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À Strasbourg, des soignants vaccinés avec le lot suspect d’AstraZeneca, suspendu dans 5 pays d’Europe

À Strasbourg, depuis mi-février, plusieurs soignants ont été vaccinés avec le lot ABV5300 d’Astra Zeneca. Un mois plus tard, l’utilisation de ce lot a été suspendue dans cinq pays d’Europe suite au décès d’une infirmière de 49 ans en Autriche. La France, elle, continue de l’utiliser.

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À Strasbourg, des soignants vaccinés avec le lot suspect d’AstraZeneca, suspendu dans 5 pays d’Europe

Jeudi 11 mars. Alice (le prénom a été modifié) écoute l’allocution du ministre de la Santé. Olivier Véran évoque brièvement la suspension du vaccin AstraZeneca dans certains pays d’Europe ainsi qu’un lot précis suspecté et suspendu en Italie. Cadre dans le domaine de la santé, Alice a été vaccinée trois jours plus tôt au centre de vaccination de SOS Médecins, dans le quartier de Neuhof. Elle cherche son certificat de vaccination et découvre que le lot utilisé fait partie des suspects. Le lot ABV5300 a été suspendu en Estonie, Lituanie, Lettonie, au Luxembourg et en Autriche, suite au décès d’une infirmière autrichienne.

Certificat de vaccination d’Alice, qui découvre avoir été vaccinée avec une dose issue du lot suspendu dans 5 pays européens (document remis).

Précaution locale, feu vert national

Selon nos informations, le comité de pilotage (Copil) de la campagne de vaccination dans le département a envisagé un temps de suspendre localement l’utilisation du vaccin AstraZeneca dans l’après-midi du jeudi 11 mars. Le Copil décide donc d’attendre le feu vert du gouvernement pour continuer la vaccination. Ce que fait finalement le ministre de la Santé, lors du point presse du jeudi soir.

Lors de son allocution, Olivier Véran n’a pas abordé la problématique du lot ABV5300 précisément. Il a seulement évoqué, sans la nommer, la suspension du lot numéro ABV2856 en Italie, à titre de précaution :

« Sur le vaccin AstraZeneca, le Danemark, la Finlande et l’Islande ont suspendu par précaution et jusqu’à nouvel ordre l’utilisation du vaccin AstraZeneca en raison de craintes liées à la formation de troubles de la coagulation sur de très rares personnes vaccinées, dont une est hélas décédée. Dans le même temps, l’Agence nationale de la santé danoise souligne qu’à l’heure actuelle on ne peut pas conclure à l’existence d’un lien entre le vaccin et ces troubles de la coagulation.

L’Italie a décidé quant à elle de suspendre un lot seulement des vaccins pour analyse, un lot qui n’est pas utilisé sur le territoire français. J’ai saisi dès ce matin l’Agence nationale de la sécurité du médicament (Ansm) de la question, afin d’y apporter un éclairage. D’après l’Ansm, suivie par l’Agence européenne du médicament, il n’y a pas lieu de suspendre la vaccination par AstraZeneca. Des enquêtes sont menées systématiquement à chaque fois qu’un effet indésirable grave est déclaré. Sur cinq millions d’Européens, trente personnes ont présenté des troubles de la coagulation. »

Manque de prévention et de transparence

Suite à cette allocution, et à la découverte du lot utilisé pour la vacciner, Alice est en colère. Elle estime qu’une prévention spécifique devrait être mise en place pour les personnes ayant reçu le même lot suspect qu’elle :

« Les données de vaccination sont enregistrées par l’Assurance Maladie. Je pense qu’une requête sur le lot suspect prend 30 secondes pour trouver les personnes concernées. J’espère que les médecins des centres vont contacter les personnes vaccinées, pour qu’on puisse prendre des anticoagulants quelques jours, ça permettrait de nous protéger. Je ne comprends pas qu’ils ne prennent pas cette mesure de prévention. »

Le vaccin d’AstraZeneca est plus simple à manipuler Photo : Marco Verch / FlickR / cc

Infirmière libérale à Strasbourg, Mélanie a reçu sa première dose d’AstraZeneca le 18 février. C’est aussi au centre de vaccination de SOS Médecins au Neuhof qu’on lui a injecté une dose du lot ABV5300. Alertée par une collègue sur la suspension du lot dans cinq pays dans la matinée du 12 mars, elle regrette un manque de transparence du gouvernement sur le sujet :

« Depuis le début de la crise, avec les mensonges sur les masques, je n’ai pas confiance dans le gouvernement. Le ministre de la Santé promet la transparence mais dans cette allocution, il aurait pu dire que le lot ABV5300 a été utilisé en France.

Je suis pro-vaccination. Je reste persuadée que c’est ce qui va nous sortir de cette situation. Mais dans le doute, on ferait mieux de suspendre l’utilisation de ce lot, sinon il n’y a aucune anticipation… Surtout qu’on est maintenant alertés par d’autres pays. Je ne pense pas qu’ils sont moins compétents que nous. Et au pire, si ça ne montre aucune gravité, on le réutilisera. »

Confiance dans une surveillance poussée

Mais tous les soignants vaccinés avec le lot ABV5300 ne sont pas inquiets pour autant. Ainsi, Franck (le prénom a été modifié), pharmacien, « reste confiant sur l’innocuité et la surveillance accrue de la vaccination. »

Responsable médical du centre de vaccination de Schiltigheim et médecin généraliste, Raymond Attuil partage cette confiance dans le vaccin AstraZeneca et décrit un système de surveillance très poussé pour détecter des effets indésirables :

« La semaine dernière au centre de vaccination, on a examiné quelqu’un. Le médecin lui dit tu vas t’asseoir là bas. En s’asseyant, il s’est fait une fracture du col du fémur. On ne l’avait pas encore vacciné, mais s’il avait fait sa fracture deux minutes plus tard, on aurait classé ça en effet indésirable. »

« 30 cas de thromboses multiples en Europe sur environ 5 millions de personnes »

Préfecture, Ville de Strasbourg, SOS Médecins. Tous ces interlocuteurs nous ont renvoyé vers l’Agence régionale de santé pour en savoir plus sur l’utilisation du lot ABV5300 à Strasbourg. L’ARS Grand Est considère ainsi qu’il n’est pas « utile à cet stade » d’informer les vaccinés concernés par ce lot, tout en rappelant qu’ils peuvent consulter leur certificat de vaccination.

L’ARS préfère éviter « d’inquiéter les personnes vaccinées sur la base d’une alerte sans fondement démontré, à ce stade. (…) L’Agence nationale de la sécurité du médicament, suivant les recommandations de l’Agence européenne du médicament, indique qu’il n’y a pas lieu de suspendre l’utilisation du vaccin AstraZeneca à ce stade. Le nombre de cas d’évènements thromboemboliques chez les patients vaccinés n’est pas supérieur au nombre de cas qui seraient habituellement observés dans la population générale. Les avantages du vaccin continuent de l’emporter sur ses risques. (…) De nouvelles données pourraient amener l’ANSM à réviser cette position. »


#Vaccin

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