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À Strasbourg, le Bastion social veut attirer les régionalistes

Pour « réenraciner la jeunesse alsacienne », le Bastion social Strasbourg a lancé une nouvelle organisation : « Die Heimat ». Samedi 21 juillet, le local du groupuscule d’ultradroite devait accueillir Pierre Rieffel, un autonomiste alsacien condamné pour des attentats contre le musée du Struthof et la croix de Lorraine à Thann, symbole de la résistance contre l’occupation nazie. L’invité a finalement annulé sa venue.

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À Strasbourg, le Bastion social veut attirer les régionalistes

« Die Heimat vous conseille vivement cette magnifique randonnée du Geisfels. » À Strasbourg, le Bastion social développe une nouvelle branche, entre tourisme et culture. Mais l’ambition du groupuscule d’ultradroite reste la même : convaincre de nouveaux adhérents de rejoindre le mouvement « nationaliste révolutionnaire ». Samedi 21 juillet, le bar des nationalistes devait accueillir Pierre Rieffel. Cet autonomiste fervent est connu pour avoir participé à plusieurs attentats entre 1976 et 1981. Mais l’habitant de Breitenbach a finalement annulé la présentation de son livre traduit de l’allemand vers le français « Ma vie pour l’Alsace » (voir encadré).

« Les loups noirs » : autonomistes et terroristes

Avec le groupe terroriste « Les loups noirs », l’invité du bastion social a dynamité deux fois la croix de Lorraine de Thann. La première explosion a eu lieu en mars 1981. Le symbole de la résistance à l’occupant nazi a ensuite été reconstruit… puis détruit à nouveau par la même bande en septembre 1981. Pierre Rieffel a aussi été condamné pour l’incendie du musée du camp de concentration du Struthof dans la nuit du 12 au 13 mai 1976.

Coauteur de l’ouvrage « Les loups noirs : autonomisme et terrorisme en Alsace », Bernard Fischbach s’est entretenu à plusieurs reprises avec Pierre Rieffel et parle d’un homme qui « déteste la France, et disait qu’il fallait se battre contre la France pour l’autonomie de l’Alsace. »

L’ancien journaliste à L’Alsace évoque aussi la rancœur personnelle d’un homme ayant vu son père accusé de collaboration avec les nazis. Pendant la Libération, il a d’abord été interné dans le camp du Struthof par les Alliés. En décembre 1946, il a été condamné à sept ans de prison. Dans son ouvrage, l’auteur précise :

« Le camp de concentration Natweiller-Struthof n’évoque pour lui [Pierre Rieffel, ndlr] que le visage douloureux de son père derrière les barbelés. Une image obsédante au point d’occulter un certain nombre de malheureuses et d’atroces réalités. »

Une stratégie bien définie dans la « bible » du Bastion social

Cette tentative de rapprochement des nationalistes avec les régionalistes alsaciens ne va pas de soi. Mais cette convergence s’inspire du « manifeste du nationalisme révolutionnaire », la « bible » de tout militant du Bastion social, dans lequel François Duprat, ancien numéro 2 du FN et théoricien des mouvements d’extrême-droite, détaille :

« Il est indispensable que les nationalistes révolutionnaires collaborent avec les autres fractions de l’opposition nationale. »

Extrait de la vidéo résumant l’université d’été 2018 du Bastion social. (capture d’écran)

Les membres du Bastion Social Strasbourg ont bien appris la leçon de François Duprat. Lors de l’université d’été du groupuscule, fin juin, ils portaient tous un t-shirt avec son nom et deux semaines plus tard, les jeunes militants strasbourgeois lançaient « Die Heimat », le « chez-soi » en français.

Sur Facebook, la page met en avant l’Histoire et les traditions alsaciennes. Les premières publications abordent les particularités des villages de Mittelwihr ou Heiligenstein :

« Située au pied du mont Sainte-Odile, Heiligenstein est surtout connue pour son klevener, cépage unique dans la région et servant à produire un vin blanc classé AOC alsace : le klevener de Heiligenstein. »

Impression d’écran de la page Facebook de la nouvelle initiative du Bastion social Strasbourg.

L’objectif n’est pas seulement de recruter de nouveaux adhérents parmi les régionalistes. Le manifeste de François Duprat incite aussi ses lecteurs à empêcher toute forme de vivre-ensemble :

« L’approche de la crise qui marque encore confusément la vie de notre pays nous impose une stratégie de tension. Nous devons essayer d’aggraver les contradictions internes de la société et de l’État, en nous opposant à toute tentative de “conciliation nationale”. »

Port d’arme et organisation de combat

Le guide du nationalisme révolutionnaire fait aussi l’apologie du « droit pour tout citoyen de détenir à son domicile des armes pour sa défense. » Ce manifeste, réédité par le Bastion social, évoque la nécessité de monter une « organisation de combat » avec un objectif clair :

« Dans l’hypothèse où le mouvement nationaliste révolutionnaire dispose des forces nécessaires à une lutte violente et soutenue, si ces forces sont disciplinées et organisées, il peut rallier à lui les masses de droite, qui recherchent toujours une force susceptible de les rassurer. »

Sur la page Facebook du Bastion Social, une vidéo résume la première université d’été du groupuscule. Suite à une présentation, le clip met en avant une session de boxe en plein air. Lors de l’unique interview de Rue89 Strasbourg avec le président de la section strasbourgeoise, une salle de musculation avait été évoquée comme un futur projet pour L’Arcadia, le bar associatif du Bastion social de Strasbourg.

Pendant l’université d’été du Bastion social, les militants apprennent aussi à se battre.

Thomas Beauffet, l’auteur de l’agression du 9 décembre 2017 contre un Franco-algérien à Strasbourg, apparaît aussi dans le résumé de cette université d’été de l’ultradroite.


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