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Les Strasbourgeois pourraient décider d’ouvrir les médiathèques le dimanche

Jusqu’à lundi, un questionnaire en ligne demande aux Strasbourgeois s’ils souhaitent que les médiathèques ouvrent le dimanche. Mais avec des moyens en baisse, il faudra trouver des solutions pour rendre l’opération possible. Les défis qui attendent les médiathèques, fréquentées par près d’un strasbourgeois sur trois, dépassent la simple question des horaires.

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Les Strasbourgeois pourraient décider d’ouvrir les médiathèques le dimanche

La nouvelle médiathèque de Hautepierre inaugurée en août 2015 (photo JFG / Rue89 Strasbourg)
La nouvelle médiathèque de Hautepierre inaugurée en août 2015 (photo JFG / Rue89 Strasbourg)

Ce sont les derniers jours pour remplir le questionnaire sur le site strasbourg.eu et dans les établissements sur l’ouverture des médiathèques. Dans les questions, les services de la Ville demandent si des ouvertures le soir, plus tôt le matin ou le dimanche permettraient aux Strasbourgeois d’y aller plus souvent.

Fin 2015, l’ancienne ministre de la Culture Fleur Pellerin (PS) proposait un fonds de 80 millions d’euros pour les villes qui souhaitent étendre leurs horaires. Strasbourg se saisit de l’opportunité et demande aux usagers de se prononcer.

Une possibilité qui trouve écho chez Juliette, étudiante et utilisatrice régulière de la médiathèque Malraux :

« Les médiathèques fermées le dimanche et le lundi, c’est beaucoup. Si ça se fait, j’y passerais plus de temps  par rapport à aujourd’hui. Le dimanche c’est peut-être mieux, à la fois pour les familles et puis parce qu’il n’y a que la BNU (Bibliothèque nationale universitaire) d’ouverte sinon. »

Les semaines d’examen, il vaut mieux arriver avant l’ouverture à 14h pour obtenir une place. Juliette serait même prête à payer 1 ou 2 euros de plus par an pour des horaires plus amples.

Médiathèque Sud
La médiathèque Sud d’Illkirch

150 000 abonnés

Le service des médiathèques compte environ 150 000 abonnés dans l’Eurométropole sur près de 500 000 habitants. Un chiffre relativement stable, après une baisse notable avec la crise après 2008. Le nombre de prêts diminue, mais la fréquentation augmente. À Hautepierre, plus de 500 personnes visitent la médiathèque les samedis ou lors des vacances scolaires. Certaines restent toute la journée.

À une époque où chaque service doit être compté et transformé en statistique, difficile de chiffrer l’impact des médiathèques sur les personnes qui lisent les journaux ou même le temps passé sur les ordinateurs. Mais employés comme élus en sont convaincus : vue la qualité du service, il est possible de toucher plus de monde.

Pour l’adjointe au maire en charge des médiathèques, Souad El Maysour (ex-PS), c’est le moment de savoir ce que les gens attendent :

« Beaucoup d’étudiants sont repartis vers la BNU depuis sa réouverture. Les rythmes scolaires ont aussi impacté les pratiques. Le mercredi matin, les élèves sont désormais en classe. D’autres lieux de culture sont ouverts le dimanche comme les musées. En hiver, des familles pourraient y passer la journée. Mais nous n’auront pas de moyens supplémentaires. Il faut être sûr qu’il y ait une demande et imaginer des fermetures en mâtinés. »

Aucun objectif de participation ou de résultat n’est avancé pour décider ou non de ces ouvertures.

La nouvelle médiathèque de Hautepierre est intégrée à la maison de Hautepierre (photo JFG/Rue89 Strasbourg)
La nouvelle médiathèque de Hautepierre est intégrée à la maison de Hautepierre (photo JFG/Rue89 Strasbourg)

Pas tabou pour les syndicats, mais une décision qui implique des moyens

Pour Karim Hadi, secrétaire général du syndicat CGT, la question de l’ouverture le dimanche n’est pas taboue, mais elle doit impliquer plus de moyens :

« Toutes les médiathèques sont fermées le lundi, mais le questionnaire ne propose que l’ouverture les dimanches. On veut être sûr qu’il y ait un réel besoin et pas le créer de toute pièces. À ce stade, il est difficile de savoir si les agents sont pour ou contre, car on ne cerne pas encore tous les enjeux. Travailler le dimanche a forcément un impact sur la vie familiale. S’il n’y a pas plus de moyens pour un service public, soit on joue sur les horaires d’ouverture, soit sur la charge de travail des agents. La modernisation du service public, ce n’est pas la fermeture. »

Pour un agent de l’Eurométropole, travailler un dimanche de manière régulière implique une rémunération majorée de 50%.

médiathèque olympes de gouge (CUS)
Médiathèque olympe de Gouges (CUS)

« Une demande sur l’ouverture entre midi et 14h »

Ajuster les horaires, c’est ce qu’avait fait, entres autres, Mireille Leroux, directrice de la médiathèque de Hautepierre à l’occasion de l’ouverture dans ses nouveaux locaux, inaugurés en août 2015.

« Ce qu’on avait repéré c’est qu’il y avait une demande pour la pause entre midi et deux. On a coupé la poire en deux en ouvrant de 13h à 18h. Le matin, on accueille les collectivités et l’après-midi le public. On a aussi adopté des horaires fixes (sauf le samedi matin) pour que ce ne soit pas un casse-tête tous les jours. Est-ce qu’il y a une demande supplémentaire le dimanche ? C’est l’une des rares choses sur ma médiathèque que je ne sais pas. En tout cas, beaucoup de gens ont répondu chez nous, on leur a montré sur les ordinateurs comment faire. Si c’est le cas, nous sommes là pour répondre à toute demande. »

Le budget des médiathèques est certes inscrit au budget de la Culture, lui même « sanctuarisé », c’est-à-dire stable, par la municipalité de Strasbourg, mais il doit quand même faire face à des contraintes. La hausse des salaires par le glissement vieillesse technicité (GVT) entraîne une baisse « mécanique » d’autres dépenses, comme les acquisitions.

Pas d’exception pour le personnel, les médiathèques sont aussi concernées par l’objectif de réduction des postes de 10% pour 2020. Soit 25 à 30 employés en moins. Même pour les agents les plus motivés, difficile d’imaginer d’ouvrir plus dans ces conditions, puisqu’il faut toujours être à plusieurs sur site. Sous anonymat, la directrice des médiathèques pense qu’il y aurait des petites économies encore possibles en déléguant un peu de pouvoir :

« Pour changer un store on doit passer par un prestataire spécial de l’Eurométropole, on ne peut pas le décider nous-mêmes. La dernière fois ça a coûté plus de 3 000 euros alors que ça devrait coûter trois fois moins. »

Problème de communication ?

Mais au-delà des questions d’horaires, usagers ou salariés se demandent si le service est bien connu des autres Strasbourgeois. Qui sait qu’avec 26 euros par an (13 euros pour le tarif réduit), il est possible d’emprunter en même temps 10 livres, 10 DVD et 10 CD pour un mois ? Qu’ont peut y jouer aux jeux vidéos ou y emprunter des œuvres d’art à l’Artothèque de Neudorf à accrocher dans son salon ?

Souad El Maysour reconnait « qu’une image un peu ancienne colle à ces lieux » :

« Les établissements sont parfois encore vus comme un endroit un peu intimidant, où il ne faut pas faire de bruit ou réservé aux enfants. Mais ceux qui franchissent la porte reviennent. »

La dernière campagne de communication mettait en scène un visage de Karl Marx et d’un rockeur pour représenter que différentes cultures se côtoyaient. « Qui sait que Marx est un économiste et qui saurait le reconnaître en dessin ? », moque une salariée déçue de l’affiche. La prochaine campagne du sac sera autour… du sac jaune, que l’on remet à chaque inscription.

Un défi aussi technologique

Les défis des médiathèques dépassent le cadre des horaires. L’univers culturel évolue vite, notamment avec le numérique. Et à cela s’ajoute une contrainte territoriale. « On ne fait pas la même médiathèque dans les différents quartiers », explique Souad El Maysour.

La médiathèque Malraux, inaugurée en 2008 (Photo JFG / Rue89 Strasbourg)
La médiathèque Malraux, inaugurée en 2008 (Photo JFG / Rue89 Strasbourg)

À la nouvelle médiathèque de Hautepierre, plusieurs espaces différents s’agencent autour des bacs à livres : une salle de travail avec juste des dictionnaires, une « adothèque » avec jeux vidéos, BD et mangas, un « espace boudchou » pour les plus petits et une très prisée salle informatique « car on a tendance à l’oublier, mais tout le monde n’a pas d’ordinateur chez soi, alors que certaines démarches notamment à Pôle Emploi sont obligatoirement à faire en ligne maintenant », explique Mireille Leroux. À cela s’ajoute une salle d’événements où se déroulent par exemple des concours de jeux vidéos projetés sur grand écran. « Et quand un jeune attend son tour, on peut lui proposer un livre », glisse la directrice.

Ces changements de mode de consommation de la culture doivent se répercuter sur les médiathèques pour Souad El Maysour :

« Rien ne peut remplacer un livre papier qui est l’objet de base, mais les médiathèques doivent évoluer avec leur époque. On a acheté beaucoup de DVD, mais aujourd’hui avec la VOD (vidéo à la demande) les emprunts diminuent. Nous réfléchissons à développer un abonnement à la demande – à activer depuis chez soi – même si beaucoup de problèmes de droits se posent. L’écoute de la musique en streaming a aussi révolutionné le mode de consommation. Mais avec les recommandations de ces logiciels, on écoute la même chose. Les médiathèques doivent permettre de s’ouvrir à d’autres cultures. »

Les chantiers sont donc nombreux à l’intérieur des médiathèques. Il y a un seul endroit où les pelleteuses et bulldozers se font attendre, littéralement, c’est sur le terrain de l’ancien supermarché Atac à Schiltigheim où la médiathèque Nord est repoussée entre les bisbilles des municipalités successives et les contraintes budgétaires de l’Eurométropole.


#Médiathèques

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