Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

Une majorité de cantines passe à l’inox mais la suite s’annonce périlleuse

Strasbourg est dans les temps pour le passage du plastique à l’inox dans ses cantines. Mais malgré des économies en déchets, les aménagements pour certaines classes maternelles et pour le personnel s’annoncent plus difficiles pour les trois dernières années du marché.

Cet article est en accès libre. Pour soutenir Rue89 Strasbourg, abonnez-vous.

e passage aux barquettes en inox a changer la manière de travailler des équipes de restauration à l'école Louvois. (Photo CM / Rue89 Strasbourg / cc)

Depuis la rentrée, 42% des élèves strasbourgeois mangent dans des contenants réutilisables. Les cantines de l’école du Rhin et de la Meinau ont rejoint le dispositif à l’été. Un an après avoir décrété la fin des barquettes en plastique jetables, Strasbourg est largement en avance sur ses objectifs de 50% en 2 ans et de 100% en 4 ans. Mais tout n’est pas si simple…

Les plats principaux des selfs des écoles élémentaires étaient déjà dans des contenants en inox réchauffés. Strasbourg ne partait donc pas de zéro. Seules les portions individuelles (entrées, desserts ou fromages) et quelques repas complémentaires étaient servis dans du plastique l’année dernière encore. Changer ces contenants a donc été très simple puisqu’il suffit de changer du plastique par de la porcelaine par exemple.

Plus périlleux étaient les repas spécifiques (sans porc, halal ou végétarien), mais aussi des repas « d’appoint », livrés dans des barquettes plastiques individuelles en fin de matinée, selon le nombre de ticket-cantines récoltés le matin. Les repas étaient préparés à l’avance, mais il fallait toujours des ajustements à la marge, connus seulement le jour-même.

La réservation en ligne pour parer à certaines barquettes

Pour parer à ces repas supplémentaires, et de manière générale pour réduire le gaspillage alimentaire que cela entraînait, la collectivité a mis en place un nouveau système réservation en ligne à l’avance, en place depuis cette rentrée 2018. Elle permet en théorie de prévoir combien de repas sont commandés chaque jour, la moyenne étant à 11 000 repas environ pour 16 000 inscrits au total dans la cinquantaine de sites de Strasbourg.

« Nous avons toujours voulu un marché exemplaire et ce système de réservation permet d’éviter des transports en camion et des gaspillages. Quelque centaines de repas par jour étaient livrés et jetés », explique l’adjointe au maire en charge de l’Éducation, Françoise Buffet (divers gauche).

Pour en revenir au passage à l’inox dans les cuisines, la Ville de Strasbourg commence par les écoles où les aménagements sont « les plus simples ». Pour l’école Louvois à l’Esplanade rénovée en octobre 2017, les plans ont été changés en cours de route. Pour les futures écoles au Hohberg, Gustave Doré et Danube livrées cette année scolaire, les plans ont été pensés en fonction de ce choix récent tranché à l’hiver 2016/2017.

Pour d’autres, la collectivité avise au cas par cas selon la taille des cuisines. Pour le changement de matériel, il faut parfois des fours dimensionnés aux plats en inox, des frigos sur roulettes adaptés ou encore des éviers plus profonds pour nettoyer les bacs.

La question plus complexe des maternelles

C’est dans les maternelles que la question s’annonce plus complexe. Dans les restaurants qui ne sont pas encore passés à l’inox, le bac en plastique est posé sur la table et les enfants servis. Mais les plats en inox sont plus lourds et les très jeunes élèves sont davantage susceptibles de les toucher et de se brûler. Problème, plus les enfants sont jeunes, plus ils sont sensibles à la potentielle exposition aux perturbateurs endocriniens libérés lorsque le plastique est chauffé…

Pour éclairer ses réflexions, la Ville de Strasbourg s’est offert les services d’un ergonome. La piste choisie est d’installer des îlots centraux où poser les bacs puis servir les assiettes unes à unes afin de limiter le nombre de pas, comme à l’école Louvois. Mais ces petits changements prennent de la place dans des espaces contraints.

e passage aux barquettes en inox a changer la manière de travailler des équipes de restauration à l'école Louvois. (Photo CM / Rue89 Strasbourg / cc)
Le passage aux barquettes en inox a changer la manière de travailler des équipes de restauration à l’école Louvois. (Photo CM / Rue89 Strasbourg / cc)

Malgré ces difficultés, Françoise Buffet ne remet pas en cause l’objectif de 0% de plastique en 2021 :

« On le fera, car c’est un engagement, mais il faudra plus de budget qu’aujourd’hui. Au bout de trois ans, il restera quelques sites qu’il faudra réaménager, ce qui implique des constructions. La question du personnel est à mon sens prioritaire et le changement entraîne un petit besoin de personnel supplémentaire. »

Selon des informations communiquées au CHSCT (Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail), 13 écoles nécessitent une restructuration légère, 10 sites des restructuration lourdes et pour 5 restaurants scolaires, les solutions n’ont pas encore été trouvées. L’engagement de Roland Ries devrait donc dépendre en partie du bon vouloir de l’équipe qui lui succédera en mars 2020. Même s’il faudra quoiqu’il arrive trouver une solution avant 2025 (voir encadré).

Du côté des représentants du personnel, on regarde ces changements de près sans s’y opposer, comme le résume Laurence Siry, déléguée syndicale à la CFDT Eurométropole :

« C’est un changement dans la manière de faire, vers un choix écologique qui nous parait positif et de toutes façons, c’est un choix politique donc nous n’avons pas à le commenter. On est vigilants sur les troubles musculo-squelettiques. Les plats sont plus lourds et l’îlot central pour permettre le service à l’assiette nécessite de circuler au milieu d’élèves à la maternelle, qui ne sont pas tous toujours sagement assis à une table à cet âge… Le développement durable a toujours des coûts supplémentaires. »

Comme depuis le début de la mobilisation, les surcoûts éventuels de la mesure ne sont pas chiffrés. Pas plus que les économies en déchets ou en transports, même si à ce sujet, un point d’étape est prévu après deux ans. Sur les 4 ans du programme, la collectivité estime néanmoins à 1,5 million le nombre de barquettes non-recyclables jetées en moins.

Les parents vigilants

Du côté des parents d’élèves, on se dit plutôt satisfait que le lien soit maintenu tous les trois mois et des avancées par touches. Mais on ne sait comment interpréter les signaux des décideurs qui insistent sur la difficulté des changements à venir, sans pour autant remettre en cause leur engagement. Ludivine Quintallet, membre fondatrice du collectif « Projet cantine, » attend de voir les évolutions cette année :

« Identifier les problèmes à l’aide d’un ergonome est nécessaire, mais ne doit pas remettre en cause l’impératif initial. On reste vigilant pour l’application des engagements et on aimerait un peu plus de transparence dans le choix des écoles aménagées. C’est un programme à remettre dans le contexte actuel de la santé publique et de l’Environnement. Tous les journaux parlent du plastique, de ses dangers et de la pollution des océans. On est devant un défi et si on n’est pas capable de changer les écoles à l’échelle d’une ville, c’est inquiétant pour le reste de la planète. On élit des représentants pour changer les choses, pas maintenir l’existant. »

Une nouvelle réunion de suivi est prévue fin septembre.


#perturbateurs endocriniens

Activez les notifications pour être alerté des nouveaux articles publiés en lien avec ce sujet.

Voir tous les articles
Plus d'options