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L’habitat participatif, une exception strasbourgeoise

À Strasbourg, 11 collectifs d’habitants ont mené avec succès leurs opérations immobilières et 17 projets sont en cours. Malgré ces chiffres, Strasbourg est la ville française la plus active en matière d’habitat participatif.

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L’habitat participatif, une exception strasbourgeoise

La France compte 523 projets d’habitat participatif à des stades de développement plus ou moins avancés. Cette pratique permet aux futurs habitants d’un immeuble de se regrouper pour concevoir ensemble leur logement et les espaces partagés. Ils peuvent ainsi créer des lieux de vie adaptés à leurs besoins et en adéquation avec leurs aspirations sociales ou écologiques. La loi Accès au Logement et Urbanisme Rénové (ALUR) de 2014 a fait sauter plusieurs verrous mais ce sont toujours des projets qui demandent beaucoup de temps et d’argent aux porteurs. Bien souvent, ils ne voient pas le jour, ce qui explique leur faible nombre. Mais Strasbourg fait figure d’exception.

Economeny fait partie des dix projets d’habitat participatif nés des appels à projets lancés par la Ville de Strasbourg depuis 2009. (FP / Rue89 Strasbourg)

Le territoire alsacien est historiquement pionnier en la matière. Le premier logement français créé en auto-promotion, Éco-Logis, est né à Strasbourg en 2009. Depuis, dix autres bâtiments en habitat participatif sont sortis de terre dans la capitale alsacienne, pour atteindre un total de 92 logements. Et la dynamique se poursuit puisque 17 projets pour un total de 200 logements doivent se développer dans les prochaines années. Ce qui fait de Strasbourg la première ville française en matière d’habitat participatif. En comparaison, Grenoble, deuxième ville au classement, ne compte que 8 projets en cours.

La municipalité fournit les terrains à prix réduits

« Nous souhaitions créer une troisième voie dans l’aménagement urbain entre le logement social et la promotion privée », résume Alain Jund, ancien adjoint au maire à l’urbanisme et toujours conseiller municipal, délégué à l’habitat participatif justement.

En clair, la Ville réserve des terrains municipaux à l’abandon ou sous-exploités pour ce type de logement et jusqu’à 10% des logements dans ses nouveaux projets urbains. Ces terrains sont ensuite vendus à prix réduits aux groupes ayant des projets retenus pour leurs engagements en matière environnementale, de mixité sociale, culturelle ou intergénérationnelle.

Ce dispositif permet de résoudre un des freins majeurs au développement de tels projets : le prix du foncier, surtout dans les zones urbaines, où il est élevé. « Il y a un certain nombre de groupes qui se forment mais réussir à se positionner dans un contexte d’immobilier en tension comme à Strasbourg est très difficile avec la concurrence des promoteurs », explique Emmanuel Marx, directeur d’Éco-Quartier Strasbourg, l’association à l’origine d’Éco-Logis.

Selon Habitat Participatif France, la moitié des projets échouent faute de pouvoir acquérir le terrain désiré. Les particuliers doivent négocier individuellement des prêts bancaires et n’ont pas les moyens de lutter contre les leviers financiers et la réactivité des promoteurs immobiliers.

Une fois le foncier obtenu, les statistiques s’améliorent. Cependant, dans la majorité des projets réussis, l’habitat participatif repose sur une rénovation d’un bâtiment plutôt qu’une construction neuve.

Une démarche d’appels à projets qui se généralise

Autre mesure favorisant le développement de l’habitat participatif : les terrains sont attribués lors d’appels à projets. « Il s’agissait de dépasser le public militant initial et de spécialistes de l’aménagement pour sensibiliser un public plus large à ces pratiques et à cette culture », décrit Alain Jund.

Cette démarche d’appels à projets pour l’habitat participatif était une première en France en 2009. Aujourd’hui, le procédé s’est diffusé à des villes comme Grenoble, Toulouse ou Montreuil.

Un accompagnement qui permet de mener les projets à bien

« Suite aux appels à projets municipaux, neuf projets sur dix vont jusqu’à leur terme », affirme Emmanuel Marx. Une réussite qui s’explique par l’accompagnement des habitants par des partenaires associatifs et professionnels de l’aménagement. « Nous estimons que c’est aux citoyens de s’organiser, mais ils ont souvent besoin d’un soutien technique », commente Alain Jund.

Ainsi l’association Éco-Quartier, financée par la Ville de Strasbourg, intervient dans l’aspect humain du projet. D’abord, en amont, pour expliquer ce qui est possible dans l’habitat participatif et comment constituer un groupe. Puis, une fois le groupe créé, l’association apporte des compétences en matière de gestion des espaces partagés : « Avec l’habitat participatif, il est impératif d’établir des règles communautaires en matière d’organisation collective », explique Emmanuel Marx, directeur d’Éco-Quartier Strasbourg.

Des assistants à maîtrise d’ouvrage comme le cabinet d’architecture Ankha peuvent apporter des compétences techniques. Ils fournissent aux porteurs de projets une expertise sur les coûts de construction, les contraintes techniques ou énergétiques. L’accompagnement de juristes est aussi nécessaire dans les projets qui mêle des publics avec disparités de revenus. Ils permettent par exemple de fixer des règles dans l’éventualité d’une scission du groupe de copropriétaires .

Bien que des projets d’habitat participatif continuent d’émerger à Strasbourg selon Emmanuel Marx, ces projets ont désormais tendance à se déplacer vers les zones périurbaines de la deuxième couronne strasbourgeoise, voire rurales de l’Alsace du Nord ou du piémont des Vosges.


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