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Abdelhaq Nabaoui veut installer la Fondation des œuvres de l’islam de France à Strasbourg

Murat Ercan, du Ditib, a laissé jeudi la présidence du conseil régional du culte musulman à son allié Abdelhaq Nabaoui, de Musulmans de France. L’occasion de tirer le bilan de son mandat et d’affirmer les priorités de la jeune institution cultuelle pour la suite.

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Abdelhaq Nabaoui veut installer la Fondation des œuvres de l’islam de France à Strasbourg

Murat Ercan, de l’organisation d’obédience turque Ditib, a laissé la présidence du conseil régional du culte musulman (CRCM) d’Alsace jeudi 22 juin à Abdelhaq Nabaoui à l’occasion d’un dîner officiel de rupture du jeune du Ramadan. Aumônier national des hôpitaux et aumônier aux armées pour le Grand Est, le représentant des associations musulmanes alsaciennes affiliées à l’organisation Musulmans de France- ex-UOIF – prend la tête de l’institution représentative des musulmans d’Alsace pour deux ans.

En 2013, les élections du CRCM avaient porté une coalition entre le Ditib et le Millî Gorüs, toutes deux d’obédience turque, et l’ex-UOIF. Les représentants des trois mouvements avaient alors décidé de mener le CRCM collégialement et de s’en partager la présidence, deux ans chacun.

Plusieurs voix ont dénoncé lors de ces deux dernières années la confusion entretenue par Ditib, organisation représentante de l’islam officiel turc sous la houlette d’Ankara, entre la dite association et l’institution régionale alsacienne porte-parole de tous les Musulmans d’Alsace.

Murat Ercan le 22 juin 2017 dans les locaux de l'association Ditib. (crédit CG / Rue89 Strasbourg / cc)
Murat Ercan le 22 juin 2017 dans les locaux de l’association Ditib. (Photo CG / Rue89 Strasbourg / cc)

Le « souci de l’union et du dialogue »

À l’occasion de la cérémonie de passation de pouvoir, Murat Ercan a rappelé que son mandat avait été guidé par le « souci de l’union et du dialogue ». Ces deux années ont notamment donné lieu à une nouvelle organisation de l’abattage rituel pour les fidèles alsaciens, d’abord par le CRCM puis par la mosquée Eyyub Sultan de la Meinau (Millî Gorüs).

Dans le cadre de l’instance de dialogue avec l’islam mise en place par la préfecture en réponse aux attentats, le CRCM a travaillé à la rédaction d’une charte de l’imam, reprise en de nombreux points dans les travaux qui ont suivi à Paris, au sein du Conseil français du culte musulman. Murat Ercan a aussi rappelé qu’au cours de son mandat le CRCM a pu débloquer l’octroi d’un poste d’aumônier à temps plein pour les hôpitaux publics de Strasbourg. Le CRCM a aussi amorcé la réflexion pour un projet de cimetière musulman à Colmar, dont l’ouverture serait prévue pour le printemps 2018.

L’enseignement interreligieux et interculturel en suspens

Le franco-turc a souhaité la réussite du projet d’un enseignement interreligieux et interculturel dans les établissements scolaires alsaciens. A l’heure actuelle, ce projet consisterait à créer de nouveaux cours interreligieux intégrant l’islam et le bouddhisme notamment dans le cadre des cours de religion que le Rectorat a l’obligation d’organiser en Alsace. Ces cours seraient présentés au Rectorat sous la houlette des cultes reconnus. Pour l’heure, pour ne pas passer en force, les porteurs du projet seraient dans l’attente d’une décision politique de soutien de la part de l’Éducation nationale.

Dans le même temps, un des nouveaux députés « En Marche » de Strasbourg, Bruno Studer, s’est dit favorable à une évolution du droit local pour intégrer pleinement la religion musulmane à l’école (voir notre article).

L’Alsace, région pilote pour la formation des cadres religieux

Pour l’avenir, Murat Ercan a appelé de ses vœux à un renforcement des CRCM et du CFCM, en leur donnant des moyens financiers qu’ils n’ont pas pour le moment, regrettant un manque de soutien politique sur cette question. « Tous nos interlocuteurs ne vont pas dans ce sens », a-t-il regretté. Il a aussi signifié que la stabilité du CRCM nécessite pour l’avenir des mandats de présidents plus longs. Pour lui, les grands chantiers à venir seront de trouver des solutions pour former les cadres religieux musulmans en France et de mettre en application la charte des imams finalisée par le conseil national du culte musulman. « L’Alsace est volontaire pour être une région pilote. »

Abdelhaq Nabaoui, le 22 juin 2017, dans les locaux de Ditib Strasbourg. (crédit : CG / Rue89 Strasbourg / cc)
Abdelhaq Nabaoui, le 22 juin 2017, dans les locaux de Ditib Strasbourg. (Photo CG / Rue89 Strasbourg / cc)

De son côté, Abdelhaq Nabaoui – qui a déjà été président du CRCM à sa création en 2003 – a promis que sa présidence serait tournée vers la préparation de l’avenir de l’islam en France :

« L’islam n’est pas tourné vers un passé quelconque mais est d’abord une promesse d’avenir. Notre but n’est pas de passer notre temps à tendre la main pour recevoir des gratifications. Nous allons devenir force de proposition pour les fidèles et pour les pouvoirs publics. »

Le franco-marocain a pris trois engagements envers les fidèles musulmans :

« Aux fidèles, nous devons une représentativité qui va au-delà des appartenances associatives. Aux fidèles, nous devons des imams formés convenablement et parlant français. Aux fidèles, nous devons une pratique et une inscription vigoureuse dans le dialogue interreligieux. »

Le siège des la Fondation des œuvres de l’islam à Strasbourg ?

Aux pouvoirs publics, Abdelhaq Nabaoui a annoncé vouloir faire rapidement une proposition très concrète : fixer le siège de la fondation des œuvres de l’islam de France à Strasbourg. L’institution a été relancée en 2016 pour fédérer des moyens financiers pour l’organisation de l’islam en France. Pour le nouveau président du CRCM, son installation à Strasbourg permettrait de faciliter son financement grâce au droit local qui permet des subventions publiques aux associations cultuelles, impossibles dans le reste de la France. Elle permettrait aussi de renforcer le droit local.

Abdelhaq Nabaoui a aussi appelé de ses vœux l’instauration d’une instance musulmane commune à tout le territoire concordataire, c’est-à-dire en ajoutant la Moselle, pour optimiser les possibilités offertes par le droit local.

S’il souhaite faire du droit local un atout pour l’intégration de l’islam en Alsace, le nouveau président a tenu à rassurer son auditoire, composé d’élus, de fonctionnaires et de représentants des cultes reconnus :

« Je maintiens la position qui a toujours été la mienne. Rien ne sera fait qui puisse mettre en péril le droit local des cultes. »


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