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Ignorée par le Samu et son bailleur social, une habitante de l’Elsau a accouché dans son salon

Samedi 8 juin à 22h, Awa Camara sent des contractions. Enceinte depuis plus de neuf mois, elle appelle le Samu… qui tarde à venir. Suite à un deuxième appel, les urgentistes resteront bloqués devant l’entrée de l’immeuble. Malgré ses appels au bailleur social, le nom d’Awa Camara ne figure pas sur l’interphone. La femme a donc accouché seule dans son salon, aidée par sa voisine du dessus…

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Ignorée par le Samu et son bailleur social, une habitante de l’Elsau a accouché dans son salon

Modibo Bajayoko est né ici, dans le salon d’un logement social du quartier de l’Elsau à Strasbourg. Dans les bras de sa mère, Awa Camara, le bébé de six mois rit en agitant les bras. Sur un matelas à même le sol, sa sœur Kadidia dort à poings fermés sous une couverture rose. Dans la nuit du 8 au 9 juin, c’est elle qui a alerté la voisine du dessus : « Maman va accoucher ! »

Ce jour-là, aux alentours de 20h, Awa Camara est prise de contractions, elle a appelé le Samu… mais elle n’est pas prise au sérieux : « Ils m’ont dit que les douleurs allaient passer, qu’il fallait prendre un spasfon… »

Illustration Ariane Pinel

« Sans elle, ça aurait été la catastrophe »

« Quand j’ai rappelé le Samu vers 22 heures, je leur ai dit que j’avais des contractions, que j’ai toujours mal au ventre, se souvient Awa Camara, je leur ai dit que j’avais dépassé le terme de neuf mois. Ils m’ont dit qu’ils allaient envoyer une ambulance. »

Mais à minuit passé, Awa Camara est toujours seule dans son appartement. Elle sent l’accouchement s’approcher et envoie sa fille chercher sa voisine, Jansari. Cette dernière ne cache pas son angoisse à l’idée de faire accoucher quelqu’un pour la première fois : « Je n’ai pas de mots pour la remercier… Sans elle, ça aurait été la catastrophe », soupire la mère de quatre enfants. Contactée, la direction de la communication des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg a refusé de nous répondre.

« Ils n’ont jamais mis mon nom sur la sonnette »

Vers 1 heure du matin, le téléphone d’Awa sonne. La voisine décroche et tombe sur le Samu : « Elle a déjà accouché », crie-t-elle au téléphone, se souvient Awa. Jansari apprend que les urgentistes sont en bas de l’immeuble de la mère de famille. Faute d’avoir trouvé le nom « Camara » sur la sonnette, ils sont restés devant l’entrée du bloc.

« J’ai appelé et je suis allé voir CUS Habitat plusieurs fois (désormais Ophéa, ndlr) pour leur dire d’ajouter le nom dans la liste proposée par l’interphone, mais ils ne l’ont jamais fait », regrette Awa Camara. Du côté du bailleur social, on jure « qu’aucune trace écrite de cette demande n’a pu être trouvé. » « Nous avons pourtant d’autres écrits de la part de cette locataire, ajoute une responsable de la communication, c’est bizarre… »

« Je ne voudrais pas perdre cette solidarité »

Le bébé est déjà dans les bras d’Awa Camara lorsque les urgentistes entrent dans son appartement. Ils aident la mère à expulser le placenta et l’amènent à l’hôpital. Et la femme de remercier encore une fois sa voisine : « Elle a aussi gardé mes enfants pendant que j’étais absente… »

Awa Camara habite le quartier depuis deux ans. Avec son mari aide à domicile, ils se serrent la ceinture pour payer le loyer de 555 euros et nourrir leurs quatre enfants. Car la mère de famille ne peut pas travailler. Elle boite lorsqu’elle marche : « Je dois avoir une opération pour avoir une prothèse de hanche. »

Pour lui éviter de descendre les escaliers trop souvent, la voisine amène parfois les enfants d’Awa à l’école élémentaire Martin Schongauer, juste à côté. « Quand j’arrive devant l’immeuble avec les courses, elle envoie parfois ses enfants pour m’aider », sourit la mère de famille. Son immeuble ne sera pas détruit par la rénovation urbaine à venir. C’est tant mieux pour Awa, qui compte bien rester dans le quartier : « J’ai tous mes amis ici. Je ne voudrais pas perdre cette solidarité. »


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