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À l’Elsau, le confinement a accru le sentiment d’abandon des locataires de la Sibar

Bruit, inondation, moisissures, poubelles ouvertes à l’air libre… Pour les locataires de la Sibar du quartier de l’Elsau, le confinement a été éprouvant. Plusieurs habitants se plaignent de l’absence d’interlocuteur chez leur bailleur social en cas de problème, même après le déconfinement.

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À l’Elsau, le confinement a accru le sentiment d’abandon des locataires de la Sibar

Mardi 2 juin, aux alentours de 14h30, une petite dizaine de locataires du bailleur social Sibar patientent devant un immeuble de la rue Rembrandt à l’Elsau. Ils échangent sur leurs difficultés respectives : infiltration d’eau, portes défectueuses, absence de local à vélos, caves squatées ou installations électriques mal sécurisées… Après plusieurs mois confinés chez eux, ces Elsauviens perdent patience face à des problématiques évoquées depuis des mois, voire des années. Menouba Arbouche, représentante des locataires de l’Elsau pour la Confédération Nationale des Locataires (CNL), leur a proposé d’évoquer ces difficultés à Rue89 Strasbourg,dans le cadre de notre opération « Quartiers connectés« .

En début d’après-midi du mardi 2 juin, un petit groupe de locataires de la Sibar est venu se plaindre d’un bailleur social difficile à joindre, ou inactif… (Photo Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc)

Moisissures depuis 2013

Il y a tout d’abord Odile (le prénom a été modifié) qui se plaint de moisissures dans son appartement, et ce « depuis 2013, dans toutes les pièces le long de mes fenêtres. » Après plusieurs mois d’attente, une société a bien été dépêchée sur place pour faire un premier constat. Problème : personne n’est venue depuis pour faire les travaux. « Mon sol gondole de plus en plus », se plaint l’Elsauvienne. Marie (le prénom a été modifié) interrompt sa voisine, plusieurs feuilles à la main pour appuyer ses propos : « Depuis 2014, j’ai aussi de l’eau qui entre dans l’appartement par les fenêtres. L’assurance a fait venir quelqu’un, qui m’a dit que c’était à la Sibar de s’en occuper. »

Devant le 8 rue Rembrandt, une dame de 72 ans raconte une galère de toilettes. « J’ai un problème avec le réservoir d’eau, parfois, il reste vide pendant deux jours, explique-t-elle, alors je me balade dans l’appartement avec un seau pour tirer la chasse d’eau. » La situation dure depuis mars. Heureusement, la femme a passé son confinement chez son fils. Elle n’a eu une réponse et un avis de passage qu’au début du mois de juin.

Problème d’interlocuteur, problème de langue

Mathieu (le prénom a été modifié) tient à faire visiter les parties communes de son immeuble, situé à deux pas dans la même rue. Dès l’entrée, il montre du doigt la saleté sur le sol : « Ça, c’est une poubelle qui fuit pendant que quelqu’un la descendait. » Sur sa gauche, dans un couloir, l’habitant ouvre une armoire sans souci et commente : « Il y a des câbles électriques, un compteur de gaz, c’est dangereux de laisser ça ouvert à tous. » La visite continue dans la cave. Des mégots, des bouteilles et des bombes de peinture traînent par terre. Il regrette aussi de voir les poubelles ouvertes à l’extérieur 24 heures avant le passage des éboueurs : « Je les sens jusque chez moi », râle-t-il. Pour toutes ces situations, le locataire regrette de n’avoir aucun « interlocuteur valable » auprès de la Sibar.

Plusieurs personnes se plaignent aussi du manque de médiation entre les Elsauviens présents depuis plusieurs décennies et les nouveaux arrivants. (Photo Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc)

Plusieurs personnes se plaignent aussi du manque de médiation entre les Elsauviens habitant ici depuis plusieurs décennies et les nouveaux arrivants. Mathieu parle de certaines familles ne parlant pas le français et ne respectant pas les règles de vie commune de l’immeuble. Ainsi, en février 2020, la représentante des locataires Menouba Arbouche demandait notamment au directeur de la Sibar de « faire signer le bail locatif attribué à ces étrangers dans leur langue. »

Un numéro d’urgences dirige… vers un mail

Selon Ratiba, le déconfinement n’a pas amélioré la prise en charge des locataires. Le 11 mai, la mère de trois enfants subissait un dégât des eaux dans son appartement. En appelant le numéro d’urgence indiqué dans l’entrée de l’immeuble, l’Elsauvienne apprend par un répondeur automatique qu’elle doit « envoyer un mail ». Heureusement, des voisins disposent du numéro de téléphone d’un responsable de la Sibar : « Mes enfants jetaient l’eau par la fenêtre pendant que je cherchais une solution, se souvient-elle, sans les voisins, je ne sais pas comment j’aurais fait. »

Début juin, l’habitante attend toujours des nouvelles de son bailleur concernant les frais de réparation. Mardi 2 juin, Rue89 Strasbourg a pu constater que le numéro d’urgence indiqué dans le hall de l’immeuble renvoyait toujours vers une adresse mail « en raison de la crise sanitaire. » De son côté, la Sibar assure n’avoir reçu aucun courrier ou appel au sujet d’un dégât des eaux à cette adresse. Le bailleur social promet néanmoins que les frais liés à l’inondation seront pris en charge.

Pour Menouba Arbouche, élue CNL des locataires de la SIBAR à l’Elsau, l’attente des locataires se fait trop longue. (Photo Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc)

Sibar : « On a même reçu des mails de félicitations »

Le responsable des relations client de la Sibar s’étonne face à ces témoignages de locataires. Freddy Zimmermann rappelle l’existence d’un numéro de téléphone, d’un mail et de collaborateurs du bailleur social présents auprès des habitants trois fois par semaine pour recueillir leurs remarques. Il estime ainsi que ses équipes ont répondu à toutes les demandes pendant le confinement : « On a même reçu des mails de félicitations », indique-t-il en envoyant une lettre d’un représentant de locataires de la Meinau. Le salarié de la Sibar concède néanmoins que la ligne téléphonique du bailleur peut être surchargée à certains moments. Il assure aussi que la problématique liée au numéro de téléphone d’urgence a été réglée.

Interrogé sur les doléances des habitants concernant l’absence de local à vélo ou la propreté des communs, Freddy Zimmermann répond par le projet de rénovation du quartier :

« Avec l’Eurométropole de Strasbourg, nous allons investir plusieurs millions d’euros dans la rue Jean-Jacques Waltz et Rembrandt. Nous subissons beaucoup d’incivilités de la part des locataires et de personnes extérieurs dans ce secteur, nous allons donc résidentialiser l’espace (fermer l’accès aux immeubles par des clôtures, ndlr). Nous envisageons la vidéosurveillance pour mettre fin aux incivilités. La problématique des locaux à vélos sera aussi traitée et des travaux de restructuration des espaces verts sont à l’étude. L’objectif, c’est de commencer les travaux en 2023, les études sont en cours. Il faut que les locataires aient un peu de patience. »

« Des problèmes dénoncés depuis des années »

Pour Menouba Arbouche, l’attente des locataires a déjà trop duré : « Les problèmes dénoncés datent de plusieurs années et ne sont pas réglés malgré une réunion avec les responsables des services entretien en… octobre 2019. » Une autre rencontre était prévue en mars, mais elle a été repoussée du fait de la crise sanitaire. « Le confinement a bon dos ! », rit Mathieu, qui estime que le bailleur social n’était pas plus réactif avant la pandémie. Une voisine espère qu’il n’y aura « pas de deuxième vague, sinon on aura pas de réponse avant Noël ! »


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