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Vainqueur grâce à la gauche, Philippe Richert va devoir se contraindre aux consensus

La digue contre le Front National a tenu. Dimanche, Philippe Richert (LR) est sorti très largement vainqueur des élections régionales dimanche, en profitant d’un regain de mobilisation des électeurs. Arrivé deuxième, Florian Philippot (FN) a néanmoins convaincu un inscrit sur cinq. Troisième, Jean-Pierre Masseret siègera dans la future région ALCA.

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Philippe Richert, dimanche soir devant les militants Les Républicains (Photo EJ / Rue89 Strasbourg)

Philippe Richert, dimanche soir devant les militants Les Républicains (Photo EJ / Rue89 Strasbourg)
Philippe Richert, dimanche soir devant les militants Les Républicains (Photo EJ / Rue89 Strasbourg)

Arrivé en tête des élections régionales dimanche avec 48,40% des suffrages exprimés, Philippe Richert (Les Républicains) a reconnu lors de son discours qu’il devait cette victoire aux électeurs de gauche et écologistes. Et de fait, le président sortant du conseil régional alsacien a largement profité de l’exceptionnelle mobilisation des électeurs lors de ce second tour (59,02% des inscrits contre 47,91 au premier tour, soit +11 points). Il fait plus que doubler le nombre de ses électeurs, passant de 459 212 suffrages à 1 060 029 ! Il aurait été difficile de ne voir dans ces résultats qu’une mobilisation de la droite.

Philippe Richert : « Des résultats porteurs d’une immense espérance »

De leur côté, Florian Philippot (FN) est arrivé deuxième avec 36,08% des suffrages exprimés et Jean-Pierre Masseret, qui a maintenu sa liste malgré l’injonction du Parti socialiste de la retirer, a obtenu 15,51% des suffrages.

Mais c’est maintenant que Philippe Richert est attendu au tournant. Avec ce score, il devient l’un des présidents de région les mieux élu de France, avec Xavier Bertrand (LR) en Nord-Picardie et Christian Estrosi (LR) en PACA. Grâce à la prime qui accorde à la liste arrivée en tête un quart des sièges, le futur conseil régional comptera 104 sièges « Les Républicains » sur 169. Autrement dit, Philippe Richert retrouvera en ALCA une confortable majorité absolue de droite à laquelle il est habitué en Alsace.

Sortir du modèle alsacien

Voilà une situation qui n’a rien pour rassurer les élus de gauche, qu’ils soient élus malgré eux, comme Pernelle Richardot, tête de liste socialiste dans le Bas-Rhin, ou qu’ils aient renoncé à se représenter au second tour, comme Sandrine Bélier (EELV).

Car Philippe Richert a été critiqué, y compris par la droite, d’avoir mené une campagne « à l’alsacienne », faite de rencontres avec les élus locaux et de petits meetings centrés sur les enjeux régionaux, quand son rival du Front National menait lui une campagne thématique, inspirée par la souffrance d’une partie de la population. Dimanche soir sur France 3, l’ex-candidat socialiste Jean-Pierre Masseret l’a redit à Philippe Richert :

« Le modèle alsacien n’est pas transposable à la grande région. Il faut en considérer tous les territoires et les spécificités. »

Et parmi ces spécificités, il y a les différences de développement, de niveau de vie moyen, d’éducation et d’accès à la culture entre les bassins de vie qui composent l’ALCA. Sur ces questions, la visualisation des résultats du second tour des élections régionales est éloquente (voir la carte ci-dessous).

Résultats à l'issue du second tour
Modélisation des résultats à l’issue du second tour. En bleu, la liste de droite, en noir, la liste du Front National, en rose, la liste de Jean-Pierre Masseret (carte Raphaël Da Silva)

Elle confirme que le vote FN s’est exprimé en majorité dans les territoires ruraux, dans les territoires en déshérence. Des zones à l’écart des principales voies de communication, délaissées, peu fréquentes en Alsace mais hélas nettement plus nombreuses en Lorraine et en Champagne-Ardenne. Ces situations ne disparaîtront pas de sitôt et continueront de nourrir le ressentiment d’une partie des citoyens.

Le FN en ALCA : un électeur sur cinq

Et d’autres élections viendront ponctuer la vie politique, élections pour lesquelles il ne sera pas toujours évident de maintenir ce « barrage républicain » contre le Front National. Déjà entre les deux tours de ces élections régionales, le FN a progressé de 150 000 voix. Avec 790 141 suffrages recueillis, le parti d’extrême-droite a séduit 36,08% des exprimés mais surtout 20,33% des inscrits. Un électeur sur cinq a voté Florian Philippot.

Face à cette colère, pas sûr que le centrisme à l’alsacienne suffise. Entre les deux tours, Philippe Richert a évoqué la création d’un conseil des sensibilités, composé par les tendances politiques présentes au premier tour. Pour Sandrine Bélier, il est urgent qu’on réinjecte de la « démocratie, du débat et de la représentativité » dans le système, faute de quoi le risque est grand de retrouver à nouveau le Front national en position de force lors des prochaines élections :

Philippe Richert est donc investi d’une délicate mission : outre gérer cette immense région de 5,5 millions d’habitants, il devra réconcilier les électeurs avec la politique locale tout en instaurant au sein de la démocratie régionale un espace pluripartite de discussion, parallèle au conseil régional. En d’autres termes, Philippe Richert devra s’amputer lui-même d’une partie de sa liberté d’action, au nom de la recherche du consensus.

Ce sera très compliqué mais échouer à l’une ou l’autre de ces missions reviendrait à nier les efforts consentis par les électeurs de gauche pour éviter que leur nouvelle région ne soit gérée par l’extrême-droite. Or, les élus de droite et de gauche risquent d’en avoir encore besoin prochainement.


#élections régionales 2015

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