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Tram vers Kœnigshoffen : l’urgence des travaux contestée devant le juge administratif

Mardi 30 janvier, le tramway vers Kœnigshoffen était au cœur des échanges devant le tribunal administratif de Strasbourg. La présidente de l’Association des Habitants du Quartier Gare (AHQG) et l’avocat de deux sociétés civiles immobilières ont plaidé pour la suspension des travaux et l’annulation de la déclaration d’utilité publique. Les représentants de la préfecture du Bas-Rhin et de l’Eurométropole ont rejeté en bloc les arguments des requérants. Le juge administratif doit prendre une décision vendredi 2 février au plus tard.

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Tram vers Kœnigshoffen : l’urgence des travaux contestée devant le juge administratif

Le débat autour de l’extension du tramway vers Kœnigshoffen continue… cette fois devant le tribunal administratif de Strasbourg. Le 30 janvier, l’avocat des sociétés civiles immobilières (SCI) Double Grue et La Deffaye, Me Lionel Wirtz, ainsi que la présidente de l’Association des Habitants du Quartier Gare (AHQG), Anne-Marie Victor, ont plaidé pour la suspension des travaux.

Ils ont attaqué l’arrêté préfectoral et l’arrêté municipal déclarant d’utilité publique le détournement vers l’ouest de la ligne F du tramway strasbourgeois. La représentante de la préfecture du Bas-Rhin, Elise Ladrette, puis l’avocat de l’Eurométropole, Me François Benech, ont défendu au contraire la poursuite des travaux démarrés début janvier. Le juge administratif décidera, ou non, de suspendre ces travaux vendredi 2 février au plus tard. Le temps de se prononcer sur l’utilité publique dans plusieurs mois.

La CTS et la municipalité ont engagé les travaux à un rythme soutenu au mois de janvier 2018, avant l’examen du recours en référé. (photo JFG / Rue89 Strasbourg / Flickr / cc)

« L’Eurométropole a choisi de passer en force »

Lionel Wirtz a plaidé pendant plus d’une demi-heure. L’avocat des deux sociétés civiles immobilières a commencé par défendre l’intérêt à agir de ses clients. Les SCI Double Grue et La Deffaye possèdent des appartements situés à Strasbourg au 2, boulevard de Nancy. La construction du tram en face de leurs propriétés suffit, selon Me Wirtz, à justifier la requête en recours déposée.

L’avocat a poursuivi sa plaidoirie en accusant l’Eurométropole d’avoir illégalement démarré les travaux :

« Il était possible de déposer un recours contre la déclaration d’utilité publique jusqu’au 20 janvier 2018. J’ai écrit aux responsables de l’Eurométropole et de la Préfecture pour leur signaler le dépôt d’une plainte le 8 janvier. Je leur ai donc demandé de ne pas démarrer les travaux puisqu’une procédure judiciaire était lancée. Malgré tout, l’Eurométropole a choisi de passer en force en démarrant les travaux du tram F vers Kœnigshoffen dès le 15 janvier. »

Me Wirtz a tenté de convaincre le juge administratif sur deux points : l’arrêt des travaux doit être considéré comme « urgent » et des « doutes sérieux » doivent être mis en avant quant à la légalité de la déclaration d’utilité publique. Lionel Wirtz a invoqué l’impact du projet de tramway sur la forteresse Vauban, classée à l’inventaire des monuments historiques. L’avocat a aussi rappelé les découvertes archéologiques réalisées en octobre 2017 le long de la route des Romains.

Parmi ses derniers arguments, le défenseur des deux SCI a mis en avant des coûts sous-estimés du projet, une atteinte à la faune et à la flore de la ceinture verte de Strasbourg et l’absence de compensation au niveau des pertes de places de stationnement.

Les arbres du de boulevard de Nancy ont été arrachés. À ce carrefour, le tram F tournerait vers la rue du Faubourg-National, à gauche sur cette photo. (photo JFG / Rue89 Strasbourg)

« On crée un véritable goulot d’étranglement dans le quartier gare »

Aux côtés de l’avocat, la présidente de l’AHQG, Anne-Marie Victor, a entamé un plaidoyer beaucoup plus court :

« L’étude d’impact du projet ne répond pas aux risques de bouchons qu’entraîne le prolongement Ouest de la ligne F du tramway. En divisant par deux le nombre de voies, on crée un véritable goulot d’étranglement dans le quartier gare. Toutes ces voitures risquent d’être fréquemment à l’arrêt de la sortie d’autoroute, rue de Koenisghoffen à la place de la Porte-Blanche. Cela aura un impact négatif sur la qualité de l’air. »

La présidente de l’association a ensuite dénoncé l’impact écologique du projet de parking-relais en sortie d’autoroute :

« Le corridor 104, qui doit permettre à la faune de se déplacer, va être rendu plus étroit. La continuité du parcours de la faune est donc loin d’être garantie. »

Pour la préfecture, l’intérêt général prime

Les plaidoyers de la défense ont été beaucoup plus succincts. Elise Ladrette, représentante de la préfecture, a réaffirmé les neufs objectifs de la déclaration d’utilité publique. Parmi eux, on trouve le désenclavement des quartiers Ouest, la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) et des nuisances sonores. Et Elise Ladrette de conclure :

« Le projet déclaré d’utilité publique ne présente aucun inconvénient de caractère excessif au regard de son apport à l’intérêt général. La préfecture rejette donc l’ensemble des recours présentés par les demandeurs. »

Le coût des travaux retardés : l’argument phare de l’Eurométropole

Représentant de l’Eurométropole, l’avocat François Benech a remis en cause le préjudice causé à l’AHQG et aux deux SCI par les travaux :

« Le véritable préjudice, c’est l’actuelle congestion du trafic au niveau de la rue du Faubourg-National. Le projet va y remédier en favorisant le recours aux transports en commun, au vélo et à la marche. Globalement, il va même améliorer le cadre de vie des habitants du quartier : il y aura une plus grande végétalisation puisque le double des arbres arrachés seront plantés [en réalité, 190 replantés contre 150 déracinés, ndlr]. »

Avant les concertations sur l’aménagement, les arbres de la rue du Faubourg national ont été aussi arrachés. Dans le sens descendant vers la clinique, les voitures circulent sur l’ancien terre-plein. (photo JFG / Rue89 Strasbourg)

L’avocat de l’Eurométropole a aussi remis en cause l’intérêt de l’AHQG à attaquer la déclaration d’utilité publique :

« L’association n’est pas représentative de l’ensemble des citoyens, dont ceux de Kœnigshoffen, qui attendent avec impatience la réalisation du projet. »

Puis Me Benech a repris l’argument de l’urgence à son compte :

« Il y a un impératif à la poursuite du projet : les travaux autour des bretelles autoroutières doivent être réalisés entre mi-mai et mi-août 2018. Tout a été conçu pour profiter d’une moindre congestion de l’A35 pendant les congés estivaux. Si les travaux sont suspendus, le retard sera d’un an au moins. »

Et l’avocat de lier la suspension des travaux aux coûts qu’engendreraient une telle mesure :

« Plusieurs entreprises ont déjà été engagées par l’Eurométropole pour un montant de 4,5 millions d’euros. Ces entreprises peuvent accepter de retarder les travaux, mais à condition d’être dédommagées pour les équipes mobilisées à perte, les matières premières à stocker… Le projet pourrait ainsi coûter plus d’un million d’euros supplémentaires… »

Du côté de l’Eurométropole, la conclusion est la même : tous ces recours des demandeurs sont à rejeter.

À l’adresse d’une avocate qui attendait de plaider son dossier après celui du tramway strasbourgeois, le juge administratif s’est excusé pour la longueur inhabituelle de l’audience. Mais les débats autour de l’extension du tram vers Kœnigshoffen sont loin d’être terminés…


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