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Vivre de sa cueillette à Strasbourg, bientôt possible

D’ici quelques semaines, un groupe de 40 familles démarrera les plantations d’arbres, arbrisseaux et légumes sur 8 000 mètres carrés de terrain dans le secteur Saint-Gall à Kœnigshoffen. Ce « jardin-forêt » ou « jardin à croquer » sera cultivé en permaculture, un concept écolo total, porté par Christophe Köppel de l’association Brin de paille. Interview.

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Vivre de sa cueillette à Strasbourg, bientôt possible

Christophe Köppel, initiateur du projet de permaculture dans le quartier Saint-Gall à Kœnigshoffen (Photo MM / Rue89 Strasbourg)
Christophe Köppel, initiateur du projet de permaculture dans le quartier Saint-Gall à Kœnigshoffen (Photo MM / Rue89 Strasbourg)

Architecte et paysagiste, jardinier permaculteur et écologiste convaincu, Christophe Köppel lance ces prochaines semaines un chantier d’envergure dans le secteur Saint-Gall, à l’entrée de Kœnigshoffen, en limites du cimetière et des jardins familiaux, à une encablure de l’un des deux camps roms de Strasbourg. Avec une quarantaine de familles (environ 60 personnes), habitants des quartiers Montagne-Verte et Kœnigshoffen mais pas seulement, ce jardinier hors normes va transformer un ancien champ de maïs aujourd’hui envahi par les herbes folles en « jardin-forêt » ou « jardin à croquer », un concept nouveau de jardin partagé visant à l’autonomie alimentaire des participants, en tout cas pour ce qui concerne les légumes et les fruits.

Rue89 Strasbourg : quelles différences entre ce projet de permaculture et les jardins partagés tels qu’on les connaît déjà à Strasbourg ?

Christophe Köppel : « Au départ, nous voulions créer une ferme urbaine sur des terrains en friches cultivables. Et puis nous avons eu une opportunité lors de la création du Parc naturel urbain. L’équipe qui pilote ce projet à la Ville nous a proposé la mise à disposition gratuite du terrain de Saint-Gall en septembre 2012. Une chance qui ne se présente qu’une fois dans une vie ! A la différence des jardins partagés, qui ne suffisent pas à la subsistance des jardiniers mais créent surtout du lien social, notre projet de permaculture vise à alimenter en produits frais (légumes feuilles, légumes racines, petits et gros fruits…) les familles participantes toute l’année.

Il ne s’agit pas non plus de prêt-à-consommer comme avec les systèmes de paniers préparés à l’avance. Nos jardiniers – un nombre forcément restreint – feront eux-mêmes la cueillette de ce qu’ils auront planté. Il faudra beaucoup s’investir les deux premières années, en consacrant environ deux matinées par mois à la création du jardin. Notre groupe est au complet, mais il risque d’y avoir pas mal de turn over au début, parce que les gens même enthousiastes ne trouveront pas forcément le temps… »

Le jardin sera partagé en six espaces correspondant à des groupes de 6 à 8 familles qui fonctionneront de façon autonomes (Document remis)
Le jardin sera partagé en six espaces correspondant à des groupes de 6 à 8 familles qui fonctionneront de façon autonome (Document remis)

Rue89 Strasbourg : alors, la permaculture, qu’est-ce que c’est ?

Christophe Köppel : « La permaculture diverge du maraîchage classique puisqu’elle se fait sans arroser et surtout sans travailler le sol (désherbage, binage, sarclage…). Notre but est de créer un état stable en cultivant la vie du sol, en maintenant un couvert végétal et en favorisant un humus riche grâce au compost. Les participants devront ramener leurs déchets de cuisine : tout ce qui sort doit revenir amender la terre. C’est la balance des entrants et des sortants. Lorsque l’on cultive des légumes racines par exemple, on prélève des éléments qu’il faut ensuite ramener dans le sol, sinon il s’appauvrit.

On pratique ce que l’on appelle la culture sous couvert. C’est à dire qu’il y a partout 6 à 7 étages de culture : les rampants (luzerne, lierre terrestre…), les légumes et herbacées (des plantes perpétuelles adaptées au milieu, légumes anciens, variétés sauvages de poireaux, épinards, salades…), puis les buissons, les arbrisseaux et les arbres. Plantés dans le jardin, ils permettent de remonter l’eau, limitent l’évaporation et apportent un ombrage tournant. S’y ajoutent les grimpants et champignons. Avec des serres basses (au centre du jardin), on aura également des fruits intéressants toute l’année et des grosses salades en hiver. »

Un "jardin-forêt" en permaculture, en Nouvelle-Zélande (Document remis)
Un « jardin-forêt » cultivé selon les principes de la permaculture, en Nouvelle-Zélande (Document remis)

Rue89 Strasbourg : combien cela va-t-il coûter ?

Christophe Köppel : « L’adhésion à l’association Brin de paille Alsace qui porte le projet est gratuite. Mais les participants donneront du temps de travail qui est comptabilisé dans notre budget de 40 000€. La Ville de Strasbourg nous cède l’usage du terrain gratuitement, installe une clôture et finance l’achat de grands végétaux pour le démarrage à hauteur de 17 700€.

Cette plantation est une concession qui ne correspond pas aux principes de la permaculture, mais c’était la condition du soutien de la collectivité, qui nous fixe des obligations de résultats dans les 2 ans. A noter : Strasbourg sera la 1ère ville en France à promouvoir ce type de projet ! En contrepartie, il faut que quelque chose soit visible rapidement, ne serait-ce que pour ne pas avoir des riverains qui râlent à cause de ce qu’ils croient être un terrain en friches ! »

Rue89 Strasbourg : ce projet est censé se faire avec les gens du quartier. Quelles réactions avez-vous rencontrées lors des réunions avec les riverains ?

Christophe Köppel : « Notre projet est bouclé depuis le printemps, mais tout a été bloqué à cause de quelques habitants seulement. Aux réunions, ils sont arrivés avec trois problématiques. D’abord, le camp de Roms. Ils ont annoncé que tant que le camp n’était pas évacué, ils seraient contre le projet de permaculture et de jardins partagés à côté. L’adjoint de quartier Éric Elkouby a dû régler le problème avec eux, parce qu’ils n’en ont plus parlé depuis un moment. Le second souci, c’était le stationnement et le trafic. La Ville proposait de créer 30 places – nous étions contre – et les riverains, victimes d’incivilités de jeunes sur un parking au sud du site, n’en ont pas voulu. le parking a été réduit à 4 places, puis à aucune, ce qui nous va bien.

Puis les craintes se sont cristallisées autour du projet de la Maison du compost, au nord du champ de maïs, sur l’une des deux clairières. L’association qui porte ça compte installer 5 composteurs d’un mètre cube et accueillir des petits groupes une fois par semaine pour expliquer le compostage notamment aux représentants de copropriétés, or les riverains ont cru que des cars de touristes allaient défiler ! On a réussi à dissocier les projets de permaculture d’un côté, de compost et de jardins de l’autre pour pouvoir avancer. Normalement, notre clôture sera posée cette semaine et 70% des plantations seront faites d’ici le printemps. »

Le futur jardin en permaculture était cultivé en maïs jusqu'en 2012. Le bail de l'agriculteur n'a pas été renouvelé par la Ville de Strasbourg (Document remis)
Le futur jardin en permaculture était cultivé en maïs jusqu’en 2012. Le bail de l’agriculteur n’a pas été renouvelé par la Ville de Strasbourg (Document remis)

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