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Municipales : les promesses des candidats à l’association du quartier gare

Nous sommes à quelques jours du premier tour des élections municipales à Strasbourg. Dans le quartier gare, les habitants ont souhaité dresser leur propre inventaire, diffusé par l’AHQG (Association des Habitants du Quartier Gare) dans un numéro spécial de sa gazette interne, la « Gare’gouille ». Ils ont également souhaité connaître les projets des huit listes en compétition en leur transmettant un questionnaire. Seuls trois candidats ont pris le temps de répondre : Roland Ries, Alain Jund et Fabienne Keller.

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Municipales : les promesses des candidats à l’association du quartier gare

Au-delà du boulevard de Metz le vélo n'a plus sa place (R. Fausser)
Au-delà du boulevard de Metz, le vélo n’a plus sa place… pour l’instant (Photo R. Fausser)

Cette évaluation citoyenne sans prétention et non exhaustive relève d’abord ce qui a été réalisé ces dernières années. Elle partage aussi des propositions pour ce qui pourrait être transformé, aménagé ou amélioré dans un futur proche dans le quartier gare. Ces pistes de réflexion méritaient toute l’attention de celles et ceux qui se présentent aujourd’hui aux élections municipales.

Le sud du quartier attend toujours le changement

Côté espaces publics, les aménagements autour de la ligne C du tram, la modification de la circulation sur la place de la gare, la transformation de la rue du Maire-Kuss en « magistrale piétonne » sont appréciés. Le nord du quartier autour de la gare paraît bien loti, même si certains défauts restent à corriger.

Le verdissement autour du tram C boulevard Wilson (R. Fausser)
Le verdissement autour du tram C boulevard Wilson (Photo R. Fausser)

Le sud du quartier, lui, attend toujours que ça change. Certains habitants vont jusqu’à qualifier ce secteur de « zone maudite » (Porte Blanche, boulevards de Lyon-Nancy, rues adjacentes). C’est la traduction d’un sentiment d’abandon pour ce morceau de quartier à deux pas d’un centre-ville qui a aussi vu de nombreux projets se réaliser de l’autre côté de l’Ill. Les pistes cyclables se font toujours attendre sur les boulevards après de nombreuses réunions et discussions avec les services de la ville et l’adjoint à l’urbanisme. Les habitants attendent aussi beaucoup de l’arrivée du tram, aujourd’hui à l’étude, qui pourrait être l’occasion d’une requalification de ce secteur.

Porte Blanche : Une place-carrefour verte qui n'attend que l'arrivée du tram pour être réaménagée (R.Fausser)
Porte Blanche : une place-carrefour verte qui n’attend que l’arrivée du tram pour être réaménagée (Photo R.Fausser)

C’est un des principaux enjeux pointés dans le questionnaire envoyé aux candidats : les trois listes ayant répondu s’engagent toutes les trois à profiter de l’arrivée du tram pour requalifier ce secteur du quartier, avec plus ou moins de précisions, et à procéder aux aménagements nécessaires pour permettre enfin aux cyclistes et aux piétons d’y circuler en toute sécurité. Pour Roland Ries, la requalification ne doit pas uniquement concerner l’urbain mais aussi l’humain :

« Accessibilité garantie à tous, mixité des usages et des usagers, commerces et services de proximité, soutien à la vie associative, solidarités et respect des différences (…). »

Un point de vue partagé par Alain Jund qui estime que « cette requalification devra également s’accompagner d’une amélioration des conditions de vie des habitants : espaces publics, traversée, sécurité pour les enfants mais également les adultes ». Fabienne Keller va dans le même sens et propose de reproduire son dispositif de campagne « Dites moi tout » pour « définir les priorités en concertation avec les riverains ».

Le futur de la caserne Macot intéresse

La reconversion de la caserne Marcot rue de Saâles cédée en partie par la Sovafim à différents opérateurs est aussi un sujet de questionnement. Les habitants attendent d’être associés à une réflexion d’ensemble sur cette reconversion, même si pour sa partie nord, les projets semblent déjà bien engagés. Alain Jund rappelle à ce sujet :

« Une partie de la caserne Marcot devra servir de lieu de « relocalisation » des locaux des Compagnons du Devoir qui voient leurs activités croître. Le gymnase devra être maintenu dans sa fonction actuelle avec une ouverture aux habitants du quartier et aux associations. »

Mais il ne dit pas un mot sur la partie habitat. Roland Ries précise sur ce point que « le promoteur Altexia a déposé son dossier de permis de construire le 14 février » et rappelle que les orientations du projet ont déjà été présentées « en conseil de quartier [dont les] grandes orientations pour la mutation de l’îlot en mai 2013, en amont de la modification du POS et l’approbation en novembre 2013 de l’enquête publique dans le cadre de la modification n°36 du POS de Strasbourg ».

On s’en tient donc pour l’instant à ce qui a été décidé, sans repenser ce secteur dans le cadre d’une concertation plus ouverte sous la forme d’un atelier de projet par exemple… Pas plus de précision du côté de Fabienne Keller qui ne semble pas avoir d’informations sur le devenir de ce site et se contente de poser un principe général : « Avant chaque nouvelle construction, le cadre de vie autour sera défini d’abord ainsi que le stationnement ».

La Caserne Marcot rue de Saâles cédée en partie par la Sovafim (R. Fausser)
La Caserne Marcot rue de Saâles cédée en partie par la Sovafim (Photo R. Fausser)

Le stationnement, justement, est aussi un enjeu un peu plus loin, dans les rues autour de la gare, où la pression est la même que dans la grande Ile. Les habitants de la grande Ile bénéficient du dispositif « Résidéo » leur permettant de se garer dans le parking « Petite France / Sainte Marguerite » situé sous le Musée d’art moderne et contemporain. Les habitants du quartier gare où se situe pourtant ce parking n’y ont pas droit. Forcément, cela a fait réagir et l’adjoint de quartier a ainsi récemment annoncé qu’une extension de Résidéo était à l’étude sans davantage de précisions.

La question a donc été posée clairement aux candidats. Alain Jund estime que le dispositif doit être ouvert aux habitants du quartier gare car « le taux de remplissage (actuellement médiocre) du Parking Petite France doit permettre une mise en place rapide de cette extension ». Roland Ries y est aussi favorable mais ne précise pas à ce stade quel parking pourrait être concerné. Fabienne Keller propose la construction d’un parking de 2000 places dans le cadre de son projet d’aménagement d’un quartier d’affaires sur le secteur de la gare basse « Strasbourg Convergences » et la création de 1000 places de proximité dans la ville. Un peu hors sujet, l’idée étant bien d’occuper déjà les places existantes non utilisées. Mais, elle est également favorable à l’extension de Résidéo au quartier gare.

Côté voitures toujours, la pollution de l’air à deux pas de l’A35 est un problème, qui concerne non pas exclusivement mais tout particulièrement ce quartier. Pour la réduire les habitants attendent des mesures globales mais aussi à l’échelle du quartier. Sur ce sujet, les têtes de liste se font quelque peu lyriques. Roland Ries voit dans l’arrivée du tram sur les boulevards et la requalification de l’A35 des possibilités de réduction de cette pollution :

« Le premier projet réduira l’omniprésence de la voiture individuelle au profit des autres usages de l’espace ; le second bénéficiera à l’ensemble de notre agglomération, en coupant enfin ce ruban de pollution qui la traversait. »

Pour Fabienne Keller : « Les boulevards autour de la gare ne doivent plus servir d’itinéraire bis, les habitants de ce quartier doivent pouvoir retrouver une sérénité et une vie paisible ». Plus terre à terre, Alain Jund en profite pour rappeler la position des écologistes sur des sujets liés mais qui dépassent le quartier : « Si le Grand Contournement Ouest ne constitue pas une réponse, les écologistes sont, plus que jamais favorables à la mise en œuvre de la taxe « poids lourds » et d’une fiscalité égale entre le diesel et l’essence ».

Un quartier d’artistes, mais pour combien de temps encore ?

Côté culture, le quartier gare revendique toujours son statut de « quartier d’art ». Ce slogan fleurissait dans tout le quartier au moment de l’ouverture du Musée d’art moderne et contemporain il y a près de 15 ans maintenant. C’est bien la présence du Musée, mais aussi du Kafteur (aujourd’hui menacé), de la Laiterie, du Taps Gare, de La Friche Laiterie, du Molodoï, de la Semencerie ainsi que de nombreux ateliers d’artistes qui donnent au quartier toute sa dimension culturelle et artistique.

Le Festival « Mon voisin cet artiste » n’y est pas né pour rien, l’idée étant là de valoriser tous les talents musicaux, professionnels ou non, qui grouillent dans le quartier. Il s’est déroulé en 2013 sur la place Arp et le succès qu’il y a remporté démontre que c’est un lieu idéal pour des manifestations culturelles et festives. Alors, tout en saluant la belle rénovation du Barrage Vauban et la qualité des expositions qui s’y déroulent depuis sa réouverture, l’AHQG propose que la place puisse être équipée, notamment d’une alimentation électrique adaptée à l’accueil d’autres événements culturels et festifs tout au long de l’année. Les trois candidats vont dans le sens de la proposition de l’association et s’engagent, plus ou moins clairement, à l’équiper en conséquence.

Place Arp un lieu idéal pour des événements festifs et culturels comme l'a démontré le succès du festival "Mon voisin cet artiste" (R. Fausser)
Place Arp un lieu idéal pour des événements festifs et culturels comme l’a démontré le succès du festival « Mon voisin cet artiste » (Photo R. Fausser)

Mais là où bat le cœur culturel et artistique du quartier et au-delà, c’est bien autour de la Laiterie. Les projets envisagés à la Coop sont observés avec attention. Il ne faudrait pas qu’il soit question de déshabiller le quartier gare pour habiller le Port du Rhin. Roland Ries et Alain Jund souhaitent a priori conforter la vocation culturelle de ce site. Le premier va jusqu’à évoquer le caractère « berlinois » du quartier qu’il souhaite promouvoir dans sa dimension culturelle.

Alain Jund précise sur ce point :

« Dans le cadre du futur PLU (Plan Local d’Urbanisme) qui sera élaboré pour 2016, la proposition a été de faire en sorte que dans les secteurs entre les boulevards (Nancy/Lyon mais également Wilson) et les voies de chemins de fer, les évolutions de fonction (comme le passage de certains entrepôts en logement) ne puissent se faire afin de préserver cette diversité de fonction et cette caractéristique du secteur dans le domaine culturel. »

Voilà qui est dit et écrit. Fabienne Keller s’engage à « encourager les projets de culture, qui sont autant de liens entre les habitants, quelle que soit leur origine ».

Un quartier où les artistes aiment créer, comme ici à la Semencerie (R. Fausser)
Un quartier où les artistes aiment créer, comme ici à la Semencerie (Photo R. Fausser)

C’est d’ailleurs sur ce secteur, juste à côté de la Semencerie, qu’a été créé le deuxième jardin partagé du quartier porté par l’association JPQG (Jardin partagé du quartier gare), peu de temps après celui initié par l’AHQG à côté du square Saint-Jean au nord du quartier. Ces initiatives portées par des associations avec le soutien de la Ville méritent d’être développées, comme une présence plus grande de la nature dans tout l’espace public. Sur ce point, unanimité entre les trois candidats qui souhaitent donner toute sa place à la nature dans le quartier, sous différentes formes, et reproduire les expériences de jardins partagés.

Le jardin partagé du square Saint Jean porté par l'AHQG (photo : AHQG)
Le jardin partagé du square Saint Jean porté par l’AHQG (photo AHQG)

Un quartier populaire, fier de l’être et qui veut le rester

Enfin, le quartier gare est populaire, fier de l’être, et surtout veut le rester ! C’est la vocation même d’un quartier autour d’une gare que d’accueillir les populations venues d’ailleurs, en transit, qui ne font que passer ou qui s’y installent finalement parce qu’elles s’y sentent bien. Dans la rue des Remparts, avec l’Espace 16 pour l’accueil et l’accompagnement des Roms, les Restos du Cœur, les locaux d’Horizon Amitié, l’hébergement d’urgence, il règne comme une atmosphère de « village des solidarités » qui ne doit pas souffrir des futurs projets d’aménagement de la gare basse à plus ou moins long terme.

La rue des remparts c'est un peu le "village des solidarités" qui ne doit pas souffrir des projets sur ce secteurs... (R. Fausser)
La rue des remparts c’est un peu le « village des solidarités » qui ne doit pas souffrir des projets sur ce secteurs… (Photo R. Fausser)

Fabienne Keller a ouvert sa campagne avec un projet de quartier d’affaires « Strasbourg Convergences » sur le secteur de la gare basse. Les premières esquisses laissent penser que les bâtiments qui accueillent ces structures de solidarités ainsi que des ateliers d’artistes, le Bastion ou l’Imprimerie Papier Gâchette ne seraient pas conservés. Dans le doute, la question a clairement été posée pour le coup à chaque candidat car dans 10 ou 15 ans ce secteur évoluera forcément.

Quid du village des solidarités ?

Celle qui porte le projet « Strasbourg Convergences » assume aussi ses conséquences opérationnelles et répond précisément qu’ »il sera nécessaire de réfléchir en lien étroit avec les structures sociales implantées sur ce secteur à leur localisation. Si l’idée de village des Solidarités est un concept existant, rien n’empêche de réfléchir à une éventuelle relocalisation ou alors à leur maintien sur le site dans des conditions à définir ».

La réponse d’Alain Jund et de Roland Ries est tout aussi claire mais pour d’autres raisons. À court terme, ils n’ont pas de projet précis sur l’aménagement de ce secteur et estiment tous les deux que ces structures y ont trouvé leur place et doivent y rester, quitte à adapter les différents locaux comme cela devrait être le cas pour la Fringale. Roland Ries précise d’ailleurs à ce sujet:

« Cette réflexion sur La Fringale est menée dans un cadre plus global et large, qui est celui d’une meilleure organisation de l’aide alimentaire d’urgence à Strasbourg, en concertation avec tous les acteurs concernés (Restos du Cœur, Abribus, Secours populaire, Croix Rouge, etc.). Nous recherchons par ailleurs, avec les Restos du Cœur et Abribus, un lieu d’arrêt de leur bus de distribution de repas chauds, dans le quartier Gare. »

Il y avait un lieu justement qui proposait des repas chauds midi et soir et pas qu’aux étudiants, il s’agit du « R.U. Pasteur ». Les habitants regrettent sa fermeture. Ce « RU » était largement fréquenté et il avait une grande utilité sociale dans le quartier. Il semblerait que son propriétaire, à savoir le Crous, cherche à vendre ce patrimoine immobilier. Les trois candidats n’écartent pas une maitrise de ce patrimoine par la collectivité, si un projet devait émerger rapidement.

Une vie associative à soutenir

La vie associative est aussi le reflet de ce caractère populaire. Certaines associations connaissent des difficultés financières importantes. Les activités qu’elles proposent sont pourtant essentielles (soutien scolaire, formations linguistiques…), notamment au sud du quartier, là où les habitants en ont le plus besoin. C’est un enjeu tout aussi important que les transformations urbaines nécessaires et à venir, si ce n’est plus.

En lien avec cette vie associative riche, la question d’un lieu fédérateur comme un café associatif ou une maison de quartier anime les discussions depuis des années, sans avancer concrètement, même si le conseil de quartier, des associations et des habitants ont commencé à travailler à l’élaboration d’un projet. Un chantier à relancer car si les associations doivent en être le moteur, elles ne pourront agir seules.

Alain Jund renvoie à l’élaboration d’un projet global pour le quartier, Roland Ries propose de repérer les locaux existants et vacants dans le quartier « en réfléchissant à une forme d’usage qui soit mutualisée et optimisée », Fabienne Keller voit dans son projet « Strasbourg Convergences » une opportunité de répondre à ce besoin par des espaces qui pourront être attribués et mutualisés avec les associations des quartiers de Koenigshoffen et de Cronenbourg.

Un quartier en attente d’un projet global

Cet inventaire et ce questionnaire non exhaustifs mettent en avant quelques enjeux forts pour le développement du quartier et pour ses habitants dans les années à venir. Il révèle que ce quartier a plus que jamais besoin d’un projet global, élaboré avec et pour ses habitants. Si beaucoup a été fait, le prochain maire de Strasbourg aura encore du grain à moudre dans le quartier gare. Il faudra avant tout qu’il pense au quartier existant, à ses habitant(e)s, notamment au sud autour de la porte Blanche et de la porte de Schirmeck, qu’il permette d’améliorer leurs conditions de vie au quotidien, avant d’aller voir de l’autre côté de la gare ce qui s’y passe ou pourrait s’y passer un jour, dans 10 ou 15 ans.

(Article issu du bureau de l’AHQG)

Aller plus loin

Sur le site de l’AHQG : le questionnaire complet et les réponses des candidats


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