sont  le dispositif intra-utérin (DIU, stérilet) et l’implant ne sont pas non plus infaillibles. Nous avons tous eu à nos consultations des femmes qui sont « tombées » enceintes avec ces systèmes. Il y a même des femmes qui ont eu des grossesses après une stérilisation chirurgicale ou par la méthode Essure.

L’échec de la contraception, pas de la femme

L’IVG est pourtant souvent la conséquence d’un échec de contraception et pas la conséquence d’une inconscience de la dame qui y recourt. Je ne connais pas de femme qui y recourt avec légèreté (deux tiers des femmes qui recourent à l’IVG ont une contraception).

La plupart des femmes décident clairement que l’enfant n’a pas sa place par hasard. Et c’est bien heureux. Décider de quand et comment on aura un enfant me paraît essentiel. Et la plupart des femmes ne regrettent pas leur choix, ne culpabilisent pas et c’est tant mieux. La morale n’a rien à faire ici.

La contraception idéale et sans échec n’existe  pas… Pas encore. On attend celle qui sera adaptée et prise par l’homme. En dehors de la vasectomie qui est très marginale en France, elle tarde à venir. J’ai fait un rêve : l’homme et la femme prendraient en charge leurs contraceptions et celle-ci serait d’autant plus efficace que prise bilatéralement…


#IVG

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