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« On n’oubliera pas les sans-abris », les associations strasbourgeoises mobilisées pendant la pandémie

Avec l’épidémie de coronavirus et le confinement, certains services sociaux ne sont plus assurés. Pour les personnes sans domicile, le confinement est quasi-impossible. Les associations strasbourgeoises de solidarité s’adaptent pour continuer d’assurer les distributions alimentaires.

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« On n’oubliera pas les sans-abris », les associations strasbourgeoises mobilisées pendant la pandémie

« On va tout faire pour que les personnes à la rue ne soient pas oubliées pendant cette crise sanitaire. » Valérie Suzan, présidente de Strasbourg Action Solidarité (SAS), interpelle quant à la situation des sans-abris pendant la pandémie du coronavirus :

« Comme chacun d’entre nous, les sans-abris aussi sont inquiets de la situation. Nous sommes assaillis par leur questionnement et leur angoisse grandissante. Où trouveront-ils leur nourriture ? Où trouveront-ils les moyens minimums d’une hygiène déjà mise à l’épreuve ? De quel confinement parle t-on pour des personnes à la rue ? Que dire des personnes isolées qui redoutent la perte de leur dernier lien social ? »

Martine (son prénom a été modifié) vit dehors. Pour elle, « c’est encore le flou total. » Ses propos ont été recueillis mardi 17 mars :

« Je n’ai pas mangé depuis 24 heures. C’est difficile de mendier comme il n’y a plus personne… Des maraudes ont été annulées. Et surtout, je ne sais pas où je vais me retrouver. De toute façon, que je sois dehors, dans un gymnase ou dans un centre d’hébergement, je serai au contact de plein de personnes et donc exposée… J’ai 55 ans et je ne suis plus en très bonne santé… Ça me fait peur. »

Des services sociaux extrêmement perturbés

De nombreux services sociaux ne sont plus assurés à cause du confinement. Les structures d’accueil de jour comme la halte Bayard ont fermé leurs portes. Le soir, les hébergements d’urgence restent ouverts. « On est très proches les uns des autres dans les centres d’hébergements. Si quelqu’un chope le virus, tout le monde l’a ensuite, c’est sûr, » explique Lucien qui dort en ce moment au centre d’accueil et d’hébergement Fritz Kiener géré par la Ville. Il poursuit :

« Ce matin on a tous dû partir entre 8h et 8h30, je suis dehors depuis. Là je vais y retourner pour dormir et normalement ça sera la même chose demain. Et si moi ou quelqu’un d’autre, on chope la maladie dans la journée, on la ramène aux autres le soir, c’est pas bon… »

Jointe par téléphone, l’adjointe au maire chargée des Solidarités, Marie-Dominique Dreyssé (EELV), explique que la Ville et la préfecture sont en train de mettre en place de nouvelles procédures :

« On a essayé de trouver les solutions les plus adéquates le plus rapidement possible. L’objectif, c’est notamment de déplacer des personnes des centres d’hébergement et des deux grands squats vers des chambres d’hôtel. Normalement, les personnes qui dorment dans des lieux comme le centre Fritz Kiener n’auront plus à partir la journée. On va aussi ré-ouvrir les douches publiques sous quelques jours, au mieux le 20 mars. Certains lieux comme Femmes de parole, la salle de consommation à moindre risque (SCMR) et Ithaque (à destination des personnes qui ont des addictions) restent ouverts. »

D’après certaines sources, il est envisagé de sortir 250 personnes des squats Gruber (150 occupants environ) et Bugatti (280 occupants) pour limiter la circulation du virus dans ces lieux.

« On n’a pas eu de consignes, on s’organise tout seul »

En attendant, les associations strasbourgeoises d’aide aux sans-abris ont dû se coordonner de manière autonome pour assurer un approvisionnement alimentaire, dans les meilleures conditions d’hygiène possible. Également le 17 mars, SAS organise une distribution de nourriture près de la gare. Une bénévole lance, « ça ne nous amuse vraiment pas d’être dehors ce soir, mais on n’a juste pas le choix. » Hervé, un autre bénévole de SAS, témoigne :

« On n’a pas eu de consignes de la préfecture ou de la Ville pour le moment, on est livrés à nous même. Mais il faut bien le faire, sinon les gens vont mourir de faim. »

En auto-organisation, SAS assure la distribution de nourriture. (Photo TV / Rue89 Strasbourg / cc)

Les bénévoles ont tous des masques et des gants. Des personnes avancent en file indienne, jusqu’à une membre de l’association qui leur met directement dans les mains une dose de gel hydroalcoolique. Ils récupèrent ensuite leur ration de nourriture.

Meryl et Sabine pour l’association Les petites roues font également une distribution de nourriture à vélo ce soir là :

« On a distribué tout ce qu’on a réussi à récupérer, donc l’équivalent d’environ 35 repas. Des maraudes ont été assurées tous les jours pour le moment, il faut que ça continue. »

Le 16 mars, les Restos du cœur avaient déjà distribué de la nourriture dans des sachets à emporter pour éviter les rassemblements et garantir la non-contamination de la nourriture. (Photo TV / Rue89 Strasbourg / cc)

Des dispositifs se mettent en place

Mercredi 18 mars, de nouveaux dispositifs commencent à se préciser. L’Étage, qui est normalement un accueil de jour, procède à des distributions de repas dans des sachets prêts à être emportés à midi et le soir, et cela devrait être également le cas les jours suivants.

Des sanitaires sont aussi accessibles, « vu que toutes les toilettes publiques sont fermées, c’est nécessaire, » commente un salarié de l’association. Ce service est issu d’une coordination entre les associations, les services de la Ville et de l’État.

Le nouveau calendrier des actions de solidarité Photo : doc remis

Pour Meryl de l’association Les petites roues, il faudrait prendre des décisions radicales :

« Il y a énormément de logements vacants et de chambres vides en ville… Pourquoi ne pas les réquisitionner ? »

Pour Gabrielle d’Abribus, il peut être intéressant de s’inspirer des solutions qui ont été trouvées en Italie par exemple :

« Une technique serait de mettre en place plusieurs points de dépôt pour que tout le monde ne vienne pas au même endroit. Cela limiterait les rassemblements. »

Valérie Suzan explique que tout « s’improvise au jour le jour en fonction de ce qu’on apprend. »


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