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Centre de primatologie : l’association dissoute dans l’urgence

L’association gérant le centre de primatologie de Niederhausbergen, l’Adueis, a été dissoute fin août. Les administrateurs de l’Université de Strasbourg, dont l’association est une filiale, l’ont appris incidemment alors qu’il est question d’internaliser le personnel et les activités de ce centre qui élève des singes pour la recherche.

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Centre de primatologie : l’association dissoute dans l’urgence

Le 14 novembre, les administrateurs de l’Université de Strasbourg (Unistra) ont appris que l’institution avait fait procéder à la dissolution de l’association gérant le centre de primatologie de Niederhausbergen. Filiale de l’Université, cette association appelée ADUEIS (Association pour le développement des liens universités-entreprises dans les industries de la santé) voit son personnel intégrer l’université et ses activités être reprises à partir du 1er janvier 2018.

La discussion sur l’ADUEIS a été houleuse entre les administrateurs selon le compte-rendu que Rue89 Strasbourg s’est procuré. Les actions de l’Université de Strasbourg sont suivies à la loupe sur ce dossier, surtout depuis qu’une enquête judiciaire pour « abus de confiance et autres détournements » est en cours, comme Rue89 Strasbourg le révélait en septembre, mais aussi parce que les activités d’élevage et de quarantaine du centre sont dénoncées par des associations de protection des animaux.

Un projet terminé et sans nouveau partenaire

Le centre de primatologie, d’une capacité d’accueil de 1 600 singes au sein du fort Foch, emploie une vingtaine de personnes (23,5 équivalents temps-plein) et ses dépenses sont entièrement couvertes par son activité d’hébergement et de quarantaine qui génère plus de 2 millions d’euros de chiffre d’affaires. Les clients du centre sont des laboratoires pharmaceutiques européens. L’association ADUEIS avait été créée en 2009 pour accueillir des entreprises partenaires au sein du projet Silabe (Simian Laboratory Europe), à la suite du succès de l’appel d’offres du Fonds unique interministériel (FUI). C’est l’utilisation de ces fonds, 1,7 million d’euros, qui fait l’objet d’une enquête de la justice.

Selon Michel de Mathelin, vice-président de l’Université en charge du dossier, quatre raisons ont conduit à la dissolution de l’association : « il n’existe plus l’obligation d’avoir une structure externe pour gérer le projet Silabe puisque ce projet est terminé depuis 2016, aucune entreprise ne s’est manifestée pour co-investir dans le projet, l’activité lucrative et administrative peut être menée au sein de Conectus (la société de transfert de technologie de l’université, ndlr) et l’organigramme serait simplifié, l’organisation complexe [faisait] l’objet d’attaques de médias (sic – ça doit être de nous dont il parle…, ndlr) et des groupes d’activistes. »

La recherche scientifique réintégrée à la fac

Quant à la chaire de primatologie d’Hélène Meunier, elle sera intégrée au laboratoire de neurosciences cognitives et adaptatives (LNCA) de l’université, toujours selon compte-rendu. Michel de Mathelin a conclu son intervention en espérant que cette réintégration « devrait effacer les soupçons d’activités cachées au sein du centre de primatologie. »

Mais pour cela, l’Université de Strasbourg a encore du chemin à faire en transparence… Ainsi, des administrateurs de l’Université se sont plaints que des documents sur l’ADEUIS ne leur ont été fournis que 24 heures avant le conseil et ce, après des demandes répétées. Mais surtout, Christine Vespa, administratrice issue de la liste « Alternative 2017 », remarque que « ni le rapport de gestion de l’association, ni le rapport d’activité » n’ont été transmis aux administrateurs…

En outre, Christine Vespa pense que l’Université de Strasbourg ne peut pas récupérer les actifs de l’association aussi simplement, qu’une étape de liquidation doit intervenir et que seul le produit de la vente des actifs peut éventuellement revenir à l’université. L’association Pro Anima, opposée aux recherches sur les animaux et donc à l’existence même du centre de primatologie, fait la même analyse juridique. Vice-présidente de l’association, Sylvia Hecker précise :

« Nous allons attaquer cette dissolution devant le tribunal administratif, sur le fond et en référé pour obtenir la suspension de la décision. De notre point de vue, cette dissolution est une manœuvre de l’université de Strasbourg pour empêcher qu’on ne s’intéresse de trop près aux activité du centre de primatologie… Sinon, pourquoi est-il si urgent de dissoudre cette association ? »

Deux heures de discussion tendue

C’est à l’occasion de cette discussion juridique en séance que les administrateurs ont appris que la dissolution de l’association avait déjà eu lieu, le 31 août, et qu’en fait, les administrateurs devaient seulement en prendre acte et approuver la reprise des actifs. L’Université, par la voix de son président Michel Deneken, précise que l’institution est accompagnée dans cette démarche par un cabinet de conseils juridiques et que tout a été fait dans les règles.

L’Université va reprendre en main la gestion du centre de primatologie. (Photo Public domain via Visual hunt)

Administratrice de la liste « Alternative 2017 », Hélène Michel revient sur ces échanges :

« C’est assez incroyable ce qui s’est passé… On nous promet plus de transparence, de ne plus mettre les administrateurs devant des faits accomplis et Michel Deneken fait exactement l’inverse. On ne saura sans doute jamais vraiment ce qu’il s’est passé pour que cette date du 31 août sorte comme ça du chapeau… On a eu un conseil en septembre et on ne nous a pas parlé de cette assemblée générale de dissolution… »

À partir de là, la discussion devient tendue au sein du conseil d’administration… Elle durera près de deux heures ! Nombre d’administrateurs évoqueront ne pas disposer d’assez d’informations sur ce dossier, sur les activités de l’ADUEIS, sur la portée de Silabe, etc. Pour Michel de Mathelin, l’important est de conserver le centre, « une chance pour la recherche de l’université grâce à ses possibilités d’hébergement des singes en quasi-liberté. »

L’existence du centre n’est pas remise en question

Il a aussi été beaucoup question des répercussions de ce dossier sur la réputation de l’Université de Strasbourg, pour conclure qu’internalisées ou non, les activités du centre feraient de toutes façons l’objet de critiques de la part des associations de défense des animaux. Sylvia Hecker ne dit pas autre chose :

« Quelme que soit la décision du tribunal administratif sur la dissolution, ça ne change rien de notre point de vue. Nous voulons que ce centre d’exploitation des singes ferme. »

De son côté, Nicolas Matt, qui représentait l’Eurométropole au conseil d’administration a indiqué que « l’urgence [était] de couper court [aux rumeurs] par une plus grande transparence, par une rigueur scientifique et plus d’explications. » Mais contactée, l’Université de Strasbourg a refusé de répondre à nos questions.

Au final, les administrateurs sont tombés d’accord pour reformuler la décision du conseil. L’Université n’approuve que « la possibilité d’une dissolution de l’ADEUIS, et la potentielle réintégration des actifs et passifs du centre de primatologie. » Cette formulation a été approuvée par 26 voix contre 9. Le prochain conseil d’administration, prévu le 19 décembre, doit approuver formellement cette nouvelle résolution.


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