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[Grand Entretien] Marc Keller : « Installer le Racing en L1 tout en préservant l’ambiance »

Président du Racing club de Strasbourg Alsace depuis 2012, Marc Keller se livre pour la première fois à Rue89 Strasbourg sur ses projets pour le club, à l’entame de sa deuxième saison en Ligue 1, retrouvée l’an dernier après 9 ans d’absence.

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Marc Keller, ici à la journée des fans, le Fan's day, détaille sa vision pour l'avenir du club. (photo Franck Kobi / RCSA)

Rue89 Strasbourg : Quel est l’objectif fixé pour la saison qui commence dimanche ?

Marc Keller : L’objectif c’est de pérenniser le club en Ligue 1. On veut faire un peu mieux, sans perdre de vue que le maintien reste essentiel, dans un championnat très compétitif. Il y a aujourd’hui quatre gros : Paris, Marseille, Lyon et Monaco, puis un groupe de quatre à six clubs bien établis, avec Rennes, Saint-Etienne, Bordeaux, Lille, Nantes, etc. et après une dizaine d’équipes derrière.

Pour cela on a essayé d’améliorer l’équipe. On laisse toujours des joueurs en fin de contrat pour les remplacer et ne pas être en sureffectif. On a recruté 6 joueurs et on a encore probablement deux ou trois joueurs à chercher.

En termes de budget, nous passons de 35 millions d’euros à 38/39 millions d’euros cette saison. Le budget augmente un petit peu, mais chez nos concurrents aussi. Au-delà de ça, le plus important reste de garder l’état d’esprit d’unité et de solidarité que l’on a eu depuis quelques années.

Comment avez-vous fonctionné pour le recrutement cette intersaison ?

Le coach Thierry Laurey est celui qui donne ses besoins pour les postes à améliorer et les profils qu’il souhaite. Ensuite, le recruteur Loïc Désiré et ses équipes font des propositions. Nous, les dirigeants, nous arrivons ensuite. Quand il y a un début de consensus pour la partie sportive, nous devons dire quand ce n’est pas possible financièrement ou au contraire quand nous pouvons faire des efforts.

On a tiré le bilan de l’an dernier et voulu s’orienter vers deux types de joueurs. On a des joueurs en post-formation de Ligue 2, assez jeunes mais avec du potentiel comme Sissoko et Ajorque, à l’instar de l’an dernier avec Kenny Lala, Bingourou Kamara, Nuno Da Costa ou Jean-Eudes Aholou (acheté 350 000 euros à Orléans il y a deux ans et revendu 14 millions à Monaco cette année, le plus gros transfert de l’histoire du club ndlr). Cette année on a aussi voulu amener plus d’expérience, avec des joueurs aguerris comme Saels, Mitrovic, Thomasson ou Koné.

Quelles nouveautés verra-t-on dans le stade ?

Le club a dépensé deux millions d’euros en travaux : un million pour la pelouse hybride, 300 000€ pour une salle de musculation au centre de formation et 700 000€ pour de nouveaux espaces d’accueil du public, notamment via des chapiteaux à la fois pour le grand public et les VIP, à côté d’améliorations générales. L’objectif est d’améliorer l’expérience de tous nos spectateurs, autour d’un moment convivial, où les portes ouvrent deux heures avant et où il est possible de rester après. Sachant que l’Eurométropole fait aussi tous les ans un peu d’entretien de court terme.

Vous avez encore battu votre record d’abonnés. Qu’est-ce que cela vous inspire et combien de places restera-t-il en vente ?

Nous sommes à 19 200 abonnés. Nous avons 26 000 places sachant qu’il faut en réserver 1 000 aux adversaires et que les abonnés comprennent les places de nos sponsors et partenaires. Au guichet, il restera donc 5 à 6000 places par match.

Depuis 2011, on a réussi un mélange de public de passionnés avec le « Mur bleu » (le kop) et un public très familial, plus jeune et féminin. Je pensais qu’on ferait mieux que l’an dernier, mais plutôt autour de 18 000. Depuis les années amateurs, nous avons eu des moments forts avec la montée à Raon-l’Étape en CFA, face à Bourg-en-Bresse ou les derbys contre Colmar… On a créé une Génération Racing qui grandit.

À moyen terme, quelle direction souhaitez-vous donner au club ?

On essaie de gagner en structuration interne. Cela passe par notre staff qu’il faut étoffer (pendant l’entretien, l’ajout de l’ancien joueur Kader Mangane comme coordinateur sportif a été officialisé, ndlr), car il y a 24 mois nous étions encore en National.

Et il y a les infrastructures. Évidement le consensus des collectivités locales pour financer la rénovation et l’agrandissement du stade est un moment clé dans la vie du club. Si on ne passe pas à 50 ou 60 millions d’euros, hors ventes de joueurs, dans les prochaines années, on restera dans la troisième catégorie de clubs. L’idée c’est de s’approcher de la deuxième catégorie.

Aujourd’hui, la moitié des recettes proviennent des droits de télévision et celles dites « naturelles » sont utilisées à presque 100% de nos possibilités. Nous avons une affluence moyenne à 24 000 spectateurs pour 25/26 000 places. Cet été, on a encore rajouté un chapiteau de 300 places VIP, soit 2 000 places en tout et tout est déjà plein.

Avec les succès et l’enthousiasme autour du club depuis quelques années vous avez dû avoir des sociétés intéressées par l’actionnariat. Est-ce une piste que vous envisagez ?

On a beaucoup travaillé le sponsoring. On a 500 sociétés alsaciennes partenaires. On pourrait en avoir plus, mais nous sommes limités par les mètres-carrés. Nous n’avons pas travaillé l’actionnariat car le club est sain financièrement et qu’on est en pleine phase de développement. La base de la réussite des dernières années, c’est un club apaisé avec un écosystème à l’extérieur, avec le public, les sponsors et les collectivités, mais aussi en interne. Avec Pierre Schmidt et Egon Gindorf, on a pu choisir tous nos amis actionnaires avec nous, ce qui crée une stabilité totale depuis 7 ans.

Marc Keller, ici à la journée des fans, le Fan's day, détaille sa vision pour l'avenir du club. (photo Franck Kobi / RCSA)
Marc Keller, ici à la journée des fans, détaille sa vision pour l’avenir du club. (photo Franck Kobi / RCSA)

Pourquoi avoir changé d’équipementier ?

Hummel a été avec nous pendant 11 ans et nous a accompagné même dans les moments difficiles. Pierre Chouissa l’un des dirigeants est actionaire du club. Mais Addidas est une marque d’envergue mondiale avec une histoire régionale et on a décidé de repartir avec eux comme par le passé, tout en gardant une bonne relation avec la famille Chouissa. Ce nouveau sponsor rapporte plus mais c’est un montant que nous ne pouvons divulguer.

Comment avance le dossier de la rénovation et l’agrandissement du stade ?

Les collectivités ont délibéré pour 60 millions d’euros sur 100. Début septembre les vraies discussions, architecturales, techniques et financières vont avoir lieu. On s’achemine vers une société avec les collectivités qui emprunteraient les 40 millions restant. La philosophie on l’a, mais on doit se mettre à table pour discuter les détails.

Si on peut lancer les travaux d’ici deux ans on peut se retrouver dans 4 ou 5 ans avec la Meinau de demain et l’ambiance d’aujourd’hui, vers 32 000 – 33 000 places.

On travaille main dans la main. Il y a des subventions mais on est une société totalement privée depuis 2012 et on assume les risques, c’est normal. On a trouvé un rapport direct et franc avec les collectivités. Le dialogue a été très constructif et naturel. Elles ont conscience que le Racing est à un moment charnière de son histoire.

Les supporters se demandent souvent si le nom du stade sera confié à un sponsor, comme par la future salle de la Sig.

La décision la plus importante, prise à l’unanimité, c’est que l’on reste chez nous. L’autre hypothèse était de construire ailleurs. On va travailler sur un namer (l’organisation ou la marque qui donne son nom à un stade, une compétition, ndlr). Évidemment, on sait que la sensibilité de la Meinau est importante. Mais on en est pas au stade des décisions.

Selon vous, quelle place doit occuper le club dans la ville et la région ?

On travaille sur l’ancrage du stade dans le quartier de la Meinau, avec l’adjoint au maire Mathieu Cahn. Mais le club est aussi un acteur important de la ville, du département et de la région. Il est vecteur de lien social, d’emploi et d’attractivité. Nous travaillons aussi depuis deux ans sur la responsabilité sociale de l’entreprise (RSE) avec notamment l’association Femmes de foot, qui s’engage pour la lutte contre le cancer du sein.

Justement, l’an prochain il y a la Coupe de monde féminine en France, mais pas de matches à Strasbourg. Pourquoi ?

À l’époque de la décision, il y a environ 4 ans, le club était en National. Très sincèrement, on peut comprendre les élus qui ne soient pas trop motivés pour accueillir un événement de foot quand le club phare est au troisième échelon. Nous avons cependant pu accueillir la finale de la Coup de France (OL – PSG), qui avec plus de 12 000 spectateurs, a été un record.

Comme il s’agit de vos responsabilités à la fédération française de foot, est-ce un axe que vous voulez développer au Racing ?

Nous avons ouvert une section féminine qui se développe et joue au stade Jean Nicolas Muller dans le quartier. Il y a même des équipes dites « Pitchounes » dès 7 ans. Mais nous venons de loin et nous avons fait beaucoup d’efforts dans beaucoup de domaines. Il reste beaucoup de choses à faire.

Quel est l’état de la relation avec les supporters ?
Nous avons tissé un lien de grande qualité, très direct, sincère et efficace. L’ambiance est un élément de la réussite du club. L’ambiance sonore bien sûr, mais aussi de sécurité, convivialité et de festivité. En passant le kop du virage à l’arrière du but, ce qui était une demande à l’occasion du passage en Ligue 2, le nombre de membres et l’ambiance ont explosé. Il y a beaucoup de concertation. Les supporters seront associés à la réflexion sur le nouveau stade notamment sur la « tribune active debout ». Nous devons la rendre aussi sûre que les petits sièges actuels, grâce à de grandes coursives en quinconce pour éviter les mouvements de foule.

Est-ce que l’actionnariat des supporters sur le modèle des « socios » comme à Barcelone ou à petite échelle à la Sig est une piste qui vous intéresse ?

On a une relation privilégiée avec eux et un actionnariat partagé avec des chefs d’entreprises locaux. Dans chaque ville, il faut trouver son équilibre. Pour l’instant, on l’a trouvé comme ça.

Dans votre développement, est-ce qu’il y a des clubs qui vous inspirent ?

Partout où l’on va en déplacement, on regarde ce qui se fait. On a beaucoup appris pendant nos années dans le monde amateur en ce qui concerne l’accueil. On s’inspire aussi de ce que j’ai pu connaitre en tant que joueur en Bundesliga allemande, notamment dans le développement des stades en terme d’ambiance, mais aussi de clubs de rugby comme Clermont, Toulouse ou le Lou Rugby à Lyon. Il n’y a pas un club de Ligue 1 en particulier que l’on essaie d’imiter, il y a des choses à prendre partout. Guingamp, qui est dans une petite ville de 8 000 habitants, est un club qui a très bien travaillé, avec un stade de 19 000 places.

Avez vous des contacts avec les autres clubs sportifs de la région ?

Avec les clubs de foot, il y a une bonne relation, quasi-fililale, sur le modèle du partenariat. On discute de tout. Aujourd’hui, les meilleurs Alsaciens viennent au centre de formation, ce qui n’était pas le cas quand on était en National. Pour les clubs des autres sports comme la Sig en basketball ou l’Esshab et Sélestat en handball, on a de bonnes relations. Chaque club peut exister, même s’il y a parfois des choses que l’on pourrait mutualiser, comme le merchandising, la billetterie ou les boutiques, où on a des problématiques similaires et parfois des publics communs.


#football

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