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Au 47 rue principale de Schiltigheim, les rats se promènent sous les combles depuis cinq mois

Locataire d’un logement social géré par le Foyer Moderne de Schiltigheim, Martiale Koungou se bat contre les rats depuis le mois de mars. Installée dans ce cinq-pièces sous les combles avec six de ses enfants, elle compose aussi avec des infiltrations et une isolation défaillante et affirme en avoir informé son bailleur. Sans effet.

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Au 47 rue principale de Schiltigheim, les rats se promènent sous les combles depuis cinq mois

Dans un coin de sa cuisine, Martiale Koungou a posé par terre un verre à bière cassé, hérissé de bris tranchants. « C’est pour qu’ils se blessent en sortant du trou », explique-t-elle. « Ils », ce sont les rats qui se promènent dans sa cuisine et dans sa chambre depuis maintenant cinq mois. La nuit de préférence.

Confinés avec des rats

Martiale a commencé par entendre des bruits dans les plafonds en mars, peu avant le confinement. « Quand on tapait sur la cloison, ça se calmait », se souvient-elle. Puis l’une de ses filles commence à se plaindre que ses vêtements sont « rongés par quelque chose ». La jeune femme dit même avoir vu « une bête ». Quelques jours plus tard, Martiale retrouve l’un de ses bébés avec des traces de morsures sanguinolentes sur le front, dans le berceau qu’il occupe à côté de son lit. Un soir, elle finit par tomber nez à nez avec l’un des rongeurs.

Dégâts laissés par les rats dans la cuisine de l’appartement. (Photo Victoire Pirot / Rue89 Strasbourg / cc)

Alerté, le bailleur social mandate une entreprise de dératiseurs. Ils passent une première fois en mai, à la fin du confinement, puis en juin, pour poser des pièges collants et reboucher les trous avec un mélange empoisonné ou des plaques métalliques. Problème : plusieurs semaines après, les rats sont toujours là. « J’en ai encore vu un hier soir dans la cuisine, se désole Martiale. Ils ont fait de nouveaux trous. »

Dans la chambre des enfants, Martiale Koungou a laissé un piège collant pour les rats. (Photo Victoire Pirot / Rue89 Strasbourg / cc)

« On ne peut pas laisser les gens vivre ce que je vis ! »

Excréments laissés sur le sol, paquets de chocolats grignotés, traces de pattes sur les draps… les marques de leur présence sont bien visibles. Une situation qui l’angoisse : « On ne peut pas laisser les gens vivre ce que je vis !, s’agace-t-elle. J’ai déserté mon lit. Je dors dans le salon, mais on les entend quand même. »

Martiale Koungou montre un paquet de chocolat grignoté par les rats. (Photo Victoire Pirot / Rue89 Strasbourg / cc)

Pour Martiale Koungou, cette invasion de rats vient s’ajouter à une longue liste de désagréments rencontrés depuis son arrivée dans les lieux, en 2013. À commencer par des portes qui se sont parfois bloquées toutes seules, enfermant ses enfants aux toilettes ou dans leurs chambres. « On a tout essayé pour les ouvrir à chaque fois mais on a dû les forcer. Depuis on ne les ferme plus. »

Certaines portes se bloquaient sans raison, enfermant les enfants de Martiale Koungou aux toilettes ou dans leurs chambres. (Photo Victoire Pirot / Rue89 Strasbourg / cc)

Infiltrations et mauvaise isolation

Autres nuisances : les canalisations de la cuisine, régulièrement bouchées malgré les tamis installés dans l’évier, et les infiltrations d’humidité dans sa chambre. « Vous voyez les marques, demande-t-elle en désignant la poutre au sommet de la charpente, quand il pleut dehors il y a des gouttes qui tombent à l’intérieur à cet endroit. » L’isolation laisse également à désirer. « L’hiver, le froid passe par là », explique-t-elle en désignant une faille courant dans le mur le long d’une poutre. L’été, il y fait particulièrement chaud.

« L’hiver, le froid passe par là », explique-t-elle en désignant une faille courant dans le mur le long d’une poutre. (Photo Victoire Pirot / Rue89 Strasbourg / cc)

Logée sous les combles également, dans le même bâtiment, Jessica Ruesz rencontre des problèmes similaires à ceux de sa voisine. Pendant le confinement, des rats avaient élu domicile sous son évier, l’obligeant à sortir toute la nourriture des placards. Elle a retrouvé à plusieurs reprises de l’urine et des crottes de rats sur les plinthes de son salon.

Une trappe rongée par les rats chez Jessica Ruesz. (Photo Victoire Pirot / Rue89 Strasbourg / cc)

Les dératiseurs sont aussi passés chez elle à plusieurs reprises depuis mai, mais les rats reviennent en passant par la fenêtre : « Je le sais parce que j’en ai déjà vu repartir par là. » La jeune femme est donc obligée de les garder fermées, malgré la chaleur. Faute de mieux. (« Lorsqu’il est passé, le dératiseur m’a dit que de toute façon, il faudrait refaire entièrement le logement, détaille-t-elle. Car le rats trouveront toujours un moyens de passer dans les combles ») Jessica fait aussi état d’une isolation insuffisante et d’infiltrations. « Vous voyez les marques ? Quand je suis arrivée il y a trois ans, la peinture était nickel », explique-t-elle en désignant le mur mansardé de son salon.

Une demande de relogement refusée

Les appartements de Jessica Ruesz et Martiale Koungou sont tous les deux situés en face d’un immeuble ayant été ravagé par un incendie criminel en septembre dernier. Le sinistre a causé la mort d’un enfant : Maël, le meilleur ami d’un des fils de Martiale. Profondément marquées par ce drame, les deux femmes ont chacune déposé une demande de relogement peu de temps après. Martiale explique :

« J’ai fait une demande de nouveau logement au CCAS de Schiltigheim. Ils m’ont dit que tous les dossiers avaient été remis à la CUS de Strasbourg. Comme ça n’avançait pas, j’ai finalement écrit à Brigitte Macron qui a confié mon dossier à la Préfecture du Bas-Rhin. On m’a conseillé d’écrire à la commission du DALO (Droit au logement opposable, ndlr). C’est ce que j’ai fait. »

Martiale a reçu une réponse cette semaine : la commission a rejeté sa demande, considérant « qu’elle relève de la mutation interne et ne revêt pas le caractère d’urgence » et « que le dossier est incomplet. » Le courrier mentionne deux documents manquants, dont un justificatif de ressources qu’elle affirme pourtant avoir fourni.

« Les rats trouveront toujours un moyen de passer »

Contacté, le Foyer Moderne, bailleur social du logement de Martiale Koungou, reconnaît une « invasion de rats pendant le confinement ». « L’immeuble incendié n’a pu être nettoyé que récemment, explique Pierre Staub, directeur général du Foyer Moderne. Il restait de la nourriture dans les frigos et les appartements, c’est un véritable festin pour les rats. »

Les entreprises de dératiseurs ne pouvant intervenir à domicile de mi-mars à mi-mai, du fait de la crise sanitaire, la prise en charge du problème a été retardée. Mais il estime que l’invasion est aujourd’hui « sous contrôle. C’est sans aucune mesure avec ce qui s’est passé pendant le confinement. » Le directeur général du Foyer Moderne exclut en revanche de faire des travaux de rénovation dans les logements des deux femmes : « Ce sont des bâtiments anciens, les rats trouveront toujours un moyen de passer. »

« Aucun signalement à notre connaissance »

Si le bailleur a reconnu être informé de la présence persistante de rats chez Jessica Ruezs, il affirme en revanche ne pas avoir été mis au courant de la situation de Martiale Koungou, tant concernant les rongeurs que les autres désagréments subis : « Elle n’a fait aucun signalement à notre connaissance. » Une réponse qui met la mère de famille particulièrement en colère : « Je n’arrête pas de les appeler ! Les voisins peuvent en être témoins ! »

Concernant les demandes de relogement enfin, le bailleur affirme que la situation des deux femmes sera traitée en priorité : « Le Foyer Moderne favorise toujours la mutation interne, insiste Pierre Staub. Mais elles veulent rester dans le centre, ce qui complique les choses. Je n’ai pas de logement disponible pour elles pour le moment. » Reste le problème des pièces justificatives à verser au dossier de Martiale Koungou pour lancer la procédure. Cette dernière persiste et signe : elle les a bien envoyées. Le bailleur affirme n’avoir rien reçu.

Excédée par la situation de sa mère, c’est sa fille Kelly, vivant à Paris, qui a interpellé médias et acteurs sociaux sur Twitter mercredi soir pour tenter de faire bouger les choses. Elle a lancé jeudi 30 juillet une cagnotte en ligne pour aider sa famille. En une journée à peine, cette dernière a récolté plus de 1 000 euros de dons.


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