Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

Déconfinons la démocratie locale !

Cinq Strasbourgeois qui se sont impliqués dans la démocratie locale à Strasbourg regrettent les choix de la municipalité écologiste. Ils déplorent une confiscation du débat public et une régression de la transparence.

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Déconfinons la démocratie locale !

Tout en affirmant haut et fort vouloir être dans la continuité du Pacte pour la Démocratie à Strasbourg, la nouvelle équipe municipale a plongé ses dispositifs et les instances de participation citoyenne dans un profond sommeil : impossibilité de déposer des pétitions, remise en question de l’étude des projets de la saison 2 du budget participatif…

Prétextant la crise sanitaire, la municipalité a différé toutes décisions sur ce sujet et a suspendu la reprise des conseils des quartiers pourtant légalement obligatoires. Les principes du Pacte ont été modifiés sans concertation ni même information, dans l’ignorance la plus complète de son premier article.

La politique de démocratie locale, patiemment élaborée de manière tripartite (citoyens, agents de la Collectivité locale et élus de l’équipe municipale) depuis la démarche du Sommet Citoyen, a été supplantée par des conférences citoyennes tape-à-l’œil (5 G, géothermie…) menées tambour battant pour légitimer des positions prises en amont par les élus et dont l’utilité pour le citoyen reste encore à démontrer. Le choix a été fait de mettre en veille les dispositifs démocratiques existants (conseils de quartiers et outils du Pacte : ateliers d’initiatives citoyennes, budget participatif, pétitions citoyennes) et de donner la quasi-totalité des ressources à ces conférences.

La tribune de deux élus de l’opposition municipale parue sur Rue89 Strasbourg récemment contient des remarques intéressantes notamment sur les conseils de quartier. Néanmoins, nous nous dissocions de leur démarche. Où étaient leurs auteurs lors des ateliers de construction du Pacte et dans les instances qui en sont issues ? Leur intention est-elle sincère ?

Les outils numériques écartent les anciens

Actuellement, la participation citoyenne repose exclusivement sur les outils numériques. Les moyens d’action utilisés, excluent, de fait, un public n’ayant pas de connexion internet ou qui ignore le fonctionnement des plateformes. Ils permettent de toucher un public jeune, habituellement très éloigné de la démocratie locale, mais peuvent, en contrepartie, sans accompagnement adapté, entretenir une fracture numérique et générationnelle.

La politique de communication sélective, reposant quasi-exclusivement sur les réseaux sociaux et la plateforme « participer.Strasbourg.eu« , ne permet qu’aux citoyens les plus avisés d’être informés des manifestations de participation citoyenne proposées. Elle élimine, de fait, des citoyens impliqués dans cette démarche depuis de nombreuses années. Porteurs
de mémoire et d’une expérience d’usage, ils ne sont pas sollicités et ont été le sentiment d’avoir été écartés au profit de citoyens « choisis ».

De fait, sous couvert du respect des règles de vie privée, les citoyens ayant donné leur consentement pour l’utilisation de leur adresse de courrier électronique avant les élections n’ont pas été informés des concertations ni invités à celles-ci par ce mode de communication. Ponctuellement, il a été utilisé de manière ciblée par la Collectivité pour certaines réunions, en complète contradiction avec cette pseudo contrainte règlementaire.

Fin de la transparence des sélections, absence du comité d’éthique…

L’alibi de la crise sanitaire a été utilisé pour instaurer une pratique abusive du tirage au sort pour désigner les représentants des citoyens dans les instances de démocratie participative. L’insuffisance de communication évoquée précédemment, engendre des difficultés pour candidater aux postes de participation citoyenne proposés. En outre, l’absence de transparence vis à vis de la liste des candidats et des modalités de tirage au sort engendre de la défiance à l’égard de cette pratique.

Le comité d’éthique, garant du respect du pacte a été constitué par tirage au sort dans une liste de volontaires non publiée à ce jour. Ses représentants citoyens restent inconnus.

Les saisines et les avis semblent tarder à être publiés… Cette nouvelle forme de démocratie « filtrée », sous tutelle avec des citoyens ciblés et inconnus, semble oublier les principes démocratiques les plus élémentaires.

La démocratie au quotidien que faisaient vivre les conseils de quartier, est enterrée. Elle va être remplacée par un système révolutionnaire décrété de forums citoyens, se déclinant en Ateliers Territoriaux Citoyens par projet, et dont la mise en œuvre, les sujets retenus se feront sous couvert d’une direction de la participation citoyenne déclinée dans chaque
direction de territoire et cela apparemment deux fois par an…

Les habitants se retrouvent donc seuls face à l’administration sans la médiation d’autres habitants qui pouvaient coordonner la vie du quartier, se souvenir et réactualiser des projets non retenus…

Aucun débat dans le recrutement des membres du conseil de développement

Le conseil de développement dont les membres sont cooptés est appelé à prendre plus de responsabilité dans l’élaboration des politiques publiques au niveau de l’Eurométropole. Mais ses méthodes de recrutement sont également floues. Elles n’ont fait l’objet d’aucun débat et d’aucune publicité avant la procédure de tirage au sort. de volontaires. Ceci porte atteinte à deux principes fondamentaux de la démocratie participative, la confiance réciproque et la transparence.

L’urgence démocratique mise en avant pendant la campagne électorale se concrétise dans les faits par une remise à zéro de tous les dispositifs qui rythmaient la démocratie participative dans notre ville. Cela démobilise et démotive des habitants excédés par ces remises en question du travail accompli de manière tripartite. Pendant de nombreuses années, des citoyens volontaires ont donné pour cela de leur énergie et de leur temps…

La démocratie Citoyenne se construit avec les habitants, pas à pas, en améliorant en permanence ses dispositifs. C’est inscrit dans le Pacte pour la démocratie à Strasbourg. Elle ne se décrète pas. Cette remise en cause de tout le travail passé trahit la démarche menée à Strasbourg depuis le Sommet Citoyen au Conseil de l’Europe en Octobre 2017.

Les habitants, artificiellement consultés, sont en réalité dépossédés de leur faculté d’intervenir réellement dans les politiques publiques qui impactent leur environnement. Ils ont goûté à une vraie démarche de participation citoyenne ouverte et ne sont pas prêts d’accepter un retour en arrière. Retrouvons du bon sens et conservons des fondations solides, bâties au cours du temps par une expertise d’usage citoyenne ! Améliorons ensemble les dispositifs ! Il est temps de prendre soin de la participation citoyenne et de déconfiner la démocratie locale !

Jean-Marcel Brulé
Yamina Grosjean
Benoit Grosjean
Imène Sfaxi
François Singer


#démocratie locale

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