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L’ordre des avocats de Strasbourg condamné à payer 200 000€ pour harcèlement

La Cour d’appel de Colmar a condamné l’ordre des avocats de Strasbourg à payer plus de 200 000€ à son ancienne secrétaire générale, licenciée en 2011 « sans cause réelle et sérieuse. » Les magistrats ont en outre reconnu que l’ancienne responsable du barreau de Strasbourg avait été victime de harcèlement moral de la part de ses employeurs.

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La Cour d'appel de Colmar (Photo Wikimedia Commons / cc)

Les mille avocats de Strasbourg risquent d’être appelés à verser une cotisation supplémentaire à leur ordre dans les prochains mois… Car l’institution a été reconnue coupable d’avoir licencié « sans cause réelle et sérieuse » son ancienne secrétaire générale en 2011, Nathalie Campagnet par la chambre sociale de la Cour d’appel de Colmar.

Les magistrats ont fait leurs calculs et ont condamné l’ordre à lui payer 150 800€ de dommages et intérêts pour la réparation du préjudice de son licenciement, 5 000€ pour son préjudice moral, 37 698€ pour ses indemnités de préavis, 3 769€ pour ses congés non pris, et encore 5 000€ de frais d’avocats. Soit la somme de 202 267€ qui, avec les intérêts légaux et les charges sociales attenantes, fait monter la facture pour l’ordre à plus de 280 000€.

Comment en est-on arrivé là ? En 2010, Nathalie Campagnet, alors secrétaire générale de l’ordre des avocats de Strasbourg, n’en peut plus des reproches qui lui sont faits par plusieurs membres du conseil de l’ordre. Un « clan », a reconnu la Cour, constitué autour du Dauphin du bâtonnier d’alors, Me Renaud Bettcher. À cette époque, ce dernier avait vu son accession au poste de bâtonnier de l’ordre, normalement quasi-automatique, empêchée par la candidature et l’élection de Me Jean Wiesel.

Dans un contexte de tensions à l’ordre des avocats

Cette élection se joue à 15 voix près sur plus de 500 votants, les avocats de Strasbourg sont profondément divisés et les relations au sein de l’ordre sont tendues. Cheville ouvrière de l’institution, Nathalie Campagnet se voit rabaissée en public, sans cesse critiquée sur ses aptitudes, etc. L’arrêt de la Cour, que Rue89 Strasbourg s’est procuré, dresse une triste liste des éléments qui l’ont amenée à reconnaître que Mme Campagnet a bien été victime d’un lent et constant harcèlement sur son lieu de travail. Elle cite même un message SMS, envoyé par Renaud Bettcher à Jean Wiesel, accusant Nathalie Campagnet d’être la maîtresse de ce dernier. Ambiance.

La Cour reprend aussi un e-mail de Renaud Bettcher envoyé à tous les avocats de Strasbourg et accusant Mme Campagnet de fonctionner seule, de diviser les avocats et de ne pas accepter la direction des membres du conseil de l’ordre.

La Cour d'appel de Colmar (Photo Wikimedia Commons / cc)
La Cour d’appel de Colmar (Photo Wikimedia Commons / Emmanuel Brunner cc)

Cité à trois reprises dans l’arrêt de la Cour, Me Renaud Bettcher prévoit d’envoyer un droit de réponse :

« On m’accuse de harcèlement moral, mais je n’étais pas l’employeur de Mme Campagnet. Je n’ai jamais été amené, dans le cadre de cette procédure, à formuler la moindre observation ni à participer à un quelconque débat contradictoire quant aux faits qui me sont imputés. Je n’ai pas fait l’objet non plus d’une procédure disciplinaire concernant l’affaire de Mme Campagnet, contrairement à ce qui est indiqué. »

« Un véritable calvaire »

En novembre 2010, le conseil de l’ordre suspend les fonctions de Mme Campagnet pour inaptitude. À 52 ans, elle demande la résolution judiciaire de son contrat de travail aux prud’hommes en mai 2011. Défendue par un avocat de Strasbourg, Nathalie Campagnet ne comparaît pas à l’audience devant le tribunal des prud’hommes. Ces derniers ne reconnaissent pas de harcèlement moral et la déboutent.

Pour Me Christophe Béheulière, avocat de Mme Campagnet, sa cliente a vécu un véritable calvaire :

« Lorsqu’elle revient en novembre 2010, le médecin du travail la juge inapte tellement elle est au bout du rouleau. Elle s’est retrouvée entre le marteau et l’enclume, dans une guerre intestine au barreau de Strasbourg qui ne la concernait pas. Il fallait l’éliminer. Ce qui est troublant dans cette affaire, et la Cour d’appel le note, c’est qu’à aucun moment l’ordre n’a pris des mesures pour préserver l’intégrité et la santé de ma cliente. »

Du côté de l’ordre, l’actuel bâtonnier Me Pascal Crehange, reste réservé :

« Nous venons d’être notifiés de cet arrêt. Nous avons deux mois pour décider si nous nous pourvoyons devant la Cour de cassation. La procédure n’est pas encore terminée. »

Certes, la procédure n’est pas terminée mais les montants arrêtés devront eux être payés immédiatement.


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