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Régionales : après la poussée du FN en ALCA, intense pression sur Masseret

Le président sortant du conseil régional de Lorraine et sénateur Jean-Pierre Masseret (PS) est invité par la droite, les écologistes et même par le Parti socialiste à se retirer, pour ne pas donner les clés de la nouvelle grande région ALCA au Front National. Mais l’intéressé ne veut pas s’y résoudre, et parie sur un sursaut républicain.

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Jean-Pierre Masseret pourra-t-il se maintenir contre une partie de la gauche ? (Photo EJ / Rue89 Strasbourg)

Jean-Pierre Masseret pourra-t-il se maintenir contre une partie de la gauche ? (Photo EJ / Rue89 Strasbourg)
Jean-Pierre Masseret pourra-t-il se maintenir contre une partie de la gauche ? (Photo EJ / Rue89 Strasbourg)

À l’issue du premier tour des élections régionales, le Parti socialiste a retiré ses listes des régions où il était « devancé par la droite et où il existait un risque Front National ». Il y aura donc un duel entre la droite et l’extrême-droite en Provence – Côte d’Azur et dans le Nord-Pas de Calais Picardie. Mais pour le moment, pas en Alsace – Lorraine – Champagne – Ardenne (ALCA).

Parce qu’il n’existe pas de « risque FN » ? Avec un score de 36,06% des suffrages exprimés à l’issue du premier tour, loin devant les 25,83% de la liste de droite menée par Philippe Richert (Les Républicains), on pourrait pourtant le croire.

Non, il n’y a pas de retrait socialiste en ALCA tout simplement parce que Jean-Pierre Masseret, dont la liste a atteint 16,7% dimanche, « ne peut pas imaginer qu’il n’y ait aucune voix de gauche dans cette assemblée pendant 6 ans » :

(Vidéo Emmanuel Jacob)

Appels angoissés d’une partie des Socialistes

Le maire de Strasbourg Roland Ries (PS) et le président du conseil départemental de la Meurthe-et-Moselle, Mathieu Klein (PS), ont appelé Jean-Pierre Masseret à prendre la mesure de la menace que fait peser le Front National sur cette région. Et lundi matin, Jean-Christophe Cambadélis, secrétaire général du PS, a indiqué que Jean-Pierre Masseret devrait se conformer à la décision du bureau national, à savoir se désister.

Ils ont fait leurs calculs et ils ont constaté qu’au second tour, même dans le cas d’un report de toutes les voix de Debout La France (4,78%) et de l’Union pour la République (UPR, 1,23%) sur Philippe Richert, ce qui est loin d’être évident, le Front National serait quand même en tête.

Or la répartition des élus au sein de la future assemblée prévoit qu’un quart des 169 sièges soit accordé à la liste arrivée en tête et que le reste soit réparti en fonction des scores. Autrement dit, avec un Front national à 37% dimanche prochain, les élus frontistes pourraient être 89 à 91 dans la future assemblée, soit en position de majorité absolue. Dans ces conditions, l’hypothèse d’une alliance de gouvernement entre les élus de droite et de gauche s’envole.

Mais le président sortant du conseil régional lorrain et sénateur ne semble pas faire grand cas de ces avis. Il a répondu par sms à Jean-Christophe Cambadélis, indique l’AFP, qu’il ne se désisterait pas. Car pour lui, la gauche n’a pas à « systématiquement se retirer ».

Partie de poker serrée

En fait, Jean-Pierre Masseret se lance dans une partie de poker serrée avec Philippe Richert. Son objectif est que l’ancien ministre alsacien arrive aux mêmes conclusions que lui, c’est à dire que la droite ne peut gouverner seule l’ALCA avec un Front National aussi élevé dans les urnes. Dans ces conditions, Philippe Richert pourrait être tenté d’inclure quelques socialistes sur ses listes de second tour, afin d’additionner les voix de droite à celles de gauche, et arriver ainsi en tête au second tour (41% contre 37%).

Mais Philippe Richert n’a jamais envisagé cette stratégie. Lui dont la carrière s’est quasiment toujours faite dans les campagnes alsaciennes bleu-horizon n’entend pas dévier d’un iota de la course qu’il s’est tracée, qui part d’un large rassemblement du centre et de la droite, devant logiquement mener à la tête de cette grande région. Interrogé dimanche soir, Philippe Richert parle de « 65% des électeurs ne veulent pas du FN » :

(Vidéo Emmanuel Jacob)

Sauf que l’ambiance générale de repli sur soi, la montée des nationalismes partout en Europe, le refus de la réforme territoriale dans les régions et les attentats ont favorisé le vote FN et le vote autonomiste, bien au-delà du niveau que les états-majors avaient anticipé puisque l’extrême-droite est en mesure d’arriver en première position dimanche 13 décembre.

L’appel à une démocratie à la scandinave de Sandrine Bélier

C’est pourquoi Sandrine Bélier (EELV), dont la liste a réalisé le score honorable de 6,7%, appelle à une « coalition démocratique » :

(Vidéo Emmanuel Jacob)

L’ancienne eurodéputée de Strasbourg aimerait que Philippe Richert modifie ses listes pour y inclure quelques socialistes et quelques écologistes, la seule stratégie selon elle pour faire efficacement barrage au Front National à ce stade. Intervenant sur le plateau de France 3 Alsace, Sandrine Bélier en a profité pour glisser à Jean-Pierre Masseret « qu’elle ne rejoindrait pas une liste de gauche qui n’aurait comme finalité que de faire gagner le Front National », histoire d’ajouter un peu de pression au sénateur socialiste.

Les candidats n’ont que peu de temps pour s’accorder, puisque les listes du second tour doivent être déposées mardi midi dans chacun des dix départements de l’ALCA. Une alchimie complexe qui fait dire à Philippe Richert qu’il n’y a plus rien à négocier. Mais avec les autonomistes qui seront bien difficiles à mobiliser et une partie des petits partis de droite qui pourraient voter FN, le chemin de Philippe Richert vers la présidence de la région ALCA se ferme vite.

Au final, Philippe Richert, Jean-Pierre Masseret et Sandrine Bélier devront faire quelques pas les uns vers les autres, s’ils veulent éviter de subir six années de gouvernement FN de la région. Est-ce si difficile ?

(Mis à jour à 8h15 avec les déclarations de Jean-Christophe Cambadélis)


#élections régionales 2015

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