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Le procureur saisit l’IGPN suite à des violences policières au commissariat de Strasbourg

Mardi 2 juin, Abdou Diallo était jugé en comparution immédiate au tribunal judiciaire de Strasbourg pour vol de vélo et agression sur un policier. Mais la vidéosurveillance du commissariat strasbourgeois révèle qu’un policier a frappé le jeune homme de 21 ans.

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L'hôtel de police de Strasbourg

La vidéosurveillance a sauvé Abdou Diallo. Mardi 2 juin, le jeune homme de 21 ans était jugé par le tribunal correctionnel de Strasbourg pour vol de vélo, utilisation d’une fausse identité et violence contre une personne dépositaire de l’autorité publique. Cette dernière accusation était fondée sur une plainte d’un policier, appuyée par le témoignage d’une policière ainsi qu’un procès-verbal décrivant les images de vidéosurveillance du sous-sol du commissariat strasbourgeois.

Un coup de poing gratuit par le policier

Mais l’avocate du prévenu, Me Kaoutare Choukour, a détecté des contradictions dans les différents témoignages des policiers. À l’audience, elle a demandé au président du tribunal Phillipe Schneider de visionner les images de vidéosurveillance. Elle raconte la suite :

« Quand on lit le dossier, on s’imagine que M. Diallo a été provoquant et agressif, comme l’ont relaté non pas un mais trois policiers. Sauf que sur la vidéo, on voit deux policiers et M. Diallo, menotté et calme. Puis un policier lui enlève les menottes. On ne sait pas ce qu’il lui dit à ce moment là. Mais ensuite mon client lève le coude, un geste défensif, parce que le policier lui donne un coup de poing au visage. Le policier le prend ensuite par la veste et lui plaque la tête contre la porte, avant de sortir du champ de la caméra. »

Me Kaoutare Choukour : « Les policiers savent très bien que souvent, par manque de temps, le président ne regarde pas les images de vidéosurveillance » (Photo Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc)

Au vu des images, le président du tribunal a relaxé Abdou Diallo pour les violences et l’usurpation d’identité. Il a cependant été condamné à quatre mois d’emprisonnement pour le vol de vélo. La peine étant aménageable, le jeune originaire de Guinée-Conakry n’a pas été incarcéré. Pour Me Kaoutare Choukour, son client aurait bien pu finir à la maison d’arrêt de Strasbourg :

« On a eu de la chance d’avoir un président du tribunal rigoureux qui a bien voulu visionner ces vidéos. Les policiers savent très bien que souvent, par manque de temps, les magistrats ne regardent pas les images de vidéosurveillance. Mardi, on a terminé les audiences de comparution immédiate à 21 heures. Les juges partent souvent de l’idée que le procès verbal de la vidéosurveillance est fidèle aux images. »

L’IGPN saisi dès le lendemain de l’audience

Face à ces images, le président du tribunal Philippe Schneider a demandé au vice-procureur Guerogui Varbanov de se saisir des faits. Ce dernier a promis l’ouverture d’une enquête lors de l’audience, comme le rapportent les Dernières Nouvelles d’Alsace. Chose faite dès mercredi, comme l’indique le parquet à Rue89 Strasbourg :

« Ce matin, au vu de la copie du dossier et de la note d’audience, le procureur a saisi l’IGPN d’une enquête ouverte du chef de violences commises par un dépositaire de l’autorité publique. » 

Les mensonges des policiers

Deux autres policiers encourent des sanctions dans cette affaire. Tout d’abord, le policier qui a rédigé le procès-verbal des images de vidéosurveillance sans mentionner le coup porté à Abdou Diallo. Ensuite, une policière témoin de la scène a aussi caché le comportement agressif de son collègue. Sans doute fallait-il aller dans le sens de la plainte déposée contre le jeune de 21 ans pour « violence aggravée par deux circonstances avec interruption temporaire du travail inférieure à huit jours. »

Me Kaoutare Choukour ajoute un autre élément de preuve favorable à Abdou Diallo : un rapport médical. Ce document atteste que deux coups ont été portés contre le gardé à vue. « Mais ce n’est pas mon client qui s’est plaint, rappelle l’avocate. Quand on est victime de violences policières, on se dit : “De toute façon, qui va me croire ?” Heureusement qu’un autre policier a demandé au médecin de rédiger un rapport, car les constatations médicales confirment les allégations de M. Diallo. »

Abdou Diallo introuvable

En début de soirée, mardi 3 juin, Abdou Diallo était introuvable. Son téléphone semble éteint. Deux de ses amis se disent « inquiets » en l’absence de nouvelles de sa part : « On est tout le temps ensemble, c’est comme un frère pour nous. S’il ne répond pas, c’est qu’il est traumatisé », affirme Mdjoh (le prénom a été modifié). Les deux compagnons d’Abdou envisagent d’organiser une manifestation ce samedi devant le tribunal judiciaire de Strasbourg : « Justice doit être faite pour Abdou », estime André Mulenda. »

« On est tout le temps ensemble, c’est comme un frère pour nous. S’il ne répond pas, c’est qu’il est traumatisé », affirme Mdjoh (à gauche, le prénom a été modifié) (Photo Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc)

Contactée, la direction départementale de la sécurité publique n’a pas souhaité s’exprimer sur cette affaire. De même, l’avocate du policier ayant frappé Abdou Diallo a simplement indiqué à Rue89 Strasbourg que son client souhaite faire appel de la décision du tribunal.


#violences policières

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