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La fin du plastique jetable dans les cantines ? Dans 4 ans peut-être

Malgré un incinérateur en panne et un possible risque sanitaire lié au réchauffage, les repas des cantines scolaires de Strasbourg sont encore servis dans des barquettes en plastique jetables. L’objectif de la municipalité est de réduire leur existence au profit de l’inox, mais à tout petits pas.

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La fin du plastique jetable dans les cantines ? Dans 4 ans peut-être

Environ 10 500 repas sont servis tous les jours dans les écoles de Strasbourg. Des repas parfois bio (20% des aliments) et issus de l’agriculture locale, mais des repas chauffés dans des barquettes en plastique. Une situation qui a interpellée une mère de famille au printemps alors que son fils entrait en première année de maternelle :

« Il y a un objectif intéressant [sur le bio], mais en même temps ces efforts de bonne alimentation sont complètement inutiles si on fait courir un risque supérieur pour la santé de nos enfants. Plus les enfants sont jeunes, plus ils sont sensibles aux perturbateurs endocriniens. »

Les perturbateurs endocriniens, des molécules encore méconnues

Cette Strasbourgeoise est bien renseignée. Tous les plastiques relarguent en effet des substances chimiques lorsqu’ils sont chauffés. Les plus connus sont le bisphénol A et les phtalates, mais il en existe d’autres (PCB, polybromés, perfluorés, parabènes cadmium, etc). C’est ce qu’on appelle des perturbateurs endocriniens. Un concept connu depuis les années 1990 seulement et présent dans le débat public depuis quelques années.

Le contact avec ces molécules, en particulier via les aliments, peut engendrer des cancers, malformations ou la stérilité masculine. Les enfants sont les plus exposés. Mais le rapport de cause à effet est toujours difficile à établir, car les symptômes se manifestent « 20 à 40 ans » plus tard, selon le rapport « Perturbateurs Endocriniens (PEs) de l’environnement : mécanismes et risques potentiels en cancérologiede » de l’Académie de médecine de 2011. De plus, la dangerosité de « l’effet cocktail », c’est-à-dire le mélange de plusieurs perturbateurs, est encore mal identifiée.

Des barquettes aux normes… acceptables

Les plats des cantines strasbourgeoises sont élaborées par l’Alsacienne de Restauration, à Schiltigheim, et livrés « en liaison froide » dans les écoles, où ils sont réchauffés. D’après nos informations, les barquettes sont garanties par leur fabricant, l’entreprise française Rescaset, pour ne pas contenir de bisphénol A ni de phtalates. Cette garantie est valable tant que les fours ne dépassent pas 130 degrés. Dans les écoles de Strasbourg, les fours sont réglés à une température de 120 degrés maximum, afin que celle des aliments atteigne 63°C.

L’attestation de Rescaset est « établie sur la base des déclarations et certificats des fabricants des matières premières ». Ce qui fait dire à cette mère de famille, qui a préféré retirer son fils de la cantine par mesure de précaution, que « l’ère de la norme est un peu révolue » :

« On l’a vu avec le scandale du diesel des voitures de Wolkswagen, des produits peuvent être homologués, alors qu’en fait les règles ne sont pas respectées. Et puis lorsqu’on est en dessous du seuil d’une norme, cela ne veut pas dire qu’il n’y a aucun danger, mais seulement qu’il est considéré comme acceptable (comme pour la pollution de l’air, ndlr). »

Interdire de chauffer directement la nourriture dans des récipients en plastique dans les cantines publiques (écoles, hôpitaux, etc) apparaît comme la première recommandation des deux médecins, Henri Rochefort et Pierre Jouannet, auteurs du rapport de l’Académie de Médecine sur le sujet.

Dans les cantines des écoles de Strasbourg, le plastique c'est fantastique ! (Photo Marie Bisseriex/Rue89 Bordeaux)
Dans les cantines des écoles de Strasbourg, le plastique c’est fantastique ! (Photo Marie Bisseriex / Rue89 Bordeaux)

Des barquettes jetables produisent beaucoup de déchets

L’autre aspect qui pose problème est celui des déchets. Les barquettes dans lesquels les repas sont chauffés sont à usage unique. Elles sont jetées après chaque utilisation, et ce plastique n’est pas recyclé. L’objectif de la municipalité est pourtant de réduire ses déchets dans le cadre de l’appel à projet « Territoire zéro déchet », qu’elle a remporté comme de nombreuses villes en juin.

Un enjeu devenu stratégique, en termes de pollution mais aussi de finances publiques. Depuis le 1er septembre, l’incinérateur de Strasbourg est à l’arrêt pendant au moins 2 ans et demi pour cause de désamiantage. Lors de la première interruption totale en 2015, détourner les déchets strasbourgeois – de nouveau enterrés sous terre pour certains – a entraîné un coût estimé à 100 000 euros par jour.

Un nouveau marché public l’année prochaine

La restauration scolaire est confiée à des prestataires pour quatre ans. En 2013, cette mission avait été remportée par l’Alsacienne de Restauration (groupe Elior), comme le marché précédent. Comme pour tout marché public municipal, le cahier des charges est établi par la Ville de Strasbourg, qui peut influencer les propositions des candidats avec les critères qu’elle fixe.

La délibération sur les nouveaux objectifs de la collectivité est prévue pour le conseil municipal de novembre, avec l’appel à candidatures dans la foulée. L’attribution devrait se faire vers avril 2017. Les changements (ou non) dans les cantines seront effectifs à partir de la rentrée 2017.

Aux Sables d’Olonne, exit le plastique

Aux Sables d’Olonne, suite à une mobilisation des habitants, la municipalité a opté en 2015 pour une entreprise qui réchauffe sa nourriture dans des plats en inox. Selon Annie Comparat, adjointe au maire de cette ville vendéenne, en charge des affaires sociales, de la jeunesse et des écoles, cela n’a pas coûté plus cher à sa collectivité :

« Le marché arrivait à terme et, lors de l’appel d’offres, nous avons changé pour un prestataire, Convivio, car il nous proposait le même service soit avec des plats en inox, soit en plastique. C’était exactement le même prix et cela permettait de répondre favorablement à une demande de certaines familles. Dans les établissements, cela a nécessité de changer certains fours qui étaient trop petits. Cela demande aussi un peu plus de travail au personnel, car il y a plus de nettoyage et de manutention, mais ce sont des ajustements minimes. C’est un choix qu’on ne regrette pas, le risque zéro n’existe pas. »

La situation serait plus difficile à généraliser à Strasbourg, qui a pourtant reçu des fonds du ministère de l’Écologie et du développement durable pour mettre en place ses projets de réduction des déchets. Prudent, le responsable du service périscolaire et éducatif de Strasbourg, Régis Giunta, avance plusieurs arguments :

« Dans les écoles élémentaires avec un self, qui représentent un tiers des établissements, nous allons passer aux bacs en inox pour les entrées et les desserts lors du prochain marché. Mais cette technique ne peut se généraliser. Il y a des risques de brûlures des enfants comme du personnel. Le changement est possible dans les nouveaux restaurants scolaires, mais pas dans les anciens, trop petits et sans matériel pour nettoyer. Et comme les bacs sont des portions de 8, cela peut ne pas correspondre au nombre de repas commandés qui sont de quatre types (standard, végétarien, sans porc et halal). Pour les barquettes, nous souhaitons qu’il y ait des propositions avec des plastiques recyclables. C’est bien vers la fin des barquettes plastiques que nous voulons aller, mais comme il y a encore plusieurs contraintes organisationnelles, cela ne peut-être que progressif sur plusieurs cycles de marchés publics. »

Les arbitrages finaux doivent encore être tranchés par le maire et son équipe. Peut-être l’occasion de davantage mettre en œuvre les grandes ambitions affichées. Contre les bacs chauds, il existe des protections et une brûlure à moins de conséquences qu’un futur cancer.

Première épreuve pour le « territoire zéro déchet »

Le groupe écologiste compte aussi peser dans les discussions. Sa représentante, Jeanne Barseghian, a obtenu en juin la nouvelle délégation à l’Eurométropole, de la réduction et du réemploi des déchets. Une première manière de vraiment tester le volontarisme de Strasbourg sur cette question.

Pour Jeanne Barseghian, l’enjeu dépasse celui des déchets et du principe de précaution :

« C’est une question qui concerne aussi bien les services déchets, éducation et commande publique. Passer à l’inox peut demander au prestataire de s’adapter, mais il faut avoir un regard plus général. Même si cela peut entraîner un surcoût, c’est moins d’argent que l’on dépensera dans le détournement des déchets. Lors de notre réunion de travail, nous étions d’accord sur le fait que les barquettes actuelles, quel que soit le type de plat, doivent s’arrêter. Nous demanderons aussi au prestataire de proposer une valorisation des déchets organiques qui représentent 25% des déchets en général mais plus dans les cantines. En dehors de ces deux points qui sont de ma compétence, les écologistes plaideront pour que les repas végétariens, issus de l’agriculture locale et « bons pour la planète » soient plus fréquents, ainsi que d’expérimenter la cuisine sur site. »

Les alliés verts de la municipalité PS auront-ils assez de poids pour réorienter les choix de Strasbourg ? Réponse en novembre. L’Alsacienne de Restauration n’a pas souhaité répondre à nos questions, au motif que le marché de la restauration scolaire sera réattribué dans l’année.


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