Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

Écoles, sports, Culture… Au conseil municipal, les grandes dépenses jusqu’en 2026 dévoilées

Les écologistes rendent public leur plan de dépenses pour les investissements prévus au cours du mandat. Les écoles sont les principales bénéficiaires des « surinvestissements » décidés par la majorité. À suivre en direct et avec nos commentaires à partir de 12h30.

Vidéo

Cet article est en accès libre. Pour soutenir Rue89 Strasbourg, abonnez-vous.


Un total de 810 millions d’euros. C’est la somme que compte dépenser en travaux la municipalité jusqu’en 2026. C’est 160 de plus que le mandat précédent. La majorité n’hésite pas à parler de « surinvestissement ». « On assume d’aller investir plus d’argent dans des domaines qui nous paraissent prioritaires pour préparer l’avenir », développe la maire Jeanne Barseghian (EELV).

Un exercice de transparence nouveau

Les écologistes s’essayent à un exercice de transparence en rendant public pour la première fois le Plan pluriannuel d’investissements (PPI). Dans les majorités précédentes, ce document hyper-stratégique était détenu uniquement par quelques ténors. Le grand public, et même des élus de second rang, découvraient ainsi la naissance ou l’abandon de certains grands projets. C’était par exemple le cas du stade de la Meinau dès 2017, qui n’était pas planifié en début de mandat. Les Strasbourgeois ont aussi découvert la révision à la baisse des travaux du parc des expositions, voire carrément l’annulation de projets comme pour la prolongation Bus à haut niveau de service (BHNS) ou la mise en place du réseau cyclable Vélostras.

Consultable par chacun, ce PPI peut donner l’impression de figer les choses, au risque de ne pas pouvoir intégrer de nouveaux projet en cours de route. Le premier adjoint en charge des Finances Syamak Agha Babaei assure que la municipalité gardera une forme de souplesse :

« C’est une communication, pas une délibération avec vote. C’est une projection dont nous avons besoin, mais qui ne nous empêchera pas d’intégrer des projets, et réorienter des décisions. On est tout le temps dans cet exercice et on le voit avec ce PPI, avec à la fois des nouveaux projets et une continuité républicaine. C’est un document vivant. »

Plus d’argent pour les écoles

Le principal poste de dépenses (35%) concerne les écoles et établissements de petite enfance avec 222 millions d’euros. Il s’agit d’une augmentation de 100 millions par rapport à 2014-2019. Il comprend la création de quatre écoles, des rénovations ou des nouvelles cantines, sans plastique. Et encore, ce montant ne prend pas en compte le verdissement des cours de récréation (lire notre article), intégré dans le budget végétalisation (35 millions d’euros) de la ville.

Les investissements pour le patrimoine municipal (Centre administratif ; Hôtel de Ville ; Maisons des services de l’Elsau et de Koenigshoffen ; villa Kayserguet à la Robertsau ; achats de véhicules Crit’air 1, etc.) et les Sports (salle de boxe à l’Elsau ; rénovations de gymnases et terrains ; plaines des jeux à Hautepierre, Baggersee et l’Ile des sports) occupent les deuxième et troisième rangs, avec des budgets également en hausse.

Seule la Culture accuse une baisse, de 68 à 60 millions d’euros. La majorité l’explique par la fin du chantier du Maillon au Wacken, qui a concentré 40% des dépenses investissements culturels avec 27,8 millions d’euros.

Par rapport à 2014-2019, la plupart des dépenses prévisionnelles sont en hausse pour 2021-2026. Photo : document Ville de Strasbourg

Comme le laissait déjà présager la campagne de chacune des listes, le mandat ne devrait pas briller par ses grands projets emblématiques. Citons tout même l’agrandissement de la salle de la Laiterie (lire ici), des travaux aux cinémas Stars et St-Exupéry (6 millions d’euros), la fin des travaux de la Manufacture des Tabacs et de la Coop (12 millions d’euros) ou l’agrandissement du stade de la Meinau, confirmé par la nouvelle équipe (12,5 millions pour la Ville, le reste étant réglé par l’Eurométropole, la Région Grand Est et la Collectivité européenne d’Alsace).

Plus de dépenses pour les quartiers défavorisés

L’autre grand axe des écologistes est d’analyser les dépenses par quartier. L’exécutif a repris les investissements de 2004 à 2019 car « c’est à partir de cette date qu’on a une traçabilité », dixit Jeanne Barseghian. Une manière d’englober la gestion sous la droite, comme par la gauche ou de « lisser » les grosses dépenses liées à un projet d’un mandat à l’autre. La majorité écologiste compte ainsi procéder à un « effet de rattrapage ». Elle remarque que les quartiers où les revenus sont les plus élevés ont été mieux dotés, avec 60% des investissements passés.

Ainsi, Koenigshoffen, Cronebourg nord, le Port-du-Rhin, Hautepierre, Neudorf-Nord, l’Elsau ou la Meinau seront les mieux dotés avec plus de 2 000€ de dépenses par habitants pour les projets de « proximité ». Jeanne Barseghian prend l’exemple de Koenigshoffen :

« C’est un quartier qui voit sa population augmenter et où le revenu médian des habitants n’augmente pas. Nous comptons investir 42 millions d’euros jusqu’en 2026, contre 15 sur la période 2004-2019. »

L’élu de quartier Pierre Ozenne (EELV) cite l’école Marcel Clauss « un beau bâtiment, mais qui avec de grosses marches n’est pas adapté pour accueillir des personnes en situation de handicap ». De plus, l’établissement n’a toujours pas de cantine, qui se situera dans l’ancien foyer Saint-Joseph, préempté par la municipalité. Les écoles des quartiers populaires sont d’ailleurs davantage concernées par des travaux d’adaptation suite à la politique du gouvernement d’y dédoubler les classes en CP et CE1, « ce dont on peut partager l’objectif, mais pour lesquels on ne peut pousser les murs », poursuit Pierre Ozenne.

La municipalité distingue par ailleurs ses dépenses de « centralité » (147,2 millions d’euros) qui s’adressent à l’ensemble des habitants de Strasbourg, voire de l’Eurométropole, et celles de « proximité » (307 millions), c’est-à-dire les lieux davantage tournés vers la population à l’échelle d’un quartier. Là aussi, c’est un changement de cap, avec 68% de dépenses pour la proximité, contre un partage à 50/50 lors des 15 années précédentes.

Avant/Après évolution de la répartition des dépenses par quartiers

Glissez votre souris ou votre doigt pour comparer les périodes. (document Ville de Strasbourg)

À la Ville, des dépenses faciles à arbitrer

Avec une très large majorité (47 élus sur 65), les écologistes n’ont pas de difficulté à établir entre eux un plan d’investissements qui corresponde à leur programme et leur projet politique. Les négociations sont plus serrées à l’Eurométropole, où les budgets sont plus conséquents. Or c’est là que se décident les grandes dépenses pour les transports en commun, le logement, les parkings publics ou les grands équipements très chers (Palais des Congrès, médiathèques, piscines, etc).

Les écologistes de Strasbourg, Schiltigheim et Ostwald n’ont pas la majorité absolue et doivent donc s’entendre avec des maires de différentes sensibilités. La présidente Pia Imbs (sans étiquette) compte également rendre public son plan d’investissements, mais cela ne sera pas pour le conseil du 19 novembre, signe que les arbitrages prennent plus de temps à l’échelle des 33 communes.

La maire Jeanne Barseghian et son premier adjoint en charge des Finances Jeanne Barseghian sont les principaux artisans du plan d’investissements. Photo : Abdesslam Mirdass / Rue89 Strasbourg

Des angles d’attaques multiples pour l’opposition

Pour les oppositions, il sera difficile d’être ouvertement contre le fait d’investir dans les écoles ou les quartiers en difficulté. Mais les angles d’attaque ne devraient pas manquer. Ils pourront d’une part s’inquiéter de l’endettement, parfois qualifié « d’impôts de demain », que ces « surinvestissements » vont provoquer. Basé sur les projections actuelles, la dette de la Ville de Strasbourg devrait atteindre 404 millions fin 2025, contre 241 millions d’euros fin 2020. Sur un plan technique, la majorité devrait rétorquer que la plupart des grandes villes, mais aussi l’Union européenne et l’État français s’endettent « dans un contexte de relance ».

D’un point de vue plus politique, la réplique de Jeanne Barseghian est déjà prête :

« Si on ne fait pas ces investissements aujourd’hui, il faudra les faire demain. Y renoncer et augmenter notre dette écologique, reviendrait à dépenser plus, plus tard, pour davantage adapter la ville au réchauffement climatique. »

Un autre sujet de prédilection de l’opposition est la question du développement économique. Elle pourrait donc pointer le faible montant qui lui est réservé (30 millions d’euros), même si ces dépenses sont en hausse et relèvent surtout de l’Eurométropole. La somme se répartit entre 22 millions dans le quartier d’affaires Archipel 2, qui est réorienté pour être plus vert et avec davantage de logements, et la fin du paiement du nouveau parc des expositions, dont l’ouverture est prévue à l’été. Des projets du précédent mandat.

Par ailleurs, seuls 3,6 millions figurent pour l’Opéra (lire notre article). Ce qui veut dire qu’en dehors de quelques travaux d’urgence pour des raisons de sécurité (dont 1 million cet été, voté au point 4) peu de rénovations devraient être engagées d’ici 2026. Les socialistes ou la droite demandent de prendre une décision en ce début de mandat.

La catégorisation des dépenses sûrement débattue

Mais les critiques pourraient porter sur la forme des décisions. Les anciens membres de la majorité apprécieront peu la critique implicite concernant une sous-dotation passée des quartiers populaires. Il s’agit d’un électorat abstentionniste que toutes les oppositions convoitent. Les opposants devraient rappeler qu’il faudrait aussi comptabiliser les dépenses de la métropole ou des bailleurs sociaux, ou qu’il n’est pas bon de comparer, et donc « d’opposer » des secteurs de la ville. Même le découpage, qui correspond aux nouveaux élus de quartier, sera questionné par les socialistes. Leur cheffe de file Catherine Trautmann, minimise ce « PPI de reconduction et non de profond changement ».

Enfin, la distinction entre les projets de « centralité » et de « proximité » pourrait être nuancée. Un lieu comme l’espace Django au Neuhof propose à la fois des événements tournés vers les habitants du quartier, et d’autres, notamment des concerts, qui font venir des spectateurs de toute la ville. Une médiathèque (celle du quartier Gare doit être rénovée et une nouvelle est prévue aux Deux-Rives) s’adresse à tous, tout en attirant d’abord la population qui réside à proximité. Depuis quelques années, les grands projets essayent d’ailleurs tous d’intégrer une forme d’ »ouverture sur le quartier », parfois de l’ordre du symbole, pour parer à cette critique assez récente des dépenses de prestige, qui n’auraient pas de retombées sur leurs voisins. C’est d’ailleurs aussi la philosophie de projets comme la Manufacture des Tabacs ou la future Laiterie.

En dehors du plan d’investissements, les 63 autres points de l’ordre du jours sont plus consensuels, d’ordre technique ou relèvent des affaires courantes (exonération de loyer). Au point 30, l’aide à l’achat d’équipement de sécurité pourrait donner lieu à un nouveau débat sur la cohabitation cyclistes-piétons.

Une fin de séance à rallonge

En fin d’après-midi, voire dans la soirée, c’est le tour du conseil municipal alternatif. Cette fois-ci, c’est l’opposition qui décide des thèmes abordés. Les interpellations permettent d’empiler des coups de gueule, bons mots et interrogations sur la politique municipale. Plus qu’à susciter des débats, ces échanges ont de plus en plus vocation à récupérer les extraits filmés et ensuite les repartager intensément sur les réseaux sociaux, sans diffuser la réponse.

Pierre Jakubowicz (Agir) et Rebecca Breitmann (Modem) animeront la plupart des débats avec trois interpellations chacun. On y parlera de plusieurs quartiers de la ville, de démocratie ultra-locale ou du Forum Mondial de la Démocratie. Comme le nombre de conseils a été réduit de 10 à 8 par an, le groupe LREM considère que la séance de novembre est l’occasion d’en déposer le double qu’à l’accoutumée, après deux mois sans réunion. Et comme leur nombre n’est pas limité, pourquoi s’en priver ? Pierre Jakubowicz a également déposé une résolution, c’est-à-dire un vote qui engage le conseil municipal, pour que les séances soient traduites en langue des signes.

Les autres groupes sont plus sobres. Pour « Les Républicains », Jean-Philippe Vetter interpelle une nouvelle fois sur la sécurité et Jean-Philippe Maurer sur la lutte contre le logement insalubre (voir notre article). Quant à la socialiste Catherine Trautmann, elle alerte sur l’avenir des hôpitaux universitaires. Elle s’appuie sur trois articles successifs de Rue89 Strasbourg (à lire ici, et ) qui concernent les difficultés spécifiques de plusieurs services, par manque de personnel. C’est la deuxième interpellation du groupe socialiste en quelques mois sur ce thème. Ces derniers aimeraient que la maire, qui préside le conseil de surveillance, s’exprime davantage sur cette crise larvée et engage « une audition et un débat public », avec le directeur et un représentant de l’Agence régionale de Santé (ARS).

À suivre en direct à partir de 12h30 !


#Conseil municipal

Activez les notifications pour être alerté des nouveaux articles publiés en lien avec ce sujet.

Voir tous les articles
Plus d'options