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Conseil de l’Europe : La Russie de retour à Strasbourg, au prix fort

Fin de cinq ans de feuilleton au Conseil de l’Europe. La Russie réintègre l’Assemblée Parlementaire. Celle-ci a dû consentir à une réforme de son règlement. Outrée, la délégation ukrainienne a quitté l’hémicycle.

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Conseil de l’Europe : La Russie de retour à Strasbourg, au prix fort

La diplomatie est un jeu très simple où chacun expose son point de vue. Et à la fin, la Russie gagne. L’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe (ACPE) vient d’en faire les frais. Au terme d’un bras de fer de 5 ans avec la Fédération de Russie, l’APCE vient d’adopter une modification de son règlement. Une exigence du géant européen pour siéger de nouveau dans l’hémicycle situé à Strasbourg qui rassemble 47 pays.

Interdit d’interdire le droit de vote à la Russie

Reprenons une fois depuis le début : en 2014, la Russie annexe la Crimée, province d’un autre membre du Conseil de l’Europe, l’Ukraine. L’Assemblée d’élus nationaux proteste en suspendant les droits de vote et de représentation de la délégation russe. La Russie ne se donne plus la peine d’envoyer une nouvelle délégation en 2015, puis suspend son importante contribution budgétaire (33 millions d’euros sur 450) à partir de 2017, mettant ainsi le Conseil de l’Europe dans de sérieuses difficultés financières.

Pour les ministres des Affaires Étrangères des pays membres du Conseil de l’Europe, pas question de risquer un Ruxit au sein de « la seule institution paneuropéenne existante ». La Russie devait réintégrer l’APCE avant l’élection du nouveau Secrétaire Général, le Norvégien Thorbjørn Jagland terminant son mandat. Argument massue des partisans d’un retour de la Russie : c’est le seul moyen de faire bénéficier les 140 millions de citoyens russes de la protection de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH), aussi basée à Strasbourg. L’affaire est entendue le 17 mai à Helsinki. La Russie doit siéger dans l’hémicycle de plein droit, et payer sa contribution.

Pour faire revenir la Russie, l’Assemblée Parlementaire a dû renoncer à d’importants pouvoirs. (photo : Conseil de l’Europe)

Sauf que la Russie a fixé ses conditions : elle ne reviendrait et ne paierait qu’à la condition d’être assurée de ne pas être privée à nouveau de ses droits au sein de l’APCE. L’institution a dû revoir son règlement, et ajouter une nouvelle disposition qui restreint considérablement son pouvoir de nuisance :

« Les membres ne peuvent être privés du droit de vote, du droit de parole ni du droit d’être représenté à l’Assemblée et dans ses organes, et l’exercice de ces droits ne peut être suspendu, dans le contexte d’une contestation ou d’un réexamen des pouvoirs. »

Nouveau règlement du Conseil de l’Europe

La Russie revient, l’Ukraine s’en va

Malgré une contestation de ses pouvoirs par la délégation ukrainienne et ses alliés (Pologne, Géorgie, les trois pays Baltes et le Royaume-Uni), la délégation russe a définitivement réintégré l’APCE le 26 juin. Au cours de l’ultime résolution avalisant le retour des Russes, le rapporteur britannique Roger Gale s’est même retourné contre sa commission en dénonçant la résolution à adopter. Depuis la tentative d’assassinat d’un ancien espion russe sur le territoire anglais, la délégation britannique a considérablement durci le ton contre la Russie. Si le texte adopté « regrette le manque de coopération de la Russie », aucun des amendements déposés par la délégation ukrainienne n’a été adopté. Celle-ci a répliqué en quittant l’hémicycle.

L’APCE est renvoyée dans les cordes, après avoir tenté de peser de tout son poids (plume) dans la crise en Crimée. Désormais, toute sanction contre la délégation d’un État membre devra se décider de manière conjointe avec les 47 ministres des Affaires Étrangères. Le 24 mai, la nouvelle secrétaire d’État aux Affaires Européennes Amélie de Montchalin a estimé devant l’hémicycle, que l’APCE n’était pas là pour résoudre les différends territoriaux :

« Notre objectif premier doit être avant tout la protection concrète des droits fondamentaux des 800 millions d’Européens qui nous entourent et nous observent. Et je crois que les autres considérations ne doivent jamais nous faire perdre de vue cet objectif. »

Amélie de Montchalin, durant son allocution aux parlementaires du Conseil de l’Europe (photo : Conseil de l’Europe)


Une position que ne partage pas le député ukrainien Oleksii Goncharenko, qui n’a pas de mots assez durs pour condamner cette décision.

« Nous avons eu la trahison de Munich en 1938, et bien nous aurons aujourd’hui la trahison de Strasbourg. L’histoire de souviendra de vous. »

Comme la plupart de ses collègues ukrainiens, géorgiens, polonais, baltes, mais aussi britanniques, il a voté contre la réforme du règlement. Ultime affront, la délégation russe envoyée à Strasbourg inclurait 4 personnes interdites d’entrée sur le territoire de l’Union Européenne, ainsi que des suppléants criméens.

Le ministre allemand des Affaires Étrangères, Heiko Maas, a lui aussi réaffirmé réaffirmé l’appartenance de la Russie au Conseil de l’Europe, essuyant une réponse pour le moins fleurie de l’opposant russe Garry Kasparov.

Maigre consolation pour l’APCE, le retour de la Russie devrait mettre fin aux difficultés budgétaires du Conseil de l’Europe. La Russie s’est engagée à verser sa contribution budgétaire et celle des années passées (75 millions d’euros en incluant les intérêts), selon « des modalités qui restent à définir », indique le porte-parole du Secrétaire Général Daniel Holtgen. Cela devrait définitivement enterrer le plan social qui prévoyait la suppression de 250 postes.


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