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Que faire quand la Ville vous inflige un PV vérolé

Roland Ries, maire de Strasbourg, pointait récemment que 92% du produit des amendes était affecté au recouvrement. C’était déjà kafkaïen pour reprendre ses mots, mais que dire lorsque les contraventions sont horodatées par les agents dans le futur, au-delà de l’heure du ticket de stationnement par exemple ? C’est ce qui m’est arrivé… et bonjour la galère pour contester.

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PV abusif, la nouvelle combine des pervenches

PV abusif, la nouvelle combine des pervenches
Gare aux automobilistes en règle, le PV n’est pas impossible. (Photo ADEUPa / FlickR / cc)

Si c’est pas du Kafka, on s’en rapproche… Sur le point de monter dans ma voiture, je vois qu’un procès-verbal est posé sur le pare-brise. Motif : dépassement du temps autorisé en stationnement. Je pouvais rester jusqu’à 14h01, l’agent a pointé 14h33 sur le PV. Et hop, une amende de 17€.

Seul problème : il n’était que 12h20 quand j’ai récupéré mon véhicule. Les agents du stationnement de la Ville de Strasbourg se seraient-ils mis à anticiper les infractions ? Lanceraient-ils des paris entre eux ? Ont-ils des problèmes d’objectifs à tenir ? Quoi qu’il en soit, il peut s’avérer difficile, voire impossible, de contester la verbalisation des agents de surveillance de la voie publique (ASVP), car ils sont assermentés. Surtout lorsque la personne n’habite pas le quartier ou la ville, et arrive pile à l’heure autorisée, sans moyen de prendre des preuves de la contravention abusive. Alors comment faire ?

Trouver le bon interlocuteur

Sur le procès verbal figure l’adresse du Bureau des contraventions de la Ville, dépendant de la direction de la police municipale, à laquelle il faut envoyer la contestation. Mais pour signaler le problème et tenter de le régler directement, rien ne sert de s’y rendre : il n’y a pas de service d’accueil. Tout se déroule par courrier. Pour le savoir, encore faut-il appeler le bureau en question, après avoir cherché soi-même le numéro de téléphone, qui bien sûr ne figure pas sur la contravention. On vous le donne : 03 88 15 22 70.

Appeler l’association UFC Que Choisir 67 n’est d’aucun secours car « non compétente pour régler les différends entre les « faux délinquants » et les instances juridiques, seulement entre particuliers et professionnels ». Quant au greffe du Tribunal de Police, il ne pourra pas recevoir votre demande tant que la contestation n’aura pas été envoyée.

L’interlocuteur le plus apte à donner conseils et renseignements s’avère être le service juridique de l’Automobile Club Association (ACA). Si vous n’êtes pas membre, l’appel est facturé 0,34€/minute et vous n’aurez que des renseignements d’ordre général. En revanche, l’inscription à l’ACA (66€ par an) donne droit à des conseils détaillés et à des modèles de lettres.

Modèle de lettre de contestation
Modèle personnel de la lettre envoyée au Bureau des Contraventions

Contestation, mode d’emploi

Le service juridique de l’ACA est clair : « il faut pouvoir prouver par une photo l’abus de la contravention. Dans l’idéal, la photo doit être certifiée ». Mais pour une prendre une photo, encore faut-il avoir un appareil sur soi ! Avec un smartphone, il existe des applications qui permettent de certifier les photos prises. La Poste a lancé Digishoot. Existe aussi l’application de CodaSystem Shoot and Proof. Mais sans smartphone ?

« L’alternative est de prendre une photo avec son propre appareil numérique. Mais non certifiée, la photo pourra éventuellement être rejetée par le tribunal de police. Dans les faits, ce refus est rare. Dans le cas d’une photo prise soi-même, il faut bien penser à prendre sur le même cliché la contravention ainsi que l’heure et la date indiquées par l’horodateur. Et ne rien retoucher ! Il est encore possible d’apporter du poids à la contestation en ajoutant le témoignage d’une tierce personne. Mais ce témoignage seul ne suffira pas à contester l’amende. »

Comment contester une contravention abusive
Pour prouver l’abus du PV sans smartphone, bien penser à mettre en confrontation les informations du PV avec celles de l’horodateur (photo NH / Rue89 Strasbourg)

Une fois les photos imprimées et la lettre de contestation écrite (différents modèles existent selon le motif de contestation), il faut constituer un dossier avec le PV et retourner l’ensemble au bureau des contraventions, en envoi recommandé avec avis de réception. L’automobiliste est conseillé de ne rien payer. Si celui-ci règle la contravention, il reconnait implicitement son tort.

Le jugement final, entre un mois et un an d’attente

Le dossier de contestation doit être rapidement envoyé. Le temps que celui soit transmis à l’officier du ministère public (OMP, qui valide le contenu du dossier de contestation), il est possible que les 45 jours laissés pour régler l’amende soient dépassés. Survient alors une majoration.

L’OMP dispose d’un délai d’un an pour répondre à la contestation. Si la demande est régulière, l’OMP peut alors :

  • classer sans suite la contestation et l’automobiliste n’a rien à payer,
  • transférer la contestation au tribunal, qui pourra alors convoquer l’automobiliste et l’agent qui a établi la verbalisation pour recevoir leurs explications.

Payer 13€ pour en contester 17€

Au final, la contestation d’un PV abusif coûte au minimum 5€ (impression des photos plus l’envoi par lettre recommandée avec avis de réception à 4,75€ pour 50 grammes).

Dans mon cas, l’addition est plus salée :

  • l’appel au service juridique de l’Automobile Club m’a coûté 5,10€ (pour une conversation de 15 minutes),
  • l’impression des photos couleurs dans une boutique d’impression : 2,50€,
  • enfin le dossier à envoyer en recommandé avec avis de réception pour 5,38€ (lettre supérieure à 50 grammes).

Soit un total de 12,98€.

J’aurai mis près d’une heure pour appeler les différents services et faire des photos convenables. Sans compter les heures passées à rassembler et rédiger tous les papiers, et tout cela deux fois ! Car pour compliquer encore la tâche, le premier dossier que j’avais envoyé m’a été retourné. Le ticket horodateur (que j’avais pourtant bien joint dans l’enveloppe après avoir vérifié trois fois) s’étant soudain volatilisé. Pour éviter ce contre-temps, faites également des copies.

Lors de la nouvelle réception du dossier, et après m’être entretenu directement auprès du chef du service, le bureau des contraventions a convenu d’une « anomalie » et m’a confirmé que le PV serait bien annulé. Un courrier doit me parvenir, j’attends toujours. Je suis devenu méfiant.

Aller plus loin

Sur Les Échos : Dépénalisation du stationnement, tout le monde peut y gagner (tribune de Roland Ries)

Sur Service-Public.fr : Comment contester une amende forfaitaire


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