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Aux Ateliers ouverts de la Coop, une effervescence artistique étouffée par la pandémie

Les week-ends des 3, 4, 10 et 11 octobre, les Ateliers Ouverts ouvrent la porte de centaines d’ateliers au public. Une exposition bienvenue pour nombre d’artistes cloitrés en raison de la pandémie. Direction la Coop au Port du Rhin pour un voyage au cœur de la création.

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Aux Ateliers ouverts de la Coop, une effervescence artistique étouffée par la pandémie

Paysage industriel fantomatique et lignes de train désaffectées : au 2 rue de la Coopérative dans le quartier du Port du Rhin, la Coop inaugurait vendredi 2 octobre la 21e édition des Ateliers Ouverts.

C’est l’une des nouveautés du rendez-vous culturel proposé annuellement par l’association Accélérateur de Particules. Après de nombreux chamboulements dus à la crise sanitaire, l’évènement habituellement printanier s’organise finalement cet automne. Deux week-ends (les 3-4 et 10-11 octobre) pour permettre au public, sur tout le territoire alsacien et transfrontaliers (de Mulhouse jusqu’à Bâle), de découvrir l’intimité du travail artistique, là où s’élabore les œuvres d’arts : les ateliers d’artistes.

À la Coop, d’anciens entrepôts accueillent désormais une dizaine de collectifs d’artistes et d’artisans. Pour la première fois depuis leur inauguration en 2019, ces espaces de création ouvrent grand leur porte au public. Dans un cadre plutôt austère, d’imposants bâtiments entourent une cour centrale. L’ensemble constitue un lieu atypique, en pleine ébullition, rassemblant une multitude d’artistes et une diversité stimulante de pratiques : dessins, peintures, sculptures, illustrations, design, céramique, vidéo, son.

« On a voulu garder une ambiance bidonville »

Au départ, il est difficile de se repérer dans les lieux. Par où commencer ? Sur la droite, un entrepôt géant de 900 m2 accueille le CRIC, un collectif d’artistes venant d’horizons divers, anciens membres de la Semencerie ou du Syndicat Potentiel. Lorsqu’on y pénètre, on découvre un agencement de contreplaqués et de grillages qui forment les espaces de travail : un bric à brac chaotique aux allures de cabane géante. De tous les côtés, des escaliers en bois mènent à l’étage, vers la partie supérieure des ateliers. Partout des recoins, des outils, des fils, des installations, des dispositifs numériques, des entassements d’objets divers, composent un univers proche du chantier. Et pour cause, les artistes construisent eux mêmes leurs ateliers – sur mesure et adapté à leurs besoins. « Tout est fait en matériaux de récupération », souffle un artiste. « On a voulu garder une ambiance bidonville. »

À l’atmosphère générale de joyeuse confusion, se mêle un environnement sonore entêtant, entre cris d’oiseaux et samples électroniques. Il s’agit de Murmures une création sonore des artistes Pierre Daegens, Thomas Lasbouigues et Vivien Knuchel, réalisée pour l’occasion (à écouter également le dimanche 11 octobre de 14h à 19h). Chacun des artistes diffuse simultanément des sons via des émetteurs FM, retransmis en direct par des transistors dans tout l’espace du CRIC. L’œuvre s’inspire directement du phénomène de la « murmuration ». Celui-ci désigne la synchronisation du vol de centaines, voire de milliers d’oiseaux en même temps créant une nuée spectaculaire et mouvante dans le ciel. À l’image de la murmuration des oiseaux, les sons tournoient au-dessus de nos têtes dans un incessant mouvement.

Editions 2024, Vu, lu!, Ateliers ouverts 2020 © Sybille d’Hardemare

À l’autre bout de l’entrepôt, autres collectifs, autres ambiances. Les Éditions 2024 présentent l’exposition Vu, lu ! sur le thème de l’abécédaire. Dans un espace brut pour ne pas dire abrupt, béton armé au sol et murs grillagés, sont disposées de légères structures en bois en forme de lettres. Elles sont elles-mêmes les supports d’illustrations graphiques de l’alphabet : lignes sinueuses, douces ou sévères, sobres ou colorées, qui transforment chaque lettre en image, tantôt architectures, tantôt végétaux, tantôt personnages.

IDeE , Ateliers ouverts 2020 © Sybille d’Hardemare

Au sein de ce labyrinthe, un espace en cache toujours un autre. Encore une grille et ce sont les objets du collectif IDeE (Innovation, Design et Expériences) que l’on découvre. Délicatement exposée sur de grandes tables blanches, bougies, lampes torches, moules à Kouglof et bredele réinterprètent les objets du quotidien et les vieilles traditions alsaciennes.

IDeE, Ateliers ouverts 2020 © Sybille d’Hardemare

Festivités et mesures sanitaires : équilibre délicat

L’ambiance est festive et le public est au rendez-vous, ce qui a de quoi rassurer les artistes. Après le confinement, les Ateliers Ouverts sont un moment privilégié pour renouer avec le public. « C’est important d’être présent, c’est important d’être visible », pointe un artiste. Et c’est bien là le rôle des Ateliers Ouverts : mettre en lumière le dynamisme de la scène artistique régionale et sa diversité culturelle. Une mission plus nécessaire encore en temps de pandémie.

Malgré tout, « les choses ne sont pas comme avant » confie Ilana Isehayek, artiste canadienne installée dans les Ateliers bois. « Il y a une distance qui persiste. » Difficile en effet de trouver le juste équilibre entre respect des mesures sanitaires et convivialité. C’est tout de même la convivialité qui semble l’emporter du côté de Makerland. Organisé par les Ateliers Éclairés, fabricants de jeux et promoteur du DIY (do it your self, faire soi-même), ils proposent de nombreux jeux et animations pour adultes et enfants.

Dans ce tour d’horizon artistique, il faut également mettre en avant le travail de Letizia Romanini, artiste Luxembourgeoise et membre du CRIC, dont les œuvres tentent de saisir l’immatériel – le temps, la lumière.  Dans l’œuvre Ta Panta Rhei, titre inspiré de la célèbre phrase d’Héraclite, « panta rhei » qui signifie le mouvement perpétuel des choses et leur inscription dans le temps, une tache de couleur lentement évaporée garde la trace sensible du passage du temps.

Letizia Romanini, Ta Panta Rhei, 2015, papier Fabriano, eau, encre, 56 x 76 cm © Letizia Romanini

Du côté des Ateliers bois, c’est le travail de Julie Luzoir, dessinatrice et performeuse aux accents politiques, qui nous arrête. A travers ses planches dessinées par empreintes de carbone bleu, elle se fait l’écho des revendications de femmes ouvrières ou des injustices politiques.

Julie Luzoir, Les Hommes seuls, 2019, 5 dessins, empreintes de carbone bleu sur papier coton, 80 x 200 cm © Sybille d’Hardemare

Enfin, l’atelier de Vincent Chevillon, situé au Préau, est un cabinet de curiosité. Couvrant le champ de l’anthropologie et de la cosmogonie, il décline à l’infini le thème de Moby Dick, la fameuse baleine du roman d’Herman Melville. Ce travail sera à redécouvrir à Stimultania en janvier 2021.

L’atelier de Vincent Chevillon, Ateliers ouverts 2020 © Sybille d’Hardemare
L’atelier de Vincent Chevillon, Ateliers ouverts 2020 © Sybille d’Hardemare

De nombreux évènements sont à explorer à Strasbourg et dans tout le Grand Est lors de ces festivités automnales. Par exemple à la Malterie, à proximité de la Coop, qui sera illuminée de projections retraçant l’histoire du lieu. Réalisé par les étudiants de la Haute école des arts du Rhin, le spectacle est à voir du 3 octobre au 6 novembre tous les soir à 20h. D’autres lieux emblématiques comme le Bastion 14, rue du Rempart ou le Séchoir de Mulhouse ouvrent leurs portes le week-end du 10-11 octobre autour de goûters-rencontres.


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